Chapitre 3 : 3h42

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3h42.

"Bonsoir papa. Il est tard mais tu sais, moi je ne dors plus trop en ce moment, alors j'ai pensé que je pourrais éventuellement te parler, tu n'écouteras jamais ce message et je vais en profiter pour te dire ce que je pense, pour une fois que j'en ai le courage. Moi j'aimerais savoir pourquoi tu m'as laissé comme ça? Tu ne m'as jamais dit. Remarque, on ne s'est jamais parlé vraiment, si? Je sais pas? Je devais avoir 6 ans la dernière fois qu'on s'est vus? Putain, ça fait 10 ans que je n'ai pas vu ta pauvre gueule de con. C'est dingue ça, à 16 ans je pense que je suis plus mature que toi, t'y crois? Tu sais, je t'en ai voulu longtemps de m'avoir laissé mais en même temps, quand j'y pense maintenant, je m'en fou. Tu as du me souhaiter mon anniversaire que deux fois dans ta vie, et quand tu as osé le faire, c'était 30 jours après..."

Elle était assise là, au bord de sa fenêtre, avec son téléphone à parler dans le vide à un homme qu'elle ne connaissait que très peu. Non, elle ne le connaissait pas du tout. Elle lui parlait, elle l'insultait, elle criait, elle pleurait, elle riait. Elle était perdue, mais ça ne changeait pas grand chose de d'habitude. Elle le détestait. Elle détestait tout le monde, et tout le monde la détestait. Une heure et demie plus tard, quand elle eut enfin fini, elle regarda en face d'elle, c'était noir, c'était vide, c'était son esprit, son corps. Elle n'avait rien avalé depuis 3 jours, elle survivait avec de l'eau. Elle n'écoutait plus les avertissements, elle n'était plus là. Elle attendait que la mort vienne la chercher, elle attendait de partir. Elle pouvait plus supporter cette vie. Elle préférait partir que de continuer, mais elle savait que ce n'était pas possible. Pas maintenant.

Alors elle descendit de sa fenêtre et elle alla marcher dans la rue comme elle avait l'habitude de faire. C'était une nuit froide et une nuit calme, si calme qu'elle pouvait s'entendre respirer. Les rues étaient sombres, vides, elle était seule, enfin seule. Elle n'avait personne pour l'embêter, pour lui dire de manger. Elle aimait partir, s'échapper, sans que personne ne le sache et revenir comme si de rien était dans son lit. Elle vivait la nuit, comme vous vivez le jour. Pourtant, il était quatre heures du matin et elle avait cours demain, elle s'attendait déjà aux remarques :

"Il faut dormir la nuit, tas d'os !" "Tu as de ces cernes ma pauvre, on dirait un zombie, c'est vraiment moche !"

Alors elle reprit le chemin de sa maison en se disant avec regrets qu'il était temps de rentrer et grimpa jusqu'à sa fenêtre. Elle se coucha, mît ses écouteurs dans ses oreilles et écouta de la musique jusqu'à 6h45, l'heure à laquelle elle devait se lever pour aller au lycée. "Une journée de plus en enfer" se dit-elle.

"Ana"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant