Un seul, une seule. Puis vint un second, une seconde. Ce fut promptement innombrable. Les flocons tombèrent subitement à en recouvrir son environnement d'une nappe opaline, les larmes roulèrent incessamment à lui brûler la peau. Le froid rendit le temps plus difficile à supporter, la douleur plus vive dans les cœurs. L'absence de présence au sein des rues gelées créa un écho pour chaque minime son ; d'une telle puissance qu'il en devenait assourdissant, le silence glacial intensifia les pulsations de sa symphonie vitale. L'éveil de l'astre solaire s'était fait lent, le sien pénible. Il soupira doucement, la journée s'annonçait toute aussi ardue que celles précédentes. La légère brume de souffle qu'il initia à la commissure de ses lèvres le défit de ses songes matinaux. Il était en vie. Il clôt la fenêtre. Peut-être devait-il perdre leur habitude.Mais, encore et toujours, il se postait instinctivement à cette ouverture sur le monde extérieur.
La sonnerie grésillante du téléphone retentit entre les murs creux de l'appartement. Il se dirigea d'un pas las vers celui-ci. Il décrocha sans réelle envie et se contenta d'échanger les mêmes banalités d'une voix monotone. Il passerait encore son jour de repos à remplir et rédiger de la paperasse. Des montagnes de documents laissés à l'abandon faisaient office de décoration. Cela lui demanderait tant de temps, dont il ne possédait une once de courage à leur destiner, qu'il ne remarquait plus le désordre engendré. Il pourrait s'y noyer qu'il n'y changerait rien. Il s'y attela néanmoins dans les minutes suivant le coup de fil, au vu de l'importance de ces nouveaux dossiers.
Il n'arrivait à croire qu'il devait sans cesse s'occuper des mêmes écrits administratifs depuis deux années entières. Il ne pourrait jamais officiellement oublier qu'il était en vie. Il ne pourrait jamais l'oublier. Il avait essayé maintes et maintes fois. Et, à ce stade de son existence, il ne savait plus s'il avait réussi. Ou s'il ignorait simplement les hurlements déchaînés des souvenirs.
Dès lors que le sujet apparaissait sous quelconque manière à la surface, tout se troublait. Peut-être parce qu'il se forçait à croire que cela appartenait au passé. Peut-être parce qu'il n'osait s'avouer qu'il lui était définitivement impossible de se détacher des scènes détaillées hantant son esprit. Depuis cette tragédie, le monde lui devint qu'un amas de remous incessants entrant constamment en collision avec cette tempête anarchique qui le ravageait sereinement. En aucun temps il ne retrouvait ce flot stable et paisible. Et n'eut plus l'espoir de s'y baigner à nouveau.
Les jours hivernaux lui plaisaient davantage car le confortaient dans la pensée que cela ne semblait pas si dévastateur, que l'on pourrait y survivre. Tandis que les jours estivaux l'isolaient de ces champs rayonnants dont il ne détiendrait plus la clé d'accès, le confrontaient à sa solitude dévorante.
Il prit une pause, sa tête se fit trop lourde ; trop lancinante. Il aurait souhaité s'en soulager en se préparant une boisson, mais ses placards boisés ne lui renvoyèrent que de vides visions. Il vérifia l'entièreté des meubles gardant l'alimentaire et vint rapidement à la constatation qu'il avait à peine de quoi se sustenter convenablement.
L'idée même d'être parmi la foule afin d'acheter quelques instants de vie supplémentaires l'épuisa instantanément. Se mêler à une horde d'étrangers renouvelant la date de leur faim, comme celle de leur fin, lui provoquait un violent dégoût des besoins de son corps. Il n'avait ressenti la sensation d'appétit depuis si longtemps qu'il ne pouvait se la remémorer.
Pourtant, une pulsion méconnaissable l'incita à se vêtir conformément et sortir de sa demeure pour rejoindre le supermarché le plus proche. Avec un peu de chance, la neige en aura dissuadé plus d'un de faire ses emplettes. C'est ce qu'il osait croire en partant ainsi le teint blafard. Les voies désertes renforçaient ses espérances. Ces doux flocons ne plaisaient à certains humains, pour des raisons qu'il ne pourrait envisager ; ni même comprendre. Un fin sourire orna ses lèvres. Empli de mélancolie, aussitôt fut-il porté disparu. La poudre blanchâtre parsemant ses boucles brunes lui rappelait leurs batailles de farine salissant l'intégralité de ce qui se trouvait autour d'eux ; les transformant ainsi en de fantomatiques bonhommes riants aux éclats. Il retint un sanglot et tenta de faire forte figure.
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Métronome Spirituel
Historia CortaLa balance de ses deux mondes ne s'aiguillait plus correctement. L'histoire m'appartient intégralement.