☽ 𝟑 ☾

703 114 36
                                    

Zoltar 2451 (an 3)

     Un nombre impressionnant de personnes se serrait autour de la grande table, au plus bas de la salle à manger. La lueur des chandelles dansait contre les tapisseries et plusieurs chauves-souris chahutaient sous les ogives du plafond.

     Eli, assise à côté de son père, passait ses yeux d'ambre sur l'assemblée. Les multiples oncles, tantes et cousins éloignés venaient de débarquer dans la Botte, au fin fond des Mariones. Zecalion les avait appelés pour une réunion familiale d'urgence, bien que cela ne soit pas réellement permis.

     En face d'elle, présidant l'autre bout du repas, s'alignaient les dernières soeurs de sa grand-mère - la famille Madrigal. Deux femmes aux ailes de faucon et à la ceinture pleine de petites haches. Eli les aimait bien, malgré leur allure sévère. C'étaient d'anciennes combattantes moraï's,* du temps de son grand-père.

     À sa gauche, c'était la famille de sa mère. Un frère et une soeur aux identiques ailes de cygne, aux visages plaisant et dont les mains se liaient sous la table. Yegor et Jezabel d'Oberval étaient nés ensemble, et ne s'étaient jamais quittés depuis.

    Eli évitait de lorgner à droite. Les trois cousins de Marian - les trois champions Pandéral - étaient à peu près aussi sympathiques que des bout de glaciers. Plumes de gerfauts, regards fielleux, chevilles gonflées d'orgueil... Si Eli avait du mal à supporter Marian, elle l'exécrait lorsqu'il était avec cette bande-là.

    On avait servi du Zal, du pain, et l'ambiance était bruyante. Cependant, lorsque Helion se leva et déplia tous ses membres, le silence s'abattit. Il avait tout de même été prince héritier, jadis... Malgré son échec, personne ne l'avait oublié. L'akila n'avait qu'à ouvrir un peu ses immenses ailes.

— Mon page est revenu de la capitale, annonça-t-il de sa voix nonchalante. Hier soir.

Eli retint un sourire. Page était une forme élégante de le mentionner. À titre privé, c'était surtout une oreille indiscrète que les Catilinal laisser traîner au palais. Cela n'avait jamais servi à grand chose, mais Helion insistait pour savoir ce qui se tramait, ci-et-là.

— Voici ce qu'il m'a rapporté, continua-t-il. Le régent Theobald incite les habitants de Nakre au calme. Il s'est informé de la situation et a tenu plusieurs colloques. Notre petit oiseau s'est envolé à la fin du troisième, avant les délibérations populaires.

— Alors, qu'on-t-ils décidé ? s'impatienta quelqu'un - un des cousins de Marian. De quoi s'agit-il ?

Helion prit une gorgée de Zal. Grimaça.

— D'après les membres du conseil, ce n'est qu'un énième conflit chez les solaires. Des phénomènes similaires ayant déjà été aperçu multiples fois, toujours collatéraux à des troubles internes, ils ne voient aucune raison de s'inquiéter.

— Phénomènes similaires ? fit Rafalda. Cela fait cinq siècles que je respire et je n'ai jamais vu ça. Des incendies, certes, et même quelques explosions. Mais cela ? Un rayon de lumière permanent, jeté jusque l'Empyrée ?

— C'est clairement ce que nous pensons tous, confirma un autre oncle. Les vautours du conseil ne veulent pas le voir, mais les balises d'Ashoriel projettent un signal de détresse. Cela peut être n'importe quoi. Une attaque pirate massive, un fléau maladif... Quoi qu'il en soit, ces gens ont besoin d'aide.

— Sait-on si un autre royaume a déjà répondu ? demanda Eli. Que fait la Bahamine ?

— La Bahamine est beaucoup trop loin, enfin ! se moqua l'aîné Panderal. Ils ne peuvent même pas voir jusque là.

• Les Héritiers de l'Orage •Où les histoires vivent. Découvrez maintenant