Il fait presque chaud aujourd'hui. Les rayons du soleil ne manquent pas de nous illuminer, mais ils restent discrets. Cet endroit, je ne lui trouve aucun sens. A mes yeux il prend la vie, la dirige, la manipule pour la déformer et nous la rendre en piteux état. Assise par terre, maintenue par une colonne en pierre, j'attends et j'imagine un lieu qui remplacerait celui où je me trouve.
C'est une petite pièce. Assez grande pour contenir une bibliothèque de taille modeste -une immensité recouverte de millions d'aventures, de milliards de pensées et de mille amours- deux fauteuils conservant leurs trois siècles d'existences -pareils à des trônes, ils reflètent l'image de précieuses reliques- et des rayons lumineux qui, en tout temps, traversent la lucarne pour se faufiler dans les espaces vides de la pièce. Un ancien tapis se place entre les deux chaises et laisse tout autour de lui s'échapper le parquet. Des bocaux sont placés un peu partout, vides ou accueillants des fleurs et des feuilles, toutes sèches, qui me chantent leur mélodie d'automne. Au contact de la lumière, elles ressemblent aux astres d'une nuit étoilée.
La tempête arrive. Comment la reconnaître ? Rien de plus facile: elle arrive doucement, sans se presser. Puis elle vous observe, guettant un signe de faiblesse. Elle se place et s'enroule autour de vous, commence les fausses politesses auxquelles nous sommes obligés de répondre. Elle arrive tout doucement. D'abord ce ne sont que de petits tremblements, des ressacs, de simples énervements qui annoncent la température.
Dans ma pièce j'y retrouve des odeurs confectionnées par les soins de ma pensée. L'odeur usée des anciens recueils, le caractère corsé du cuir, la senteur enivrante des volutes de fumée s'échappant de la cheminée. L'atmosphère y est calme et apaisante.
Elle commence à s'agiter. Les vagues sont plus violentes, mais le sens de leurs phrases est clair. Elle attend des réponses. Finis mon repère secret, la bibliothèque aux mille exploits et tourments. Fini le bruit sec et musical des feuilles séchées, rangées à l'abris d'un bocal orné d'étoiles. Finis le sommeil mystérieux qui emplit nos pensées sur ces fauteuils royaux. Finis l'éternel hiver. Place au dur été. Le feu s'éteint. Je veux m'éloigner de la tempête. Elle inonde ma tête à présent. Je n'ai d'autres choix que de l'affronter.
A mon retour, il semble qu'elle se soit calmée. J'avance prudemment, je ne m'approche pas trop du bord. Je tends la main. Une partie d'elle se met à rugir. Ce rugissement est la preuve qu'elle veut se battre, faire éclater la vérité, pouvoir comprendre ce qui nous a mené dans cette situation. Le combat n'est pas brutal, mais la tempête le prend mal, et se tait. Elle s'efface et m'ignore. L'autre partie se relève mais ne la rejoint pas. La voilà divisée à présent.
L'air est chaud ce jour-là. La coque refait surface. Les livres sont trempés, les fleurs ont disparu et le cuir a perdu son odeur. Les rayons caressent tendrement chaque recoin de la pièce. Du moins ce qu'il en reste. Puis quelque chose de nouveau. Une présence. Elle fait le tour, observe et me parle. Les mots s'échappent avec aisance. Ils ressemblent à la brume. Ils sont envoûtants. Cette présence se matérialise petit à petit sous mes yeux hypnotisés. Elle prend forme humaine mais ses aspects physiques changent sans cesse. Par la force de ses paroles elle soulève les objets ayant appartenus à mon ancien univers. Ils se mettent à planer dans les airs, virevoltent entre eux, s'entrechoquent et s'effleurent. Ce n'est plus qu'une danse qui s'anime entre l'inconnu et mon esprit.
Mais toujours la tempête m'appelle. Elle hurle pour se défendre et crie pour me blesser. Elle hante mon âme et mes pleurs ne peuvent l'étouffer. Elle est puissante et destructrice, mais au fond son cœur est pur.
Il ne lui faut qu'une amie pour l'aider à affronter cette vie. Cette vie devenue trop dure à supporter.
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Folies
Non-FictionLors de tempêtes en furie, au travers d'un chemin saccagé par la vie, ou devant un mur fissuré sur le point de tomber, il est difficile d'imaginer une échappatoire qui nous sauverait d'un monde cruel résonant de douleur et d'impuissance. Dans ces mo...