Promesse oubliée

Prologue

Je suis en retard !

Comme chaque lundi, il m'est impossible de me lever à l'heure, mais cette fois ci j'ai fait fort. Presque 30 minutes qu'il m'attend et je n'ai même pas réussi à finir de me maquiller dans le métro. J'applique la dernière touche de gloss sur mes lèvres, afin de réveiller mon teint terni par la longue nuit que j'ai passé à bosser sur cette interview.

Aujourd'hui je vais rencontrer Mr Storm, chef d'entreprise philanthrope qui se lance pour la première fois devant les caméras dans une campagne de pub visant à soutenir la communauté LGBTQ+. Rien d'exceptionnel en soit, cependant personne ne connaît son visage. Il a accepté après plusieurs longues conversations et offres alléchantes de se confier à mon magazine.

Je me revois encore il y a une semaine quand mon patron m'a donné l'info et la direction de l'interview.

« -Élise, vous êtes la plus qualifiée en ce qui concerne cette campagne de publicités et votre sujet sur le communautarisme est ce qui vous a valu votre place chez nous. Ne me décevais pas. »

Mr Perri avait dû me répéter la phrase deux fois avant que je réalise que je serai la première journaliste au monde à voir son visage. Il a déjà donné des interviews téléphoniques et des échanges par mail mais il ne s'est jamais montré.

Je me demande bien à quoi il doit ressembler, et si c'était un vieux croûton ? Ou au contraire une personne déjà connue ?

Pas le temps de rêver il me reste 5 minutes pour arriver au lieu de rendez-vous et je suis a plus de 15 minutes de marche.

Argh, je déteste le sport.

J'accélère le pas, un peu trop pour mes poumons de fumeuse et mes pieds contracté dans ses talons que je n'ai absolument pas l'habitude de mettre et arrive 7 minutes plus tard, devant l'hôtel ou je suis censé le rejoindre.

Je me présente à l'accueil ou on m'indique l'ascenseur à prendre et le numéro de chambre. Je m'exécute en gratifiant l'hôtesse de mon plus beau sourire hypocrite. Ses yeux m'examinent une dernière fois et je comprends très rapidement ce qu'elle doit se dire : comment cette jupe n'explose pas vu mes proportions ?

Je suis ronde, légèrement en surpoids en tout cas juste assez pour avoir droit à ce genre de regards désobligeants dès que j'ose porter des vêtements « féminins ». Je me maudits intérieurement d'avoir voulu fournir un effort vestimentaire et d'avoir échangé mon pantalon de tailleur contre cette jupe moulante noire qui m'arrive mi-cuisse. Si seulement je n'avais pas mangé cette tablette de chocolat hier soir...

Je m'imagine facilement James me mettre une tape sur l'épaule en me disant que je ne devrais pas avoir ce genre de pensées et que mon corps est comme je l'ai décidé, c'est à dire magnifique à ses yeux et que mes rondeurs sont la preuve que je croque la vie a pleines dents, ce à qui ça plaît ou pas on s'en fiche royalement.

Je souris en montant dans l'ascenseur en essayant de visualiser le sourire de mon meilleur ami ce matin quand il m'a vu sortir de la chambre. Il a tenté de me donner des conseils make-up et m'a conseillé de porter les nouveaux faux-cils qu'il venait d'acheter mais j'étais beaucoup trop en retard pour m'attarder sur le chantier qu'était mon visage. Après tout, ce n'est pas une interview filmée je n'avais donc pas besoin ni d'équipe, ni de m'apprêter.

J'envoie un message à James pour lui dire que je suis bien arrivé quand le tintement de l'ascenseur me force à relever le regard face à la porte de la chambre d'hôtel de Mr Storm.

Allez Élise, c'est maintenant ou jamais.

J'aurais mieux fait de faire demi-tour et de rentrer chez moi. Je n'étais absolument pas préparée à ce qui m'attendait.