Partie 1 - Exilé

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Maroc, 10h 34, 18 août

Quelle nuit horrible. La pire de ma vie. J'ai fini par sombrer dans le sommeil des heures après avoir versé toutes les larmes de mon corps. C'était impossible, mais on a quand même essayé, on savait ce qu'on risquait. Je ne le reverrais plus jamais.

C'est la dernière fois que le soleil brûle mon visage en entrant par la grande fenêtre en face de mon lit.

J'ouvres les yeux, la pièce est magnifique, inondée de soleil, mais je ne peux pas l'apprécier ce matin. Je n'y arrive pas.

C'est une sensation qui va plus ou moins me manquer, enfin, je crois. J'aime ce climat chaud dès le réveil, presque étouffant, bien une des seules choses qui ne me sont pas insupportables ici. Tout à un goût amer ici maintenant.

Mon départ a été bien vite organisé, ce n'est pas pour me déplaire ceci dit. Mes parents ne sont pas là. Où ? Je n'en sais rien. Ma main me fait toujours mal et ça fait plusieurs nuits que je n'ai pas pu reprendre ma position de sommeil normale. Je dors mal, je dors peu. Je risque de pioncer dans l'avion. J'essaierai quand même de profiter de la vue si je suis côté hublot. Insha'Allah.

Toujours pas possible de reprendre le sport non plus, avec une main encore handicapée, même pas un petit peu. J'ai donc un peu repris la course pendant les derniers jours qui me restait ici. Je suis vraiment un accro lol. Et ça me vide la tête.

Je me lève et me passe de l'eau fraîche sur le visage. Après deux ou trois passages je me regarde dans le miroir de la salle de bain attenante à ma chambre peut être pour la dernière fois. La cicatrice qui traverse mon sourcil depuis mes 7 ans est plus que jamais visible, comme d'habitude après que je me sois rafraîchi.

Je me fais rire quand je me regardes même si j'ai pas vraiment le moral ... C'est vrai que j'ai l'air menaçant, avec mes yeux presque noirs, et mes sourcils épais qui les encadrent. J'ai un nez plutôt imposant, mais qui m'a t-on toujours dit que ça va très bien sur mon visage, que c'est sexy paraît-il. Mes lèvres ne sont ni particulièrement fines, ni pulpeuses, normales somme toute. Je rase encore ma barbe, je la laisse pousser seulement très courte, car je n'ai jamais affectionné les longues barbes comme aiment arborer habituellement les hommes d'ici, au Maroc. Je devrais couper mes cheveux ... j'ai des mèches qui commencent à me tomber sur les yeux ... peut être une fois à Paris je repasserais au court ... Les cheveux longs me tenteraient bien mais l'entre-deux est vraiment moche. Pas envie de porter des casquettes à longueur de journée ça fait équipier du McDo lol. Je vais peut-être y finir ceci-dit...

Je passe en revue les dernières affaires à mettre dans le sac qui va rester avec moi dans l'avion, mais surtout mes papiers pour l'université, ne pas oublier les papiers pour l'université. Ni ma bague, ma bague ...

Je la serre fort entre mes doigts, j'ai à nouveau envie de pleurer. Elle est très jolie, une bague en argent sertie de petit diamants vert émeraude qui font tout le tour de celle-ci. J'en prends grand soin par peur qu'un des diamants saute un jour.

Je ne peux pas encore la remettre, je dois attendre que ma blessure à la main qui s'étends sur le doigt où je la portes cicatrise. Je ne l'avais encore jamais enlevée depuis que je l'ai à part 1 minute maximum pour me laver les mains. Je la porte au cou en attendant. J'aime bien la sentir contre ma poitrine quand je marches. Ça me réchaufferais presque. Loin des yeux près du cœur...

Kamel : Younes ! Descends.

Si j'étais réchauffé en tout cas je viens d'être bien refroidi.

Younes : *soupir* J'arrive !

