Chapitre 35

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La vision d'Anya portant dans ses bras mon enfant me serra le cœur. Sa joie était visible, elle rayonnait comme si c'était le sien. Cela me rappelait qu'elle n'en aurait jamais, elle ne connaîtrait pas réellement cette joie, elle l'effleurait simplement. Et demain, je lui laisserai ce bout de bonheur auquel je m'étais tant accroché ces derniers jours. Demain, je serais loin d'Isaïah. J'avais l'impression de l'abandonner, à peine était-il né que déjà je le confiai à une autre. Je culpabilisai et j'ignorai encore si je serais vraiment capable de partir sans lui demain matin.

Sara posa sa main sur mon épaule. Elle avait sans doute perçu que ma carapace s'effritait devant le visage de mon enfant.

- Il est magnifique, me dit-elle sans s'arrêter de le fixer. Il fera un bon Prince, j'en suis certaine.

J'allais lui répondre lorsque Misha et Stan firent à leur tour leur apparition. Je la sentis à peine exercer une pression sur ma peau, tout en me murmurant qu'elle se rendait au Mont d'Or, qu'elle était déjà invisible aux yeux de tous. Elle n'avait même pas pu prendre Isaïah dans ses bras.

Si Stan alla d'office à la rencontre d'Anya et d'Isaïah, Misha quant à lui marcha immédiatement dans ma direction. Apparemment, ce n'était pas l'âge où l'on s'intéressait vraiment aux bébés, peu importait la destinée dudit enfant.

- Alors, tu vas le faire ? me demanda-t-il.

Misha était toujours sans préambule.

- Tu en avais douté ?

- À aucun moment ! Je suis désormais ton garde du corps ! s'exclama-t-il.

- Tu ne l'étais pas déjà ?

- Oui, mais cette fois-ci c'est de manière officielle et je suis vraiment heureux de faire partie de l'équipe.

- Tu es surtout heureux de faire équipe avec Yaël, soulignai-je.

- C'est vrai, confessa-t-il. Je ne pouvais pas espérer mieux pour découvrir l'Autre monde.

- Tu n'aurais pas aimé être avec Stella ? hasardai-je.

J'étais toujours mal à l'aise vis-à-vis d'elle.

- Elle préfère rester à la Grand'Astrée. Elle n'a pas un pouvoir actif, tu sais.

Les astréiens distinguaient les pouvoirs actifs et passifs. Les actifs pouvaient aisément se défendre des dangers de l'Autre monde, les passifs, non. J'avais un pouvoir passif, à l'inverse de Misha et de Yaël, il était donc évident pour eux que j'étais une personne à protéger.

- Tu veux voir Isaïah ? lui demandai-je pour changer de sujet.

- Oh ! Yaël est venu nous le présenter à sa naissance. Je vais attendre qu'il grandisse encore un peu pour tisser des liens avec lui, pour l'instant le savoir en sécurité me suffit.

Il dit cela le plus sincèrement du monde. Je ne lui avouai pas que j'ignorai que Yaël était allé les voir avec Isaïah ; après tout, je pouvais très bien comprendre son besoin de montrer son fils à son meilleur ami. Moi aussi j'aurais apprécié pouvoir le présenter à ceux qui m'étaient chers. Ma famille me manquait atrocement et j'aurais tellement aimé avoir ma tante à mes côtés. Par chance, nous avions rencontré Mélinda, mais ce n'était pas pareil, elle ne m'avait pas élevée.

Isaïah se mit à pleurer et je m'excusai auprès de Misha. Anya me le tendit immédiatement à mon arrivée et je me mis à bercer délicatement ce petit être si cher à mon cœur. Dès que mon regard se posait sur lui, ma poitrine se comblait de bonheur. Je ne pouvais pas être plus heureuse. Il était ma merveille.

J'avais été inquiète durant ma grossesse, car je ne me sentais pas vraiment prête à avoir un enfant. J'étais préoccupée par toutes les révélations que j'avais découvertes et encore plus fascinées par celles qui me restaient à découvrir. Je me trouvais trop jeune pour être mère, bien que je savais que beaucoup de filles de mon âge l'étaient déjà, mais je n'avais jamais vraiment voulu leur vie...

Pourtant, dès l'instant où je vis mon fils, tous mes doutes s'envolèrent. Ses petites mains, ses si petites mains, m'avaient complètement hypnotisée et lorsque ses yeux, du même bleu glacé que son père, me transpercèrent, c'est le tréfonds de mon âme qu'ils troublèrent. Isaïah m'avait marqué dans ma chair et il était la mienne. Ce lien était indéfinissable.

Par tous les dieux – peu importait qui ils étaient – comment allais-je réussir à l'abandonner demain matin sans même savoir quand j'allais pouvoir le revoir ?

La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant