Chapitre 1 : Juliette

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Juliette aimait se promener le long de la mare, après l'école, alors que tous ses camarades rentraient chez eux. Elle, n'était pas pressée. Et de toute manière, ne disait-on pas que le temps était relatif ?

Ce n'était cependant pas pour cette raison que Juliette restait ici après les cours. L'étang lui apportait harmonie et sérénité, contrairement à l'endroit où elle et sa mère logeaient. Il est vrai que ça aurait pu être beaucoup plus pire, mais entre la mauvaise isolation et les fissures partout dans le mur, ce n'était pas le top du top des appartements ! Aussi Juliette venait faire vagabonder ses pensées ici, s'aérer et se vider l'esprit. Au risque d'arriver en retard chez elle, ce qui lui valait forces réprimandes.

Soudain, alors qu'elle admirait le paysage végétal et marécageux, elle vit une fleur de lotus près de la rive, magnifique et à peine éclose. Juliette prit la décision de la cueillir et de la ramener à la maison. Cette fleur saurait peut-être calmer les nerfs de sa mère.

Elle s'agenouilla dans la terre meuble, ne pouvant pas faire autrement pour ramasser le lotus, et s'étira au maximum. Ses doigts finirent par entrer en contact avec les pétales du lotus et elle tira doucement, rompant ainsi le contact avec la racine, et libérant cette douce fleur. Elle la prit délicatement et put ainsi admirer toute la beauté de cette plante.

Ravie, elle partit de l'étang, la fleur de lotus au creux de ses mains. Le chemin du retour se passa tranquillement, mais à mesure qu'elle se rapprochait de son chez-soi, l'angoisse l'étreignait. Elle ne voulait pas retrouver l'ambiance pesante et suffocante qui régnait chez elle, comme si le moindre mot, la moindre parole pouvait déclencher une véritable catastrophe. Pour tout dire, elle en avait assez que sa mère soit tellement débordée qu'elle se mettait à ne plus pouvoir se contrôler. Son travail ne la ménageait pas, et c'était sans compter sur ses crises de panique régulières qui mettaient ses nerfs à vif. Juliette n'en pouvait plus. Elle ne voulait plus de cette vie à l'avenir incertain, et au présent beaucoup trop imprévisible.

Malheureusement, elle devait pour l'instant s'en contenter. Aussi, c'est avec appréhension qu'elle franchit le seuil de son immeuble. Leur appartement se trouvait au premier étage, alors Juliette prenait les escaliers pour y aller. De toute manière, elle ne faisait pas confiance à l'ascenseur et elle ne comptait pas s'y retrouver coincée un jour. Elle se demandait même comment il pouvait encore tenir debout, et de surcroît, fonctionner plus ou moins bien, alors qu'il était dans un état de délabrement lamentable. Elle emprunta donc les escaliers, qu'elle trouvait cent fois plus rassurants, et arriva devant sa porte. Elle toqua, incertaine, et attendit quelques minutes. Finalement, un ouragan roux vint lui ouvrir et fonça sur elle, lui faisant la morale par la même occasion. Juliette n'y prit pas garde et se débarrassa d'abord de ses affaires avant de se tourner vers sa mère. Mal coiffée, ses cheveux flamboyants étaient attachés en un chignon fait à la va-vite et contenaient tellement de nœuds qu'il aurait été compliqué de tous les démêler la même journée. Son tablier, tâché de différentes sauces, faisait pitié.

« Tiens M'man... C'est pour toi. » dit Juliette en tendant sa fleur de lotus. Le trajet n'avait pas dû lui faire du bien car ses pétales commençaient à se flétrir et ses couleurs n'étaient plus aussi vives que quand elle l'avait cueillie.

« Ne me dis pas que tu es allée à la mare cueillir cette fleur ! s'exclama sa mère.

– Bah si, mais j'ai fait attention...

– Mais enfin, Juliette ! C'est marécageux, plein de boue et je suis sûre que l'eau est putride, vu l'odeur nauséabonde qui s'en dégage ! Tu veux attraper des maladies ?

– Mais je t'ai dit que je faisais attention ! Et qu'est-ce que je risquerais ? Au pire, qu'une grenouille me saute dessus !

– Il ne manquerait plus que ça !

– Laisse-moi finir ! Tu ne me fais pas confiance, c'est ça ?

– Bien sûr que si, que je te fais confiance ! Mais je fais attention à ta santé ! Regarde-toi ! On dirait une petite sauvageonne avec tes cheveux en broussailles, tes mains trempées et dégoulinantes et ta robe mouillée et pleine de boue ! Sans parler de ton odeur ! On dirait que tu vis dans les marécages ! Tu me feras le plaisir de te débarbouiller tout de suite !

– Mais maman ! Tu ne comprends pas ! Mon cadeau ne te plaît donc pas ? Tu t'en fous ?

– Bien sûr que non, ça me fait plaisir, mais ce n'est pas sa place ! Cette pauvre fleur va faner d'ici deux jours, même si on la met dans l'eau !

– Ne dis-t-on pas que c'est l'intention qui compte ?

– Peut-être, mais ça ne te dispense pas d'aller te laver ! Et pas d'objections ! »

Juliette grogna puis partit dans la salle de bain, traînant des pieds. Il fallait toujours que sa mère ait le dernier mot et que chaque conversation ressemble presque à une dispute... Ça ne pouvait plus durer.  

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