Je regarde la scène par la fenêtre, les sourcils froncés. Esteban lui, affiche de gros yeux ronds, étonnés, tandis que le petit brun lève les yeux au ciel, désespéré. Les deux étudiants se dépêchent de sortir de la chambre et d'aller dans la cours pour assister à la scène, et comme un robot, je les suis sans réfléchir. Tout le monde devient une commère quand il s'agit de quelque chose comme ça, de toute façon. On arrive très vite à la grande cours du lycée, notre internat étant seulement au second étage - le premier étant celui des filles -, il y a de nombreux arbres et des bancs sont placés un peu partout. La nuit commence un peu à tomber, c'est assez silencieux, on entend les grillons, et on voit déjà la lune dans le ciel. Je remarque que c'est bientôt la pleine lune, il aurait kiffé qu'on la regarde ensemble. On regardait aussi les éclipses, ensemble. Il me racontait une légende aztèque qu'il adorait.« Le soleil et la lune était amoureux, mais cet amour était impossible car quand la lune naissait le soleil s'endormait, alors dieu dans son infini bonté à créer l'éclipse pour comme preuve qu'il n'existe aucun amour impossible dans le monde »
Je rigolait à sa phrase en lui disant que c'était débile, que c'était juste scientifique, il le savait ça, évidemment. Il trouvait juste la légende magnifique, puis il me disait que j'étais sa lune. Je le regardais, souriait, puis secouait la tête.« Je peux pas être la lune, la lune éclaire les gens dans l'obscurité, les guide, les rassure. Moi, je les détruis. »
« Ne dis pas de connerie... » Il lâchait, dans un soupir.
Tu vois Morgan, c'était pas des conneries.
Je chasse ces souvenirs de mes pensées et revient à la réalité. On se fraie un passage dans l'attroupement d'élèves pour voir l'altercation. Je ricane intérieurement en voyant Elyo sur la pointe des pieds, et en train se tordre le cou pour voir quelque chose, tout en lâchant des « pardon, pardon » timides à tout va. Mes yeux se posent maintenant sur la scène qui s'offre devant moi. Étant assez grand, je n'ai pas eu trop de complications pour voir.Maël affronte un mec du regard. Ce dernier est grand, blond, et baraqué, ses yeux marrons en amande sont braqués sur le brun, et il a un hématome naissant sur la joue. On dirait qu'ils vont se sauter dessus à un moment où un autre, ça va très mal finir cette histoire. Personne ne parle, certains élèves ont leur téléphone dans la main, pour filmer la scène.
— Dégage ou tu vas finir au sol, Maël. Tu sais que t'es en tort.
Ledit Maël sourit doucement puis hausse les épaules et sans que je m'y attende, envoie un coup de poing au niveau du cou de l'autre mec, avant de le rapprocher de lui en l'attrapant par les épaules et de lui mettre un coup de genou dans le ventre. Des cris de surprise se font entendre, puis des applaudissements. Je comprend pas ce qu'il se passe. Qu'est ce qu'il a fait ?
- Maël putain ! Une voix se fait retentir, c'est Charles. Il débarque rapidement puis se place entre le brun et le blond. L'étudiant attrape Maël violemment et l'écarte plus loin. Ce dernier le suit sans trop broncher. Mes yeux se posent sur les deux adolescents. Je n'entends pas ce qu'ils disent, mais je sais grâce à la mine déçue de Charles qu'il devait sûrement être au courant de ce qu'il se passait entre Maël et l'autre mec.
On remonte dans nos chambres, ça m'étonne qu'aucun professeur ou surveillant n'a entendu les bruits, et tout ça. Mais c'est peut être mieux comme ça. Je m'assois sur mon lit et jette un regard à mes deux colocataires. Esteban est debout contre un mur, et Elyo est assit en tailleur sur son lit. Ils parlent ensemble, je devrais peut être m'incruster si je ne veux pas finir l'année solo. Comme s'ils lisaient dans mes pensées, leurs regards se posent sur moi et Esteban jette.
— Désolée pour toi, c'est pas fou comme premier jour de cours dans un nouveau lycée. Il rit doucement avant de continuer. Mais bon, Maël est comme ça. Toujours à avoir des problèmes, mais bon, on traine quand même avec lui, il est sympa.
