Le Rêve De Khadija

Chapitre : 02

Dans la pénombre du foyer, une tension palpable régnait. Le père de Khadija, rouge de colère, ne pouvait contenir son indignation. La nuit était tombée, et sa fille n'était toujours pas rentrée. Il se tenait debout, furieux, tandis que sa femme s'affairait aux fourneaux, indifférente à son agitation.

__Non mais bon sang ! s'exclama-t-il, faisant les cent pas dans la pièce.
Ça fait des heures qu'il fait nuit, et ta fille n'est toujours pas là ! J'exige une explication !

Il se pencha vers sa femme avec un regard accusateur.

__ Je t'ai dit des milliers de fois d'empêcher Khadija de participer à ces programmes culturels. Elle ne fait que vagabonder ! Quel homme voudrait épouser une fille pareille ?

Sa voix monta encore d'un ton alors qu'il continuait à tourner en rond.

__ Aujourd'hui, en marchant dans la rue, tu sais de qui tout le monde parlait ? Tout le monde parlait de notre fille !

La mère de Khadija se leva pour apporter de l'eau, mais elle ne pouvait ignorer les paroles acerbes de son mari. Avec détermination, elle décida de défendre sa fille.

__Pourquoi est-ce qu'ils parlaient d'elle ? Tu ferais mieux d'arrêter de t'en préoccuper, ordonna-t-elle en se plaçant près du fourneau.

__ Ma fille a eu de bonnes notes, c'est ça qui compte le plus. On a même publié sa photo et un article sur elle dans le journal ; ça personne ne l'a vu.

Les mots de sa femme ne firent qu'attiser la colère du père, qui était assis sur un petit banc. Mais ce soir-là, la mère était résolue à prendre position pour sa fille au lieu de rester silencieuse comme d'habitude.

__ Quand ma fille veut faire quelque chose d'amusant, ces gens-là sont juste jaloux, ajouta-t-elle en coupant des oignons.

__ Elle n'a plus besoin de se divertir ! rétorqua-t-il en lui pointant du doigt avec rage. Elle n'a fait que ça jusqu'à présent !

Ignorant les insultes qui fusaient comme des flèches empoisonnées, la mère continua à préparer le dîner.

__ J'attends avec impatience le moment où je lui trouverai un bon prétendant, déclara le père avec une froideur calculée. Et dès que je le pourrai, je n'hésiterai pas à me débarrasser d'elle.

Sa femme ne pouvait croire ce qu'elle entendait.

__ Ça ne m'étonne pas ! Tu n'arrives pas à accepter que ta fille veuille poursuivre ses études. Elle t'a demandé tant de fois de lui permettre d'étudier encore quelques années ! Mais un jour, Ibrahim, quand elle aura son diplôme, tu regretteras tes paroles.

En proie à une colère sourde, le père s'approcha brutalement de sa femme et lui releva le menton avec force pour plonger son regard dans le sien.

__ Lève-toi ! En quoi son éducation va-t-elle l'aider ? Si elle est trop instruite, il sera difficile de la marier. J'ai répété cela des milliers de fois dans cette maison ! Je n'aime pas les filles qui traînent comme ta fille ! Elle sort tout le temps ; elle va à l'université et revient en bus chaque jour... Son corps se frotte à celui des hommes sans que ça ne la gêne le moins du monde ! Qui voudrait épouser une fille pareille ? Dis-le-moi !

Son ton était empreint d'une autorité tyrannique qui faisait trembler les murs du foyer familial. Depuis des années déjà, il ne supportait pas l'idée que sa fille poursuive ses études ; pour lui, une femme devait se consacrer entièrement à son mari et à la maison.

La mère savait que cette lutte était bien plus qu'un simple désaccord sur l'éducation : c'était un affrontement entre deux visions du monde - celle d'un père obsédé par la soumission et celle d'une mère qui rêvait pour sa fille un avenir libre et épanoui.