Chapitre 40

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Lorsque je me réveillai, je tâtonnai le lit de la main et constatai qu'il n'y avait plus que moi à l'intérieur. La place vide à côté de moi était froide, signe que Yaël s'était levé depuis un moment, pourtant il me semblait qu'il était encore tôt.

Je le retrouvai dans la pièce à côté et l'observai discrètement. Il n'avait pas encore vu ma présence. Il tenait Isaïah dans ses bras et faisait des mimiques étranges pour le faire sourire. Yaël perdait rarement son sérieux, le voir ainsi était un privilège et me faisait moi aussi beaucoup rire, ce qui ne tarda pas à me faire remarquer.

Il cessa aussitôt de jouer avec son fils pour reprendre des traits plus naturels. Je continuai à rire malgré moi et, pour toute réponse, Yaël me tira la langue, accroissant sans le vouloir mon hilarité. J'adorais ces moments fugaces pleins de sincérité où on oubliait tout le reste. Du bonheur à l'état pur.

- Tu ne pourras plus jamais être crédible à mes yeux à partir de maintenant. En as-tu conscience ? lui demandai-je pour le taquiner.

C'est Mélinda qui me répondit.

- Ce n'est pas très gentil de se moquer de son époux, surtout quand il est un si bon père.

- Écoute la voix de la sagesse, renchérit Yaël.

- Si vous confondez vieillesse et sagesse, vous allez être plus d'une fois déçu, répondit Mélinda à ma place.

- N'ayez crainte Mélinda, j'ai bien assez d'amis âgés pour avoir eu le temps de faire le distinguo. Je parlais bien de sagesse à votre égard.

- Et en plus il est charmeur ! Quelle bonté d'âme de Lilas de l'avoir mis sur votre route Izi, s'exclama Mélinda.

- Je suis bien d'accord avec vous, lui dis-je avec malice en pensant à Lilas qui n'avait rien à voir dans cette histoire.

- Venez vous asseoir ! nous ordonna-t-elle. Je vous ai préparé à manger. Vous ne devez pas partir le ventre vide.

Elle prit Isaïah des bras de Yaël, ne lui laissant pas la possibilité de refuser son offre.

- Allez, insista-t-elle. Anya ne devrait pas tarder. Je vais l'attendre sous le perron.

Et elle nous laissa. Je mangeai la gorge serrée. Notre départ était à présent imminent et Isaïah ne faisait pas parti de ce voyage.

- Tu veux en parler ? me demanda Yaël.

Je ne savais pas s'il faisait référence à Isaïah ou à Théo, mais je ne voulais parler d'aucun des deux pour le moment. Je craignais de mettre des mots sur mes sentiments et de ne plus être capable de partir.

- Non.

Il attendit quelques secondes avant de me préciser.

- Le plan reste le même.

- Je sais.

Nous mangeâmes dans le silence. Anya nous rejoignit au moment où nous rassemblions nos affaires, accompagnée de Stan. Ce dernier était plutôt enjoué, comparé à l'atmosphère morose qui régnait dans la pièce.

- Et nous revoilà prêts à repartir ensemble pour rejoindre le Mont d'Or, ça va devenir un pèlerinage annuel ! s'exclama Stan.

- Je ne compte pas en faire une habitude, grinça Yaël.

- Faites pas ces têtes ! Anya va très bien prendre soin de votre petit être magique, nous assura Stan. Je ne voyage pas avec vous avec les expressions que vous affichez, alors tâchez de changer d'humeur. Pensez à Misha, c'est sa première découverte du pays. On pourrait essayer de rendre ça sympa, non ?

- Ce n'est pas vraiment le but de ce voyage, lui rappelai-je.

- Je sais bien, mais est-ce qu'on ne peut pas faire d'une pierre, deux coups ?

- Tu ne vas tout de même pas me reprocher d'être triste à l'idée de me séparer de mon enfant ? m'indignai-je. Enfant qui n'a que quelques semaines je te rappelle ! dis-je en haussant le ton.

- Bien sûr que non, je ne veux juste pas que tu rumines ça sans cesse !

- Ça suffit, trancha Yaël. Discussion stérile. Stan tu te plaindras qu'une fois que les évènements que tu présupposes se réaliseront. Va accrocher nos sacoches aux selles des chevaux. Izi, peux-tu aller chercher Isaïah ?

J'acquiesçai et profitai d'être seule avec Mélinda pour la remercier de tout ce qu'elle avait fait, et faisait encore, pour nous. Elle me confia qu'elle nous considérait un peu comme ses enfants et qu'elle était bien heureuse d'avoir de nouveau des personnes sur qui veiller. Elle m'avait confiée un jour que tous ses enfants étaient morts depuis bien longtemps maintenant. Aucun ne lui avait survécu et elle avait dû faire ses adieux à tous ses proches, un par un. J'étais étonnée qu'avec son parcours, elle puisse encore prier les Dieux avec tant de ferveur. Inaé, le dieu des enfers, lui avait pourtant tout pris.

Elle me rassura sur le sort d'Isaïah. Elle m'assura qu'elle veillerait à son éducation et qu'Anya ne parviendrait pas à le dévergonder, en référence surement à leur soirée d'hier. Je l'interrogeai du regard, mais elle ne me dit rien de plus sur ce moment qu'elle estimait apparemment à elles !

Je rejoignis ensuite la maison, la boule au ventre. L'éclat des yeux de Yaël me rappela immédiatement qu'il était temps de dire au revoir. Nous nous isolâmes un moment pour partager un dernier instant de famille. Je l'imaginais triste, mais il ne le fut pas. Le sourire d'Isaïah effaçait toute tristesse. Ce bébé était tout simplement éblouissant, à l'image de nos deux lumières à Yaël et moi. Elles brilleraient désormais à jamais à travers lui.

Les astréiens avaient raison, cet enfant était un miracle et cela renforça ma conviction que je devais tout faire pour le protéger, même si cela signifiait m'éloigner un temps de lui. Yaël avait dû en venir à la même conclusion ou il y était parvenu plus tôt que moi, car lorsque nos yeux se croisèrent, nous savions que le moment était venu pour nous de partir et de se battre pour lui.

La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant