Partie 6 : Entre sourires et larmes

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« Tu es tellement magnifique »

Cette phrase résonnait encore dans sa tête comme irréelle et tellement pleine d'émotions cependant.
Elle avait passé la soirée avec eux enfin avec lui surtout chez Rico, dans cette auberge où elle était passée par tous les états possibles et imaginables.
Et pourtant ils s'étaient malgré tout retrouvés comme ils se l'étaient promis il a déjà bien longtemps.

Elle repensait sans cesse à cette soirée. Elle ne craignait plus rien. Ambrosius ne la cherchait pas (selon Mendoza et les enfants il avait trouvé un nouveau bras droit dans les troupes de Patalla). Leur futur enfant avait rencontré son père. Enfin la voix de son père. Il s'était beaucoup inquiétée pour elle. Parce qu'elle est une femme seule, enceinte, recherchée dans son propre pays pour haute trahison. Elle l'avait rassuré. Elle ne resterait pas une seconde de plus que nécessaire sur le territoire espagnol. Pour aller ou ? Le temps le dira.

Présentement la seule chose qui l'intéressait était que son homme allait probablement arriver chez elle d'une minute à l'autre. Et qu'à force de rêvasser, rien ne serait prêt dans les temps. En prenant en compte le temps de déplacement à travers la maison qui avait doublé depuis qu'ils étaient deux dans son corps.
Elle se plia en deux, revenant brusquement à la réalité. Un coup de pied ou une contraction comment savoir ? Accoucher la terrifiait. Sa propre mère étant morte en lui donnant la vie elle craignait plus que tout de connaître le même triste sort. Et elle avait surtout peur d'être seule au moment fatidique car elle n'avait aucun moyen de prévenir Mendoza s'il n'était pas avec elle. Les larmes emplirent ses yeux. Et coulèrent le long de son visage, défait par la tristesse, la fatigue accumulée et les émotions trop nombreuses qui se bousculaient dans son cœur.
Elle sursauta en entendant les coups frappés énergiquement à sa porte. Une vieille angoisse qu'on vienne la chercher pour la jeter en prison ou pire encore qui sait, la saisit.
Oubliant son visage ravagé, elle se leva et marcha jusqu'à la fenêtre et se rassura mentalement sur l'identité du visiteur. Visiteur dont le visage se décomposa en voyant le sien et les doutes s'accumulant dans ses yeux. Elle lui sourit malgré tout en ouvrant grand la porte pour le laisser entrer.
Sitôt le verrou tourné :
M- Isabella que se passe-t-il ? Tu m'inquiètes !
L - Rien. J'ai pensé à des choses négatives c'est tout. (elle soupire) J'ai peur. Et puis j'ai pas non plus l'habitude que quelqu'un s'introduise chez moi quand je suis triste.

Sans dire un mot, ni changer d'expression il s'approcha d'elle et la prit dans ses bras :
M- Je t'ai laissée seule bien trop longtemps. J'ai été égoïste. Et terrifié. Et je me rends compte aujourd'hui de l'étendue des erreurs que j'ai commises avec toi Isa.

Elle écarquilla les yeux à cette appellation :
L - Ce n'est rien. Moi aussi je suis terrifiée. Mais plus seule. Et ça déjà ça m'ôte un poids énorme. A deux nous sommes plus forts.
M - À deux nous sommes plus forts.
Ils restèrent ainsi quelques temps, silencieux et enlacés. Mais ensemble.
Isabella se crispa de nouveau. Inspira profondément. Ferma les yeux. Et les rouvrit pour découvrir le visage anxieux de son compagnon.