— Vous êtes potes avec lui ?Elyo hoche la tête.
— En fait c'est surtout Charles qui est pote avec lui, je sais pas comment ça se fait, mais ils se connaissent depuis longtemps. Du coup il la ramené dans la bande, mais bon, il est pas souvent là.
Ceci explique donc pourquoi Charles est vite arrivé pour calmer Maël. Originale cette rentrée. Ça fait seulement deux heures que je suis arrivé et il se passe déjà des trucs. J'aime bien, ça me change d'Ontario ou il se passait jamais rien, sauf quelques embrouilles de temps en temps, mais ça allait jamais bien loin.
Je retourne à mes occupations, mais j'ai à peine le temps d'ouvrir instagram que c'est la porte de la chambre qui s'ouvre brusquement.Charles entre dans la pièce suivit de Maël derrière lui. Je ne pensais pas qu'il allait le ramener ici, moi je suis assez mitigé par rapport à Maël. Ce dernier braque son regard sur moi et me fait un signe de tête puis regarde Charles.
— Je savais pas qu'il était dans ta chambre. Il pose ses yeux sur moi. On va se croiser souvent alors, Shan.
— Mmh..Je lâche rapidement avant de me re concentrer sur mon téléphone et de faire défiler les posts du fil d'actualité. Il y a rien de vraiment intéressant, c'est ennuyant. Charles, Maël sont à la fenêtre, en train d'échanger un joint. J'hésite à les rejoindre, j'ai bien envie de fumer. Mais il vaudrait mieux pas, je vais le regretter.
— Du coup, Shan ?
J'écoutais plus ce qu'il disait, je crois que je commençais à somnoler un peu sur mon tel. Faut dire que j'ai pas vraiment beaucoup dormi, ces temps ci. Je dois avoir des cernes immenses.
— Quoi ?
— Demain soir on va chez une de nos potes. Elle étudie ici mais elle passe seulement un semestre à l'internat. Et du coup c'est son anniv et elle organise un petit truc. On a le droit de ramener quelqu'un et ce serait con que tu restes tout seul ici. Ça t'intéresse ?Je réfléchis. En vrai, ça pourrait être sympa. Ça fait longtemps que j'ai pas traîné avec des gens donc ma batterie de sociabilité est genre, complètement vide. Puis, ça m'aiderait à penser à autre chose. D'un autre côté, est ce que c'est une bonne idée de sécher le premier jour des cours alors que je viens d'arriver ? Oh, et puis merde.
— Pourquoi pas. Y'aura beaucoup de gens ?
Je sais pas pourquoi je demande ça. Peut être pour m'assurer de pas paniquer. Je déteste quand il y a trop de gens autour de moi, ça m'angoisse et j'ai l'impression d'étouffer. Maël me rassure.
— Non je pense pas, on sera en petit comité. Puis son appart est pas géant donc bon.
Je hoche la tête puis détourne le regard. Je me demande si c'est une bonne idée, cette soirée. J'ai trop peur que ça tourne mal, car après tout à chaque fois que j'arrive quelque part je fous la merde inconsciemment.
Ma montre affiche déjà vingt-et-une heures, et le couvre feu est à la demi heure. Je vais pas tarder, de toute façon. Puis je veux pas faire de la merde pour mon premier jour de cours. Je vais essayer de pas faire chier les profs, de pas me faire remarquer, et de suivre comme je peux même si je comprend rien. Il faudra juste omettre le petit détail de la fugue nocturne prévue demain soir. En vrai j'ai déjà fugué, et plusieurs fois, mais je sais pas, là c'est différent, je suis dans un bon établissement, puis je m'entends bien avec mes colocs, et c'est rare, que je m'entende bien avec quelqu'un.
Je sais ce que je suis. Je ne suis pas la lune, je suis comme une rivière. Là je suis tranquille, mais je sens qu'il va se passer un truc qui va tout faire foirer, et je vais devenir incontrôlable et dangereux, ça a toujours été comme ça depuis sa mort.
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La vie est comme une rivière [BXB]
NezařaditelnéLa vie est comme une rivière, calme, tranquille, puis quand on s'y attend le moins, l'orage éclate. Alors la rivière s'énerve, s'accélère, devient dangereuse, Et seule la douceur du soleil peut calmer la colère de la rivière. Shan avait besoin de...