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La première fois qu'Oikawa avait vu une couleur, il avait quatre ans. Il n'avait pas su la nommer.

Normal, dirait-on, pour un enfant aussi jeune. Encore plus compréhensible quand un quart de la population mondiale ne percevait le monde les entourant qu'en teintes monochromes. Des cas comme le sien, celui de rencontrer son âme-soeur aussi jeune, n'étaient pas rares à proprement parler. Cela n'arrivait juste pas tous les quatre matins, et était assez excitant pour qu'un article de journal lui soit consacré dans la presse locale.

A l'époque, l'enfant peut-être un peu naïf qu'il avait été ne comprenait pas encore ce qu'il y avait eu d'aussi extraordinaire à ce que le monde se révèle à lui. Les choses étaient très simples de son point de vue. Il avait regardé Iwa-chan, devenu son meilleur ami, et depuis il percevait.

En grandissant, Oikawa avait commencé à saisir.

On le regardait différemment, avec envie, jalousie la plupart du temps. Avec un peu de peur aussi, quand il s'émerveillait devant une fleur que peu autour pouvaient vraiment apprécier. Il ne savait pas vraiment comment réagir face à toutes ces réactions qu'il provoquait. Les gens de son âge le regardaient où qu'il aille, pleins d'admiration ou de mépris. Les adultes crachaient que certains avaient plus de chance que d'autres et s'affairaient à l'éviter, ou alors soupiraient remplis de nostalgie.

Plus que tout, on ne cessait de le coller avec Iwa-chan.

Bien sûr, Oikawa n'était pas idiot. Il avait grandi en entendant les conte de fées sur les âme-soeurs, et savait pourquoi le bleu faisait toujours battre son coeur un peu plus vite. Parce que c'était la couleur du t-shirt d'Iwaizumi ce jour là.

Mais il ne pouvait s'empêcher de rejeter tout ce qu'on forçait sur lui, ces attentes, ces préjugés. Il ne voulait plus être celui dont la vie s'étalait toute tracée, celui qui avait été choisi. Il ne voulait plus, à chaque travail de groupe, qu'on hausse les épaules en se détournant de lui, marmonnant qu'on savait déjà avec qui il serait.

Il aimait Iwaizumi avec toute la force d'un premier amour qui était aussi un premier ami. Mais il refusait que cela soit la seule chose remarquable à propos de lui, parce qu'Oikawa Tooru manquait de beaucoup de choses, mais certainement pas d'ambition.

Alors il avait parlé, longuement, avec Iwa-chan qui toujours le suivait, et ensemble ils s'étaient inscrits au club local de volleyball. Cela n'avait pas pris très longtemps pour que le nom d'Oikawa ne soit plus associé à l'enfant ayant eu la chance de voir le monde en couleur, mais plutôt au passeur incroyablement talentueux qui à chaque compétition montrait un arsenal de capacités de plus en plus effrayantes.

Par la seule force de son sport, et de sa ténacité, il avait renversé des années de commentaires à voix basse et de reniflements hautains. Les même qui auparavant le méprisaient, ou ne parlaient de lui que comme d'un insupportable m'as-tu-vu à qui la chance avait égoïstement souri, désormais criaient son nom du haut des tribunes. Les caméras après environ dix ans se braquaient de nouveau sur son visage, mais cette fois-ci l'adolescent qu'il était devenu savait ce qui était en jeu. Il utilisa toute cette visibilité qu'on lui offrait pour atteindre d'autres sommets, et il savait que ce choix était le bon.

Il le voyait dans les yeux d'Iwaizumi, si sombres, avec une pointe de brun chaleureux que lui seul semblait pouvoir y déceler. Tout ce qu'on pouvait trouver en googlant Oikawa Tooru étaient de longs articles élogieux et des myriades de posters. Il n'était plus question d'âme-soeurs.

Cette histoire-ci n'appartenait plus qu'à eux.

Cette histoire-ci n'appartenait plus qu'à eux

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