L - Je vais m'asseoir si tu veux bien
M- Que se passe-t-il Isabella ?
Son ton était froid et tranchant comme une lame. Elle savait qu'il tentait de cacher ses propres émotions pour s'occuper d'elle uniquement.
L - La naissance approche c'est tout. Il me dit juste qu'il a hâte de sortir de là.
M - Je ne veux pas que tu souffres. Tu as déjà trop souffert.
L - Une naissance sans douleurs est utopique tu le sais. Un nombre important de femmes y laissent la vie. D'ailleurs à ce sujet...
M - NON ! Arrête ! Tu ne vas pas mourir ! (sa voix se brise et ses yeux brillent) Tu n'as pas le droit de mourir....tu m'entends ? Tu n'as pas le droit ! Je ne pourrais jamais regarder cet enfant sans te voir à travers, au lieu de m'apporter du bonheur, il ne sera que vecteur de mes souvenirs. Je ne peux pas. Je ne peux pas affronter ça. Je préfère mourir avec toi je...
L - NON ! Tu n'as pas le droit de le laisser seul ! Tu as fait le choix de revenir auprès de moi alors tu porteras ce choix jusqu'au bout et quoi qu'il advienne ! Quel échec tu te rends compte ! Ça voudrait dire que tout ça, tout ce qui nous unit toi et moi sera détruit, il n'en restera rien. Page blanche.
Je te l'interdis tu m'as bien comprise ? Promets moi que tu ne feras pas de folies et que tu prendras soin de cet enfant comme tu l'as fait avec moi. S'il te plaît.
M - (baisse la tête) Je te le promets. Isabella.
L - Regarde moi.
Elle était dure avec lui elle le savait. Mais c'était malheureusement nécessaire. Il leva les yeux vers elle, sa douleur était immense. Elle avait l'impression de revivre leur séparation. Ce même désespoir.
L - Tout va bien se passer. Simplement il faut être conscient des risques. Ils sont réels. Mais je ne veux pas qu'on se déchire. Pardonne moi j'ai été affreuse.
M - Et moi violent. Je te demande pardon aussi. J'ai réellement peur Isabella tu sais.
L - Je sais. Car moi aussi j'ai cette angoisse au fond de mon coeur. Mais je vais me battre. Pour toi. Pour lui ou elle. Pour qu'on soit enfin heureux. A trois.
Une nouvelle contraction la coupe dans son élan. Elle se contracte. La douleur augmente à chaque fois. Et l'évidence la saisit.
L - C'est aujourd'hui.
M - (qui n'a pas suivi le cheminement de ses pensées) Quoi donc ?
L - La naissance. C'est aujourd'hui. C'est évident.
M - Pourquoi ça ?
L - Je le sais c'est tout.
M - Alors je reste avec toi jusqu'au bout. As-tu besoin d'un médecin ?
L - Et finir en prison ? Non merci ! Je me suis toujours débrouillée seule. Et tu es là. On y arrivera.
M - Je n'ai jamais assisté à une naissance...
L - Moi non plus. Mais ça ne doit pas être si difficile.
Elle remarqua qu'il blêmissait davantage à chaque phrase.
L - Tu ne te sens pas de le faire ?
M - Si. Si...on va y arriver
L - Alors as-tu peur du sang ?
M - Non pas le moins du monde.
L - Alors qu'est ce qui te fait blêmir comme ça ?
M - Je ne comprends pas comment c'est physiquement possible. Mes connaissances en anatomie féminine sont certes limitées mais il n'empêche que je ne comprends pas comment cela est diable possible.
Elle éclata de rire. Un rire franc qui le désarçonna. Il rougit même. En le voyant elle se calma et expliqua :
L - Tu te poses bien trop de questions auxquelles je n'ai pas les réponses. Mais ce que je sais c'est que des femmes mettent des enfants au monde depuis le début du monde et qu'une très large majorité a réussi avec succès. Alors j'imagine que c'est naturel. Et que tu dois me faire confiance. C'est vital.
Deux nouvelles contractions peu espacées la secouèrent à nouveau.
Et la poche des eaux se rompit sous le regard éberlué des deux futurs parents.

L'ombre du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant