Noah

Chapitre 3

           Les jours passaient et Noah n'avait toujours pas bougé. Cela faisait maintenant une semaine qu'il était resté enfermé dans sa chambre. Il entendait parfois les pas d'Andréa dans le couloir, s'arrêtant devant sa porte, et repartant comme ils étaient venus. Elle s'en allait sans jamais avoir osé frapper.
Il sentait toujours la colère en lui. Il ne parvenait pas encore à la calmer et il savait qu'il pourrait faire des choses qu'il regretterait dans cet état, c'est pour ça qu'il préférait rester dans cette pièce, attendant patiemment que le temps fasse son œuvre. Et du temps, il en avait. Même s'il ne mangeait pas, il savait qu'il pourrait tenir un moment avant de mettre sa vie en péril. Lorsqu'il ne dormait pas, il passait ses journées, ou plutôt ses nuits, à marcher entre sa bibliothèque et son bureau. Tantôt, il lisait, tantôt, il vérifiait des papiers qui traînaient depuis trop longtemps. Mais toujours dans l'optique de penser à autre chose et de s'occuper l'esprit. Quand il n'avait envie de rien cependant, il allait simplement prendre un peu d'air frais sur son balcon.

Liam n'était pas reparu comme la dernière fois. Cependant, Noah ne parvenait pas à déterminer si cela lui convenait ou si ça l'ennuyait. Il se sentait seul, mais ne voulait pas encore ressentir ce qu'Andréa lui avait fait ressentir. Il ne connaissait pas cet homme et rien ne prouvait qu'il ne jouait pas avec lui. Après tout, il n'aurait jamais pensé être traité d'une telle façon avec elle. Il pensait pouvoir avoir confiance en elle, compter sur elle. Mais il semblerait qu'elle ne fît que se servir de lui. Elle le considérait comme sa propriété, et c'était le pire sentiment qu'il ai vécu jusque-là.

           Une autre semaine passa, et la colère fit place à la tristesse. Malgré ses tentatives d'occupation, ses idées fusaient et les étapes passaient. C'est comme s'il faisait le deuil de sa relation avec celle qui l'avait fait.
Il prit cependant la décision de sortir. Il se savait sûr pour les gens maintenant. Il ne les attaquerait pas. Après avoir récupéré son manteau dans son dressing, il ouvrit la porte de sa chambre et observa le couloir. Elle n'était pas là. Il avança vers les escaliers amenant à l'entrée du manoir. Alors qu'il était a mi-chemin, il vit Andréa qui s'apprêtait à monter. Ils se stoppèrent et leurs regards se croisèrent, lui faisant alors sentir un pincement. Quelques secondes passèrent jusqu'à ce qu'Andréa fasse un pas.
— Noah je...
Elle n'eut pas le temps de finir qu'il reprit sa route et quitta la bâtisse sans lui accorder plus d'attention. Elle comprit à ce moment qu'elle l'avait perdu, et sans doute définitivement.
Une fois dehors, il poussa un long soupir et continua à avancer. Ses pas le guidaient automatiquement, jusqu'à arriver au parc. Voir cette étendue d'eau l'apaisait toujours autant. Il resta devant un moment, jusqu'à poser son regard sur la forêt. Ça faisait longtemps qu'il n'y était pas allé. Ses souvenirs se rappelèrent à lui, ces instants de rire et de joie. Il se demandait quand il avait bien pu les perdre. Il voulait y retourner afin de retrouver tout ça, mais également voir si la légende était vraie. Elle aussi faisait partir de son enfance et il voulait savoir ce qu'il en était.
Il commença à avancer doucement vers elle, contournant le lac.

Le vent qu'il sentait sur son visage était froid. L'hiver était bien installé et pourtant, cette forêt gardait toujours exactement le même aspect, peu importait la saison. Le temps passa très vite. Peut-être même trop. Il ne se souvenait plus de la route qu'il venait d'emprunter, de ce qu'il avait vu ou entendu. Rien. Cela le perturba : comment il pouvait avoir oublié tout ça d'un coup ? Il avait beau chercher dans ses souvenirs, il ne savait pas. Il constata cependant qu'il était à présent au pied de l'entrée de cette étendue d'arbres. Il entra, insouciant, connaissant ce lieu comme sa poche. C'était cependant la première fois qu'il la voyait de nuit. Il n'y était plus allé depuis ses dix ou douze ans et à cette époque, il devait être rentré bien avant le coucher du soleil. Seuls quelques petits grattements de sol ou des hululements brisaient le silence qui régnait dans cette obscurité. Grâce à sa condition, Noah parvenait à voir comme en plein jour. Il s'avança, encore et encore, toujours plus profondément. Cette partie lui était à présent inconnue. Mais cela ne l'inquiéta pas le moins du monde. Il était déjà un jeune homme plutôt courageux avant, mais sa nouvelle vie de l'ombre le poussait davantage. Puis, après avoir marché une bonne demi-heure, il aperçut une lueur au loin. Il se dirigea vers elle, ne sachant pas d'où elle pouvait bien provenir. C'est alors qu'il vit une sorte de cabane. Un peu délabrée, mais visiblement habitée. Il se planta devant la porte et, songeant à l'éducation qu'il avait reçue, frappa trois coups secs. Une voix l'invita à entrer, ce qu'il fit sans hésiter. Une femme se tenait dans un fauteuil, près de la cheminée, en train de lire. Il ne l'a voyait pas bien car elle lui tournait presque complètement le dos.
— Euh... Bonjour ?
— Bonjour Noah.
Le vampire sentit un frisson le parcourir de partout. Il ne savait pas s'il était le bienvenu ou non. Mais quelle sache qui il était ne le rassura pas.
— Vient. Installe-toi.
Elle lui désigna le fauteuil près d'elle et il y prit place en silence.
— Comment me connaissez-vous ?
— Je connais quiconque foule le pas de cette ville. D'autant plus ceux qui y sont nés.
— Je vois... Et qui êtes-vous ?
— Je suis la gardienne.
— La quoi ? Vous gardez quoi ?
— La ville bien sûr ! Quelle question.
— Euh d'accord...
Noah commença à penser que cette femme était folle.
— Je ne suis pas folle. Tu vas devenir vexant.
— Non... Pas encore...
— Eh si. Moi aussi, je peux savoir ce que tu penses.
— C'est une farce qu'on me fait, ce n'est pas possible autrement ! Ne peut-on pas me laisser seul avec mes pensées s'il vous plaît ?
Il commençait à sérieusement s'agacer face à cette situation. Il n'aurait jamais la paix du tout le monde pouvait lire dans son esprit.
— Ne t'énerve pas voyons. Tu peux changer ça. Il te suffit de bloquer les intrusions.
— Mais bien sûr.