Chapitre 2

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Je regarde les arbres défilés devant mes yeux, perdu dans mes pensées. Ça fait plus de cinq heures qu'on roule, j'ai usé le peu de 4G que j'avais et je suis actuellement en train d'écouter ma playlist en boucle. Ouais, je me fais clairement chier. On sera arrivé dans probablement trois ou quatre heures, j'apprend grâce au chauffeur, car mes parents se sont pas daignés de m'emmener et ont préféré payer un chauffeur et me laisser me débrouiller. Je suis parti assez tôt ce matin, dés l'aube j'étais déjà debout. A mes pieds, il y a mon sac avec mes clopes, un peu de thune, une gourde, un peu de bouffe et des trucs inutiles. J'ai mis ma valise à l'arrière, que j'ai fait rapidement. C'est vrai que c'est arrivé très vite, le départ. L'année s'est vite terminée, et mes parents n'ont même pas osé regarder mon bulletin, mes moyennes ne devaient même pas atteindre deux chiffres, mais étrangement, je suis passé en première. Je pense que c'est surtout parce que ils avaient pas trop le choix, c'était trop compliqué de me faire redoubler et puis je suppose que ça coûte trop cher pour l'état, surtout si c'est pour un moins que rien.

  J'ouvre la fenêtre, allume une clope et fume en laissant la fumée s'enfuir en dehors de la voiture, comme un petit nuage craintif. Je lance un regard à mon chauffeur, un soi disant Gregory. Il fronce les sourcils, probablement à cause de l'odeur de la clope, mais honnêtement Gregory, qu'est ce que j'en ai à foutre. C'est pas toi qui paie, je te rappelle.

  Je tire une nouvelle taffe et repense à mon dernier jour au lycée, à Ontario. L'ambiance était vraiment bizarre, mes potes me calculaient pas trop et les profs me lançaient des regards un peu tristes. Qu'est ce qui leur a pris, au juste ? Alors je passais mes récrés seul contre un arbre, et le midi j'me suis barré sans rien dire pour aller prendre un kebab, hors de question de me retrouver solo au self. Puis la journée s'est terminé. Toujours seul. Aucun au revoir à mon égard, aucun regard bienveillant. Seulement du jugement. Je le mérite sûrement.

  J'ai rien foutu de mon été. A vrai dire, je ne m'imaginais pas trop partir en vacances avec mes darons alors qu'ils me viraient du cocon familial fin août. Oui parce qu'en plus d'être un pensionnat tout pété avec que des gosses de riches, leur rentrée se fait le vingt-neuf août, et le comble, faut arriver le vingt-huit pour l'installation dans les chambres, tout ça. Apparemment c'est plus pratique pour les élèves de s'accommoder... Mon cul oui.
Bref, du coup j'ai passé mes journées dehors à fumer et quand j'avais pas envie de fumer j'allais courir, et je suis passé quelques fois à la salle de boxe pour frapper un peu. Ça m'a détendu, je l'avoue. Même si c'est pas très conseillé, j'aurai préféré frapper quelque chose de plus vivant au lieu d'un vulgaire sac rempli de sable. Ça apporte une satisfaction quand tu sens la faiblesse de ton adversaire sous tes coups, son sang qui dégouline sur le sol et puis ses yeux terrorisés. Je suis probablement un connard, et je m'en fou.

  Je bascule doucement la tête quand Gangtas de Pop Smoke passe dans mes oreilles. J'adore cette musique, vraiment. Elle me met dans un mood grave chill, je m'imagine juste posé sur un toit à fumer, la nuit tombée. Mais bon, je peux dire au revoir à tout ca quand j'arriverai à Vancouver. J'ai toujours pas eu le règlement de leur internat, mais je sens que je vais halluciner. Je sais même pas s'ils vont me garder, j'ai déjà redoublé ma seconde, j'aimerai pas loupé ma première aussi. La musique change, c'est Better de Khalid, qui passe. Je sais pas ce qu'elle fout ici, je pense que ça s'est mit en aléatoire.

  Puis je pense à lui. Je sais pas pourquoi, je crois que c'est la faute des nuages. Ça m'a rappelé quand on s'était posé sur une petite colline, allongés côte à côte, et qu'on avait regardé les nuages toute l'après-midi. Lui voyait des bonhommes partout, moi rien, juste des nuages, quoi. Mais pour lui faire plaisir, je faisais genre de voir un éléphant, un chevalier, ou un petit chimpanzé. Et le pire, c'est qu'il les voyait aussi, c'est fou l'imagination qu'il avait. Puis la nuit tombée, quand le ciel était parsemé d'étoiles, comme son visage de tâches de rousseur, il me parlait pendant des heures des étoiles, des constellations, de toutes les planètes qu'il adorait. Il m'expliquait pourquoi l'astrologie c'était si intéressant. Il m'annonçait, pour la millième fois, qu'il rêvait de faire astrologue plus tard, ou même astrophysicien, je savais même pas en quoi ça consistait. Il continuait à me parler des étoiles, et je l'écoutait, parce que même si je m'en foutais un peu, je savais qu'il kiffait ça, et que ça le rendait  heureux de m'en parler. Et c'était ça le principal, qu'il soit heureux.

La vie est comme une rivière [BXB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant