Épisode 1

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Les cimes du système

Gabriel entra dans le bureau du Vieux d'une démarche assurée. Ce dernier était debout, face à la fenêtre, embrassant du regard la Cité tout entière. Il fit face à Gabriel, qui le gratifia d'un signe de tête en guise de salut. Pendant que le Vieux regagnait son siège, Gabriel accrocha son pardessus au porte-manteau. Rajustant nonchalamment son veston, il rejoignit le fauteuil bas qui faisait face au bureau, le tira en arrière d'un geste sec, et s'y laissa tomber avec un soupir las.

« Cigare ? »

Le Vieux s'était penché en avant et lui tendait une boite neuve.

Gabriel hésita une seconde. Le premier cigare ? Vraiment ? Il leva une main en signe de refus. Ça lui semblait déplacé de se servir avant le Patron.

— Si ça ne vous fait rien, j'en resterai aux cigarettes.

— Le mauvais tabac aura tes plumes, mon petit Gabriel.

Il sourit poliment, même si ce n'était pas particulièrement drôle. Sa relation avec le Vieux remontait à loin. On ne partageait pas une petite éternité de bons et loyaux services sans développer une certaine complicité. Et une multitude de petits rituels.

Il se roula sa clope pendant que le Vieux tirait à grosses bouffées sur son barreau de chaise afin de le faire prendre. Il accrocha du coin de l'œil un verre de whisky posé au coin du bureau, et s'en sentit autorisé à sortir sa flasque de son veston. Il en déduisit également qu'il se passait quelque chose d'important. Fumer et boire dans le bureau du Patron, ça n'arrivait pas tous les jours.

Le Vieux gardait le silence. Les volutes de fumée virevoltaient dans l'air statique. L'abondante lumière qui entrait par les trois grandes fenêtres traversait l'air limpide dont les ronds de fumées du vieux était l'unique impureté. Gabriel descendit quelques lampées de son tord-boyau, se laissant gagner par la sérénité que la présence du Vieux ne manquait jamais de générer en lui. Quand il en fut au milieu de sa cigarette, il se pencha vers le cendrier et se décida à briser le silence.

— Vous savez que ça me fait toujours plaisir de passer vous voir, mais j'aimerais bien savoir ce qui me vaut d'être convoqué au siège toutes affaires cessantes.

Le Vieux le darda d'un regard pénétrant. Gabriel y lut une appréhension qui n'y avait pas sa place. Son pouls s'accéléra soudainement.

— C'est l'Autre. » Son regard se perdit sur les nombreux tableaux de maitres accrochés aux murs. « Il s'est remis à interférer dans nos petites affaires.

Gabriel en laissa tomber sa clope dans le cendrier. Il ne se soucia pas de la ramasser. Il fixait le Vieux de ses yeux exorbités :

— Vous êtes sûr de ça ?

— Tu m'insultes, mon petit Gabriel.

— Mes excuses Boss, c'est juste que... J'étais à des millénaires de m'imaginer que...

— Tu ne crois pas si bien dire.

— On... On va faire quoi ? »

Le regard du Vieux s'assombrit. Ses sourcils froncés évoquaient le tonnerre. La luminosité de la pièce baissa de plusieurs tons.

— On ? Moi, je vais rester ici et gérer la petite entreprise. Toi, tu vas descendre dans la rue, tu vas me trouver les petits cons qui croient que ce n'est plus moi qui fais la loi et me les buter un par un d'une bonne petite balle derrière la tête. Voilà ce qu'"on" va faire.

— Mais Boss...

— À moins, bien sûr, que tu n'aies une meilleure idée.

— Ce n'est pas ça, Boss, mais je suis complètement coincé en ce moment. Mon protégé traverse une très mauvaise passe. Et je suis avec lui 24 heures sur 24. Vous n'allez tout-de-même pas me demander de...

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 16, 2016 ⏰

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