Partie 7 : Une nouvelle vie commence

537 27 66
                                    


 Isabella nageait dans un univers noir qui ne semblait jamais finir. Le bruit assourdissant des battements de son cœur la dérangeait. Elle voulait que ca s'arrête. Elle se sentait déchirée de part en part. Elle avait beau hurler aucun son ne sortait. La douleur augmentait à chaque pulsation. Elle suppliait quiconque l'entendrait de la libérer. Les larmes coulaient sans jamais s'arrêter. Elle était perdue. Où était-elle ? Et où était Mendoza ? La douleur était insupportable. Elle se sentait prisonnière de son corps, dans un degré de souffrance qu'elle n'avait jamais ressenti avant. 

Elle tendit l'oreille. Il lui semblait qu'une voix lointaine l'appelait. Une voix douce. Une voix grave. Une voix d'homme. Elle voulait tellement que ça soit la sienne. Un sourire se dessina sur son visage crispé. Son bras gauche bougeait tout seul comme si quelqu'un l'agitait pour elle. Telle une marionnette. Un flash blanc l'aveugla. Elle ferma les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, sa vision était trouble. Elle distinguait la forme d'un visage penché sur elle. Elle cligna des yeux plusieurs fois. Le visage pâle d'angoisse de Mendoza lui apparut clairement. Il avait l'air de sortir d'une tombe. Elle lui sourit. Malgré la douleur qui ne la quittait plus. Malgré les larmes qui trahissaient sa souffrance. Et cette fois, quand elle hurla, le son était revenu. On aurait dit un animal qu'on étrangle. Elle se força à respirer. Sa voix résonna :

M : Isabella ! Isabella ! Est ce que tu m'entends ? Pitié, dis moi que tu m'entends...Dis moi que tu es toujours là je t'en supplie...

L : Mmmh...je...suis...là...

M : Grands dieux merci ! Tu es vivante !

L : Mmmh...qu'est ce qui se passe... 

M : Tu es en train d'accoucher. Tu as fait un malaise. Tu ne te réveillais pas. J'ai cru te perdre... Ne me quitte plus jamais tu m'entends ! 

L : Je vais essayer...mais fais sortir cet enfant de mon corps je t'en supplie ! J'ai trop mal !

M : Je vais avoir besoin de ton aide

L : Tout ce que tu veux mais faites que ca s'arrête !!

Elle se crispa. Tout son corps, tous ses muscles étaient en tension et mobilisés pour donner la vie. Jamais elle n'aurait imaginé tant de souffrances. Elle avait l'impression d'être écartelée, de brûler de l'intérieur. Le trou noir lui tendait les bras. Elle le repoussa. Son cœur battait trop vite, trop fort. Tous ses sens étaient en éveil, démultipliés. Un gémissement de douleur monta dans sa gorge. Trop puissant et viscéral pour qu'elle le retienne. 

Elle n'avait aucune idée du temps qui s'était écoulé depuis le début. Elle avait l'impression que cela faisait des heures. 

Elle se redressa légèrement, assura sa voix et planta ses yeux dans ceux de son compagnon : 

L : Fais-le sortir. Vite. 

Tout ce qu'il lui restait de détermination était dans ses mots, dans ses yeux. Et il le sentit. Il attrapa sa main, entrecroisa leurs doigts, comme une sorte de serment silencieux et solennel. Et pour la première fois, elle sentit qu'il avait franchi l'obstacle de ses propres peur pour elle. Qu'il avait enfin fait abstraction de tout. Et qu'il s'était lancé à corps perdu avec elle. 

La notion de temps avait disparu. Ils se battaient, à deux, sans relâche, dans un même but. Pendant des heures, à chaque pic, il était là sa main dans la sienne pour qu'elle lui transmette une partie de sa douleur. Sans jamais se plaindre. Vaillant. Déterminé. 

La tête passa. Au prix d'un effort que nul ne peut décrire s'il ne l'a pas vécu. Elle était brisée, épuisée mais elle n'abandonnait pas. Elle n'avait pas le droit d'abandonner. Pas maintenant. Plus maintenant. 

Quelques minutes plus tard, Mendoza sourit. Et lui présenta le nouveau né. Une petite fille. Elle était tellement belle. Mais quelques secondes plus tard, le sourire laissa place à l'effroi. Elle ne respirait pas. Elle ne pleurait pas. Les secondes paraissaient des heures. Isabella comprit que quelque chose n'allait pas. Elle hurla. Comme jamais elle ne l'avait fait pendant toutes ces heures de travail. Et à son cri, se mêla celui du bébé. Elle vivait. Plus que jamais. Les larmes inondèrent le visage des deux parents. L'accomplissement de toute une vie, le résultat de ces heures dans la douleur était là. Enfin. Mendoza déposa leur fille dans les bras de sa mère avant de s'effondrer. Il n'avait pas craqué depuis tout ce temps. Il avait aussi le droit d'exprimer ses émotions. 

Isabella éclata de rire en regardant sa fille. Elle était toute petite et...violette pour le moment. Son rire cessa brusquement quand ses tous petits doigts vinrent s'enrouler autour de son auriculaire. C'était la chose la plus adorable du monde. Son cœur se gonfla d'amour.

Lorsque Mendoza se redressa enfin, il vit les deux femmes de sa vie, resplendissantes. 

M : Elle te ressemble tellement...

Isabella sourit. 

L : J'espère pour toi qu'elle a pas le même caractère que moi, ça va être invivable sinon. 

M : Je ne suis pas sûr qu'avoir mon caractère soit une très bonne chose non plus.

Ils se regardèrent. 

M : Plus rien ne sera jamais pareil. Et si c'était à refaire je le referai.

L : Nous pouvons ici bien voir que ce ne sont pas les hommes qui accouchent.

Mendoza leva les yeux au ciel en souriant. Il ne répondit rien. Parce qu'au fond, et ça il ne lui dira pas, elle a absolument raison. 

M : Alors tu regrettes ? 

Cette question était purement inutile, mais il n'allait pas lui laisser le dernier mot pour autant. Un rire lui répondit. 

L : Tu ne me laisses jamais avoir le dernier mot hein ? Bien sûr que non je ne regrette rien même si j'aurais aimé faire certaines choses autrement. Mais finalement tout ce que je souhaitais le plus au monde s'est réalisé. Tu es là, nous avons une magnifique petite señorita que pourrais-je vouloir de plus ? 

Mendoza sourit tendrement. Il embrassa la jeune femme et déposa un baiser sur le front de sa fille, endormie. Isabella se décala pour qu'il puisse s'allonger à côté d'elle et déposa leur fille enroulée dans une couverture dans ses bras. Mendoza passa un de ses bras autour de la taille de la jeune maman qui ne tarda pas à rejoindre les bras de Morphée après tant d'efforts et tant d'émotions. Des larmes de bonheur inondèrent le visage du capitaine. Oui tout ceci valait largement plus que toutes les Cités d'Or réunies. Et il se fit la promesse de toujours tout mettre en œuvre pour que cette bulle d'amour qu'ils avaient créée ensemble ne se brise jamais.

L'ombre du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant