Chapitre 16: Karl

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Le vitrier passé, je retrouve enfin la pièce de vie dans son état originel. Il faut dire que ce n'est pas la première fois que je la fais réparer, généralement, c'est plutôt l'un des jeunes qui passe au travers. J'essaye toujours de ne pas dénicher le même artisan pour ne pas trop attiser la curiosité et provoquer des non-dits dans les villages avoisinants. Nous n'avons pas besoin de ça en plus.

"Mélina est sur le point de t'appeler."

Je suis dans la chambre de ma maison quand Pitt m'annonce ça de but en blanc. Je n'ai même pas le temps de lui demander la raison que j'entends la sonnerie de mon téléphone depuis la cuisine, là où je l'ai laissé avant de commencer à préparer le sac que j'aurais besoin pour les deux prochains jours. Je parcours les quelques mètres qui m'y sépare et je décroche, pressé d'entendre sa voix.

-Tout va bien, Mélina, je lui demande, inquiet qu'elle m'appelle.

-Comment sais-tu que c'est moi...laisse-moi deviner, Pitt t'a prévenu. J'aurai dû m'en douter. Il me demande de te joindre parce qu'il préfère, alors qu'il te prévient que je vais le faire. Complètement débile.

Qu'est-ce que Pitt mijote encore une fois ? S'il a missionné Mélina, c'est qu'il a quelque chose à me dire et qu'il préfère l'envoyer elle au casse-pipe plutôt que d'assumer. Je le sens mal.

-C'est quoi cette histoire ?

-Calme-toi Karl, il n'y a rien de grave. C'est juste que...

-J'arrive.

Je ne laisse même pas le temps à Mélina de d'achever sa phrase, l'interrompant pour lui signifier ma venue. C'est son « calme-toi » qui m'a décidé. La plupart du temps, quand une discussion commence ainsi, c'est que celle-ci va se poursuivre sur un chemin que vous ne désirez pas arpenter. Et pour l'éviter, dans un sens, je décide de couper cours et d'aller affronter le problème, parce que je suis certain qu'il y en a un.

Laissant de côté la préparation de mon sac, je grimpe dans le pick-up et prends la direction du village à une allure bien trop rapide. Je n'arrive pas à me raisonner surtout en sachant pertinemment que Pitt en est l'investigateur, il fallait bien que je m'y attende. J'aurais réellement dû assigner Luc à la surveillance de Mélina, tout aurait marché comme sur des roulettes, pas comme maintenant. Je jette un coup d'œil au compteur et quand je vois que l'aiguille indique cent kilomètres heure, je relâche la pédale d'accélérateur, le but n'étant pas d'avoir un accident ou de percuter un animal ou même un humain. Passant à quatre-vingts, je sais que je roule encore trop vite sur ces chemins étroits, mais je ne pourrais pas aller plus doucement, pas quand ça concerne Mélina.

Dix minutes, c'est le temps que m'a pris de rallier chez moi à chez elle, alors qu'il me semble y avoir passé trente minutes. Je me gare devant la maison, éteins le moteur et sans prendre le temps d'extirper la clé du contact, je descends en claquant la porte bien trop fort, animé par une colère que j'ai du mal à contenir, sans toutefois savoir ce qu'il se passe.

J'arrive dans le jardin pour tomber nez à nez devant Pitt et Mélina en pleine conversation houleuse. Je m'arrête net devant ce spectacle et j'assiste à une bagarre verbale entre les deux, ce qui m'apaise un peu. Mise à part sa colère, Mélina semble aller bien.

-Je t'ai dit de rentrer tout de suite, putain, crache Pitt.

-Va te faire foutre. Depuis quand je suis censé me soumettre à tes ordres ? Tu as réellement cru que le fait que je t'autorise à vivre dans la maison, ça te donner le droit de me dire quoi faire ? Tu te fourres le doigt dans l'œil et bien profondément si tu crois ça, hurle Mélina.

Ah d'accord, je commence à mieux comprendre, voilà pourquoi Pitt à demander à Mélina de me téléphoner. Quel petit con celui-là. J'espère intérieurement qu'elle va lui mettre une bonne gifle, mais elle fait beaucoup mieux que ça. Alors que je vois Mélina s'engager pour me rejoindre, Pitt a le malheur de lui saisir le bras pour la retenir, ce qu'il n'aurait apparemment jamais dû faire. Sans même prendre de l'élan, je vois le bras libre de Mélina partir en direction du visage de mon meilleur ami, frappant son nez du plat de la main dans un craquement sinistre qui n'augure rien de bon. Le but de lui faire lâcher prise atteint, Mélina ne s'arrête néanmoins pas là, sa jambe prend de l'élan avant de terminer sa course dans l'entrejambe de Pitt sans aucune retenu, tellement fort qu'il se retrouve au sol, accroupi, se tenant les bourses alors que son nez pisse le sang. Sans un regard en arrière, Mélina passe à mes côtés en me lâchant qu'elle éprouve le besoin de s'éloigner.

UN MONDE A PART (Tome 1 complet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant