Mon Ami Imaginaire

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"La seule arme des enfants contre le monde, c'est l'imaginaire." 

Claude Miller


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En ce mois de juillet, avec sa chaleur particulièrement caniculaire restée tristement célèbre dans les mémoires pour ses conséquences sanitaires désastreuses, un autre drame eut lieu.

D'un point de vue extérieur, la scène dont vous êtes les témoins involontaires était celle d'un petit garçon aux cheveux de jais bouclés et aux yeux sombres en amandes pleurant toutes les larmes de son corps tremblant et suffocant à cause de sa gorge nouée par le chagrin.

Le bambin répétait inlassablement comme une litanie qui aurait réussi à briser le cœur des plus insensibles : 

"Jungkookie... Jungkookie... Où es-tu ? Tu es parti ? Je ne te verrai plus jamais ? Pourquoi m'as-tu abandonné ? J'ai fait quelque chose de mal? Tu ne m'aimes plus?"

Ce garçonnet éploré qui se tient devant vous dans toute sa misère et sa douleur se prénomme Kim Taehyung, autrement dit, moi-même.

À l'aube de mes sept printemps, je découvris l'insoutenable douleur que fut la perte de l'être le plus cher à mon cœur innocent : mon meilleur ami, Jeon Jungkook.

Une tempête dans un verre d'eau à l'échelle de l'humanité, un simple battement d'ailes de papillon mais pour l'enfant que j'étais alors, c'est comme si tout mon petit monde venait de s'écrouler à la manière d'un château de cartes mal disposé, comme si l'obscurité des ténèbres s'était invitée dans ma courte existence.

Mes parents ont bien essayé de me faire comprendre avec douceur que mon meilleur ami d'enfance avait simplement déménagé très loin car ses parents avaient trouvé une opportunité à l'étranger, mais je refusais obstinément de les croire.

Il ne pouvait pas être parti pour toujours ! Il ne m'aurait jamais laissé tout seul...


À présent, l'enfant bavard, joyeux et extraverti que j'avais toujours été avait totalement disparu, il était emmuré dans un mutisme profond et un immense besoin de solitude.

Ma rentrée en CE1, je n'en ai pas beaucoup de souvenirs car mon Kookie n'était plus avec moi mais mon deuil rendait mon cœur plus dur qu'un diamant brut autrefois scintillant.

Inlassablement, jour après jour, mes petits camarades de classe venaient me voir pendant la récréation en me répétant : "Viens jouer avec nous au loup Taetae !" ou encore : "On va faire une balle au prisonnier, ça te dit?"

Et comme à chaque fois je répondais timidement : "C'est gentil mais je veux rester seul..." ou je me contentais de secouer la tête en signe de refus avant de ramener mes jambes vers mon torse comme pour rechercher ma propre chaleur ou me protéger de ce monde si froid.

Alors que je me recroquevillais en position fœtale sur ce même banc de bois dans cette cour animée de rires et de cris d'enfants insouciants, je laissais mon regard amer vagabonder.

Heureux et insouciants, tous l'étaient, tous sauf moi qui pleurait en silence mon Jungkook.

Pourtant, une part de moi espérait encore le revoir et cet espoir était sans doute le sentiment le plus cruel car il a forgé un nouvel aspect de ma personnalité.

*****

Les années s'écoulant, j'avais réussi à me lier vers la fin de l'école primaire avec un certain Park Jimin qui était devenu un bon ami mais il n'était et ne sera jamais comme mon Kookie adoré.

My World (Recueil d'O.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant