Tout le monde ment.

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Tout le monde ment.
Quand j'ai entendu cette phrase pour la première fois, elle venait d'une série télévisée: Dr House. Même si c'est une vérité concrète, je n'y avais jamais réfléchi. Même si cela venait d'une fiction, elle faisait partie de notre réalité.
Alors je m'y suis mise. J'ai réfléchi.
Comment les patients du docteur Gregory House se permettaient-ils de mentir alors qu'ils risquaient de mourir ? J'en ai donc tiré la conclusion la plus simple: dans cette situation, ils avaient honte.

Le problème, c'est que tout le monde ment.

Même les mensonges les plus innocents restent des mensonges.
Quand Pierre menti et renia Jesus par trois fois, il l'a fait par peur de mourir.
Quand j'ai menti à ma généraliste sur mon poids, je l'ai fait par honte.
Et quand tu as menti sur tes réussites, c'était pour te faire accepter.
Alors si mentir, c'est mal, pourquoi on s'accorde encore le droit de dire à notre collègue que son enfant est beau quand on cherche à détourner les yeux ?
La vérité c'est que les raisons qui nous poussent à mentir sont diverses et dépendent de chacun. Une faiblesse ou une extension d'une ambition.

Puis j'ai rencontré le personnage d'Eli Loker, le grand partisan de "l'honnêteté radicale". J'ai trouvé intéressant le concept de toujours dire ce que l'on pense sans avoir peur des conséquences. Le prix à payer était qu'il passait pour insensible, brut et parfois, complètement grossier.
Mais même lui a fini par me décevoir dans l'épisode 11 de la saison 1 de Lie To Me.  Alors j'en suis revenue à ma chère affirmation « tout le monde ment. »

Mon problème c'est que je réfléchis tout le temps. Au point où je mets en doute mon intuition. Au point où je me demande parfois si je suis paranoïaque et je me suis questionné: qu'est ce qui fait un bon mensonge ?
Au début, je pensais qu'il fallait construire un mensonge avec un petit morceau de vérité. Comme un scoubidou. La vérité étant le noeud de départ à partir duquel on tisserait notre histoire inventée. Ce sont les mensonges les plus crédibles que j'ai inventé. Jusqu'à ce que je me rende compte que ce n'étaient que des demi-vérités.
"Tu as dit une demi-vérité ? Ils diront que tu as menti deux fois si tu dis l'autre moitié." -Antonio Machado

Alors qu'est ce qu'un mensonge et comment mentir ? Un mensonge c'est dire quelque chose de faux avec l'intention de tromper. Non... si tu pensais que ce que tu disais était vrai, tu n'as pas menti, tu t'es trompé.
Je me devais d'étudier les acteurs. Eux étaient de vrais menteurs.

Règle n°1: Toujours se souvenir de ses mensonges dans les moindres détails.
Pourquoi ? Parce que les gens intelligents te reposeront la question dans deux semaines, ou peut-être deux mois et il faudra se tenir à cette même version pour ne pas se faire gauler.

Règle n°72: Ne donne pas trop de détails mais donnes en quand même.
Pas trop pour ne pas risquer d'oublier et parce que de toute manière, un souvenir n'est jamais très détaillé.
Mais suffisamment parce qu'il en faut quand même pour que ce soit crédible.

Règle n°394: Pense ton mensonge comme un film.
Là, vous allez me dire, « chérie, tu vas loin. Tu nous raconte quoi là ? »
Mais pensez-y. Si vous avez un bon scénario où vous avez pensé à tout, vous n'aurez aucun problème à faire croire à votre interlocuteur ce que vous voulez. Vous pourrez même vivre votre mensonge. Vous serez l'acteur. Et lui, il pourra l'imaginer. S'il arrive à l'imaginer alors il y croira.

Mais le soucis lorsqu'on devient bon à ce jeu, c'est qu'il ne nous intéresse plus sauf si l'enjeu est grand et l'enjeu ne devient grand que si la connerie derriere était encore plus grande. J'avais appris à bien mentir. J'étais capable de mentir à mes parents sans qu'ils s'en rendent compte. J'étais capable de tisser un mensonge dans l'urgence. Mais ce n'est pas ça qui faisait de moi une bonne menteuse.
Mon mensonge le plus réussi avait été de leur faire croire que je ne savais pas mentir. A partir de cela, ils ne mettaient pas en doute ma parole et petit bonus, il devenait plus difficile de me mentir. Seul un bon menteur sait reconnaître les bons mensonges. Peut-être parce que nous accordions autant d'importance aux détails qu'à la trame principale.

"L'homme qui ne craint pas les vérités ne doit rien avoir à craindre des mensonges." -Thomas Jefferson

Il ne me restait plus qu'un seul problème: ma conscience.
Et puisqu'Eli Loker était incapable de se tenir à son principe de départ, j'allais le faire. J'avais donc décidé de ne plus jamais mentir. Jamais. Parce que c'était plus excitant de dire la vérité que de mentir. Je ne mentais plus parce que j'avais du respect pour mes proches. Je ne mentais plus parce que cela ne m'intéressait plus. Je ne mentais plus parce que je n'y voyais aucune vertu.
Outre le fait que les mensonges devenaient ennuyeux, je trouvais que les menteurs étaient d'une grande lâcheté. Lâches parce qu'ils étaient incapables de prendre la responsabilité de leurs paroles. Lâches parce qu'ils étaient incapables d'aimer pleinement leurs proches pour leur dire la vérité brut.

Je me retrouvais confrontée à un énième problème.
Que faire de mes proches qui me mentaient ou me disaient des demi-vérité ?
Je ne souhaitais pas les affliger, alors parfois, je laissais couler. Le mensonge cause plus de tord à celui qui le prononce qu'à celui qui l'écoute.
Mais par d'autres moments, j'avais besoin de les confronter à leurs paroles pour leur rappeler qu'ils ne s'en sortiront pas toujours, pour leur rappeler que je ne suis pas toujours crédule. Je reconnais m'emporter face à certaines tromperies verbales alors que je suis moi-même une menteuse mais j'essayais d'être plus compréhensive. Mais je prenais leurs mensonges pour un manque de confiance. C'est ce qui me blessait le plus.

Alors pour éviter de mentir quand ma collègue me montrait les photos de son bébé moche, je ne lui disais jamais « oh mais qu'est ce qu'il est mignon ! ». Mais je ne lui mentais pas non plus. A la place, je m'exclamais :
« Oh ! Mais qu'est ce qu'il ressemble à son père ! Oh ? Il a tes yeux par contre. »
Ça ne blessait personne et ma conscience s'en portait beaucoup mieux.

Je ne mentais pas parce qu'ils me faisaient confiance et que c'était réciproque. J'ai décidé d'arrêter de mentir parce que j'aimais les gens.

Et si nous étions tous perdus ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant