Les Nuits Noires

La lueur d'Aurora

La nuit tombait enfin quand Rosa sortait de sa tente, couverte d'une légère couche de neige. S'étirant tel un chat, la jeune femme observait ce paysage nocturne. Toute la journée, elle avait sommeillé, et travaillé à l'intérieur sur des petits objets, tel que des sculptures de bois, ou des couteaux simples. Ces objets étaient son revenu, elle les vendait dans les villages où elle passait, perdus dans la Toundra glacée, et ses forêts enneigées. 

Pour un peu plus de contexte, Rosa vivait une vie de nomade solitaire depuis un long moment déjà. Elle ne pouvait même pas dire depuis combien de temps, car elle avait l'impression d'avoir toujours vécu ainsi. Ce n'est pas qu'elle n'avait pas de souvenir de son enfance ou quoi que ce soit d'autre, c'est juste que l'environnement et le mode de vie qu'elle suivait depuis un moment était celui qu'elle préférait, celui dans lequel elle s'épanouissait le plus. Elle n'avait pas toujours été une solitaire. Pendant un temps, surtout au début, elle avait rejoint un groupe de nomade, pour s'initier a cette façon de vivre, rude, mais fascinante a ses yeux.

C'est là-bas qu'elle avait tout appris. Comment faire un feu pour se réchauffer brièvement, tailler des morceaux, se construire une tente avec des peaux de bêtes ou encore le meilleur spot pour dormir à l'abri du froid et des créatures. Ce monde n'était qu'une place avec du froid. Le monde était tombé sous le joug d'un hiver sans fin, la technologie si propice et si pratique n'était plus utilisée car devenue trop coûteuse en énergie, quand on devait en priorité allumé des générateurs et autre source de chaleur. Le monde entier tournait au charbon, ou au bois. Autant dire que ceux qui avait vécu la Première Période - c'est ainsi qu'on appelait désormais le monde avant cet hiver - avait eut beaucoup de mal à quitter leurs téléphones, leurs réseaux sociaux, le confort des anciennes habitations avec les écrans. Cela fut un grand choc pour beaucoup. Mais pour Rosa, qui était née après cette époque, au début de ce long hiver, n'avait pas ressenti ce manque et ce changement. Une chance pour elle en soit, même si tout dépendait du point de vue.

Justement, Rosa était entrain de s'étirer a l'extérieur de cette tente la nuit. Étrangement, même si c'était la nuit qu'il devrait faire le plus froid, beaucoup de personnes trouvait que justement, la nuit était plus supportable, et surtout son extérieur pour chasser ou vivre en ensemble. Ainsi les communautés s'étaient organisées de la façon suivante :
• Le jour, on dormait, du mieux que l'on pouvait, et on s'organisait pour faire des activités tel que la sculpture, de la couture, ou l'éducation quand les habitats étaient assez grands.
• La nuit on sortait, bien couvert, la chasse et la cuisine étaient privilégiées de tel façon que les repas soient conviviaux et non pas que chaque membre de la communauté soit enfermé dans son coin.
En parlant de communauté il en existait plusieurs. Les premiers, villages et villes étaient des agglomérations de personnes vivant autour d'un réacteur d'une taille plus ou moins grande, en fonction des habitants. Les seconds étaient les nomades qui avaient des sortes de petits chauffages transportables, toujours alimentés en charbon, ou en bois. Ils parcouraient le monde, servaient d'éclaireurs pour beaucoup, étaient appelés héros, et endossaient le rôle de scientifiques pour étudier comment le monde et la faune ainsi que la flore avaient évolué avec ce froid mortel. La troisième et dernière catégorie était les solitaires. Nomade ou Ermite, ils vivent seuls ou en tout petit groupe de deux ou trois.
C'est dans celle-ci que Rosa était depuis plusieurs années. Cela ne la dérangeait pas malgré parfois la solitude pesant de cette nuit dans laquelle tout les humains vivant désormais.
Le jour avait beau être plus lumineux, les nuages qui cachaient perpétuellement le soleil faisait vivre l'humanité dans une atmosphère grisâtre, et un peu déprimante. Le jour, la nuit, tout était toujours gris.
Sauf lors de certaines nuits, au début de celle-ci, ce qui était le cas ce jour là. Le soleil se couchait un peu plus tard, et la lune se levait un peu plus tard aussi, mais la chaleur remontait un peu.
Dans ces jours là, quand on avait l'impression que le soleil et la lune allait se croiser, les nuages qui peuplaient le ciel se dégageait par certains endroits, formant des trous. A travers ces trous passaient la lumière, une lueur d'espoir et de chaleur à travers cet éternel désert de neige.

C'est que Rosa espérait voir chaque jour en sortant de sa tente, et son cœur se gonfla d'une joie en voyant apparaître les premiers signes de ces fameuses lueurs. Sortant totalement de la tente pour s'avancer à travers son petit camp, elle leva les yeux au ciel. Elle avait encore un peu de temps pour trouver un spot parfait. Elle attrapa alors la source de chaleur, pour y remettre quelques bouts de charbons dedans. Cette source ressemblait à une lampe à l'huile,  mais cette fois complètement fermée sans verre pour montrer l'intérieur. Elle était aussi plus lourde, et le seul moyen d'avoir un peu de lumière avec celle-ci, c'était d'observer les quelques fentes présentes sur le tour de cette sorte de lampe, et les placer de tel façon à ce que cela éclaire l'objet voulu. Mais puisque cela n'était pas sa fonction principale, peu de gens s'en plaignait.
Après avoir mit ces morceaux de charbons, la jeune femme attrapa une veste en bête de plus avant de regarder tout autour d'elle. Elle était à l'orée d'une forêt, proche d'une sorte de falaise. Si on tombait de celle ci, on tombait bien de trois mètres. Mais à vrai dire, c'était le genre de spot parfois pour observer ces lueurs.
D'ailleurs celles-ci portaient un nom. Elles s'appelaient les Lueurs d'Aurora. Personne ne sait vraiment qui a donné ce nom en premier. Mais ce que tout le monde sait, c'est qu'il a été repris et plus jamais changé. Cela donnait un nom plein d'espoir à de simples rayons de soleil.

Rosa décida de s'approcher de la falaise avec sa lampe pour se poser ensuite, et s'assoir. Les pieds dans le vide, elle contemplait les nuages gris, avec l'espoir de voir apparaître une Lueur d'Aurora. Elle prit la peau de bête pour finalement se relever un peu, glisser la peau sous ses fesses et l'étendre de tel façon que si elle voulait s'allonger dans la neige, elle n'aurait pas le froid glacial qui serait en contact direct avec sa peau. Et c'est d'ailleurs ce qu'elle fit, pour observer ce ciel.

Au bout de plusieurs minutes, finalement, un lueur timide osa percer la mer grisâtre de nuage, éclairant légèrement la forêt en contrebas. Puis ce trou s'agrandit de plus en plus, pour finalement dévoiler un ciel entre la nuit profonde, et la fin du jour. Quelques étoiles brillaient, mais ce que Rosa trouvait magnifique c'était ce soleil, qu'elle voyait si rarement. Elle pourrait le regarder à s'en brûler les yeux tellement elle le trouvait beau. Sa couleur blanche rayonnait dans le ciel orange/bleu, et se faisait accompagné par les petits éclats blancs, bleus ou oranges qui représentaient les étoiles.

Elle se doutait que dans quelques décennies, certains raconteront que ce sont des petites divinités qui observent les humains et que quand ces lueurs apparaissent, c'est le signe d'un miracle a venir. Mais cela serait dans longtemps. Pourtant le temps lui paraissait si court, déjà plongée dans ses réflexions depuis plusieurs minutes, ce trou qui avait illuminé cet forêt, qui avait illuminé la journée de quelques personnes, et redonné de l'espoir à quelques personnes qui espéraient encore le retour a la normale, se refermait lentement. Ce ciel et ce magnifique tableau disparaissaient derrière cette mer de nuage grisâtre. Les Lueurs d'Aurora duraient peu de temps, mais l'espoir qu'elles apportaient, était si grand.

Rosa se releva alors, le cœur gonflé d'espoir. La Lueur avait chassé les craintes de la journée, les peurs du froid et des bêtes, et avait apporté une présence chaleureuse pour chasser sa solitude. Ainsi elle partait pour une nouvelle nuit, en paix, dans la chasse.