De toute son existence, Chétif n'avait jamais souffert.
Il ne connaissait pas la brutalité de la mort, puisqu'elle emportait toujours les siens en leur laissant milles fois le temps de dire Adieu; il n'avait jamais connu d'injustices, et la violence, dans son monde, n'existait que pour les sportifs et pour l'imaginaire.
En fait, Chétif était habitué au bonheur. Un bonheur simple et routinier. Ni lui, ni aucun de ceux qui l'entouraient sur des kilomètres à la ronde ne souhaitaient s'en détacher, aussi bien ceux qu'il aimait que ceux qui défilaient.
Tous ceux-là vivaient dans un eldorado paradisiaque que pourtant nul ne souhaiterait rejoindre si le choix était posé.Chétif est allongé dans l'herbe et regarde le plafond qui s'éteint par endroits. Les grosses brindilles fraichement tondues lui chatouillent la peau à travers les coutures de sa veste, et, malgré la rosée, cette sensation paraît bien trop plaisante pour perdre son temps et ses forces à se tenir debout.
Quand il sera décidé, il s'en ira du stade et rentrera chez lui. Il prendra le réseau Métro-Mercure, cherchera une place pas trop loin d'une double-porte, s'endormira sur son voisin de droite, s'en excusera, et attrapera de justesse son arrêt (faute de réactivité). Il enchainera quelques pas détendus jusqu'à chez lui, au 62.47.EstD. Arrivé ici, il se glissera jusqu'à sa chambre, s'assiéra sur son lit, enfilera ses lunettes au bout de son nez, et cherchera une encyclopédie sur les sciences de la Surface. Alors, il choisira celle sur l'astronomie et se rendra jusqu'au volume intitulé : "Jupiter, Géante gazeuse, ou l'équilibre de l'ancien monde". Ce n'est qu'après avoir lu une dizaine de page qu'il s'écroulera quelques minutes plus tard dans un sommeil léger.
Mais pour l'instant, Chétif n'est pas pressé. Il a le temps, alors il prend son temps. Puis, dans un élan de détermination, il réaxe ses hanches, s'assied sur le gazon, et se retourne pour s'allonger brusquement sur le ventre.
Plus loin, sur le stade, des enfants s'amusent avec des katanas en bois, en se persuadant qu'ils manient avec adresse des sabres de Jedi. Le nez planté dans la terre, chétif sourit en écoutant les sabres fendre le vent et s'entrechoquer dans un fracas électrisant... ou plutôt en de burlesques petits bruits de bouches, composés principalement de "VooooM" et de "ZiiiNg". A ce moment là, Chétif aurait aimé rire, mais ce qui sorti de lui ne fut qu'un vague grognement de rire un peu étouffé.Il passa donc l'après midi à contempler le ciel artificiel de Gruville. Ce ciel, même s'il était composé de dizaines de milliers de petites diodes, paraissait au moins plus réel pour ses habitants, que le ciel bleu et imprévisible décrit dans les livres de Sciences de la surfaces si populaires dans la ville. Pourtant, ce qui peut paraitre une fatalité dramatique peut parfois se révéler être une chance inouïe pour l'espèce humaine toute entière.
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Le Terrier
Science FictionPetit récit de science fiction.Les humains, pour se protéger de la surface, sont partis se refugier sous la Terre; et ce qu'ils y ont créé frole la perfection.