Je finis mon sac et descends d'un pas lourd mais décidé les escaliers en colimaçon qui relie l'étage à la grande entrée. Mon oncle Kamel ne daigne toujours pas m'adresser un regard, ainsi soit-il. J'aurais bien peur de n'y trouver que du dégoût et du mépris. Ça serait bien réciproque. Au début... j'ai eu honte, mais je n'aurais pas dû. Les seuls à blâmer c'est eux. Eux tous sans exception.

Kamel : Le taxi sera là dans 5 minutes. Bon voyage au revoir.

Sans attendre ma réponse il tourne les talons et s'en va de son côté de la maison. Ridicule. Mais après tout je m'en fous, il risque pas de me manquer avec son gros bide.

J'attends le taxi sur le perron de la maison, les grands oliviers devant la porte que j'ai toujours trouvé magnifique vont me manquer. J'ai bien fait de mettre un débardeur fin, la chaleur est encore plus écrasante une fois dehors. Mon jean me tient un peu chaud bien qu'il soit beige, je pensais que ça attirerait moins la chaleur. Sinon je suis peut être arrivé en enfer en avance, déjà en train de brûler.

Je jettes un dernier regard au bout de la rue, après avoir pris énormément de courage en espérant le voir au moins devant chez lui en train de guetter mon départ ... mais rien ... Est ce qu'il est lui même encore là, où Dieu ne sait où ? Où diable peut-il être ? Je le chercherais n'importe où... Je me torture l'esprit à nouveau. Je suis sans nouvelles depuis ... J'ai l'horrible impression que je ne le reverrais jamais, et il ne me reste qu'un souvenir de lui ... Je serre ma bague qui pends à la chaîne attachée autour de mon cou. Je détournes le regard avant de sentir les larmes monter.

Le taxi arrive en soulevant la poussière sur la route derrière lui. Le chauffeur baisse sa vitre en me demandant en arabe où je souhaite me rendre.

Je lui indique dans la même langue vouloir aller à l'aéroport. Le chemin n'est pas très long, juste assez pour me permettre de me perdre dans mes pensées et de repenser à...

Le taxi s'arrête. Le chauffeur a l'air un peu consterné en m'apprenant que la voiture a un problème et ne vas pas pouvoir redémarrer. Il doit sûrement penser que je ne vais pas lui laisser la totalité de l'argent pour la course, mais bon, pour ce que ça vaut .. je vais faire un homme heureux. Et ça vaut rien en France.

Je le salue et continue donc à pied. Il reste environ deux kilomètres, mon avion décolle encore dans longtemps et je marches d'un bon pas. Quelques voitures passent sur la route, manquant quelque fois de m'écraser. J'ai espérer à chaque véhicule voir un visage connu...

Le soleil tape vraiment à présent, je suis encore un peu loin. J'espèrerais encore presque voir un mirage ... au moins le voir une dernière fois même si c'est le fruit de mon imagination mais ... non.

J'arrive enfin, toujours en avance alors que j'ai pris mon temps. J'ai soif et me rends au snack à côté de l'aéroport. Je m'assois avec ma boisson aux lèvres et je tue le temps comme je peux. J'aime pas faire ça parce que mes pensées se mettent toujours à divaguer et ... bref. C'est pas le moment de divaguer. Je manquerais presque l'avion. Je guette la grande entrée de l'aéroport, sans meme savoir ce que j'espère y trouver. Qui j'espère y trouver, ça je ne le sais que trop bien.

Mon vol est finalement appelé. Je procède à l'embarquement, toujours galère ici et je trouve ma place dans l'avion. Personne à côté. J'attends jusqu'au dernier moment, au cas où mon voisin serait juste en retard mais à la fermeture des portes, toujours personne à côté de moi. Je remarque ceci dit que l'avion n'est effectivement pas très occupé, les gens priorisent peut être, sûrement les vols de nuit, moins chers et plus calmes.

Au moment du décollage, perdu dans mes pensées encore une fois je regardes ma terre natale s'éloigner de moi, plutôt moi m'éloigner d'elle... M'éloigner de lui... Ma terre autrefois bien aimé et qui maintenant toute entière ne semble plus vouloir de moi ... Je ne sais pas quand je reviendrais, si je reviendrais, si je la reverrais si je le reverrais mais je sais que je ne l'oublierais jamais.

Younes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant