Assis à la table de son atelier, Alexeï œuvrait avec des gestes concentrés. La large table occupait tout le mur, et était divisée en trois espaces. Une partie en bois, où il s'occupait des finitions. Une dalle de granite couvrait une autre partie, pour les travaux à chaud. Sur la troisième partie, il disposait d'une petite forge.
Enfin, surtout d'une petite enclume et d'un creuset. Il n'avait nul besoin de four ou de charbon ; il chauffait le métal lui-même, grâce à son Don du Feu, et le manipulait grâce aux Vents qu'il générait avec délicatesse.
Une maitrise dont il ignorait l'origine mais qu'il acceptait avec reconnaissance.
Aujourd'hui, il tressait de fins filaments d'argent afin d'en confectionner un écrin pour une pierre de lune. La pierre, il l'avait à peine touchée, préférant la laisser brute. Douce au toucher, ses aspérités seraient utiles pour la caler dans le réseau de mailles métalliques.
Alexeï ne se définissait pas joaillier. En fait, il aimait bien toucher à tout. Juste que là, quand Lucille lui avait donné cette pierre, il avait eu cette idée de lui confectionner un pendentif.
Son atelier était couvert d'étagères remplies de matériaux. Un bric à brac plus ou moins ordonné, mais dans lequel il se retrouvait.
Du bout du doigt, il caressa sa création. La pierre était tiède au toucher, un contraste avec le froid du métal. Celui-ci, il était bel et bien terminé. Alexeï balaya son atelier du regard. Lucille avait brisé une tasse ce matin, se désolant d'avoir cassé une pièce du service à thé. Peut-être pourrait-il créer un nouveau service ? L'herboriste lui avait justement porté un bloc d'argile, en même temps que son remède.
Il se leva pour se saisir du paquet et le ramener à son établi. La couleur ocre lui rappelait un souvenir, quelque chose en lien avec une rivière. Un éclair de douleur lui vrilla le front et il jura en massant ses tempes. Alexeï se releva, attrapa le verre d'eau qui ne le quittait pas et y plongea une poignée d'herbes sèches de la bourse passée à sa ceinture, puis avala le tout d'un trait. Il grimaça. La potion était certes amère, mais rudement efficace. Solerys était compétent, c'était une chance. La douleur s'estompait déjà.
Il s'assit de nouveau, caressa son menton d'une main en réfléchissant à son projet, puis agita les doigts. Un filament de Vent coupa un morceau d'argile. Il n'avait pas besoin d'un tour. Avec ses mains, il modela une vague coupe, puis il utilisa les Vents pour la façonner plus précisément. Ce Don était une bénédiction ! Les Vents étaient bien plus précis que ses doigts. Et en emprisonnant l'argile entre deux souffles de Vent, il était capable de la rendre très fine. Alexeï se concentra davantage, laissant les Vents prendre possession de lui.
Viens.
Il replia doucement le bord vers l'intérieur, le souda d'une caresse de Vent.
Viens.
Alexeï redressa la tête, déconcentré. Quelqu'un venait-il de frapper à la porte ?
Viens.
Non, c'était autre chose. Comme un appel.
Alexeï se leva, comme mu par une autre volonté. Cet appel...
Viens.
Il voulait y répondre, savoir d'où il provenait.
Doucement, il se dirigea vers la porte. Il avait envie de rejoindre la voix, insistante, et pourtant, quelque chose en lui commandait la prudence. Alexeï secoua la tête. Sa migraine revenait, comme si elle était liée à cet étrange murmure.
Viens.
La porte s'ouvrit si brusquement qu'il sursauta. Solerys se tenait là, sur le seuil de sa maison.
— Tout va bien, Alexeï ? s'enquit-il.
Alexeï fronça les sourcils. Parfois il avait l'étrange impression que Solerys le surveillait. Et c'était normal, après tout, vu sa maladie, mais de temps en temps, il avait l'impression de lire autre chose que de l'inquiétude dans les yeux du guérisseur. Comme une sorte de... satisfaction, même si ce n'était pas le terme qu'il aurait choisi.
— Je vais bien, oui. Je sortais prendre l'air. J'ai cru entendre... quelque chose. Ce doit être mon imagination.
Solerys s'assombrit.
— Des murmures ? Alors, c'est qu'ils sont revenus.
— Qui ça, ils ? s'inquiéta Alexeï.
Solerys balaya sa question d'un geste de la main.
— Aucune importance. Mais écoute-moi bien, Alexeï. Il ne faut jamais suivre les murmures. Jamais.
—Pourquoi ?
Un instant, Solerys parut sur le point d'exploser ; il se contint.
— Parce que si tu les suis, Alexeï, tu vas mourir.
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Les Vents du Destin
Viễn tưởngQue faire quand vos parents ont sauvé le monde et que votre soeur a l'oreille d'un Dieu ? Axel n'a que trop conscience des regards braqués sur lui, à l'affût d'exploits à la hauteur de la réputation de sa famille. Une pression qu'il juge insupporta...