6. Les adieux du quai N°5

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Quai numéro 5.

Il me fait face. Eternel défigurant de mon visage crispé.

Je ne sais que lui dire ; je ne sais plus quelle mimique arborer, minauderie supplémentaire d'un mensonge de plus.

Je ne dis rien. Lui non plus.


Les gens qui montent et se pressent aux portes du train nous bousculent nous séparent.

Nous ne sommes que des pions séparés dans le temps, séparés dans l'espace, que le sifflet strident du contrôleur achève.


Je me souviens son visage. Dur, lourd de courage. Filiforme.

Mes yeux humides comme trahison sublime à l'amour jusqu'alors porté.

Et lui qui me demande la raison de ces larmes, qu'en fatigue je transforme.


Je suis une unitaire, une solitude délétère.

Je ne l'aime pas et le penchant destructeur de l'amour, mon penchant salvateur me pousse à lui nuire,

Et il y a un instant, dans la voiture même qui me menait ici, je lui signifiais mon désir de partir.


Je me faisais les ongles, comme pour mieux le griffer, comme pour mieux arracher, tout au fond de sa chair, tout l'amour prêté.

Ma contradictoire contradiction, oui je t'aime. Non je te hais.

Toi si proche, mais toi, si détesté, tu n'es pas à l'image de celui que tu devrais.


Quai numéro 5, le train vient de s'en éloigner.

Comme un ultime au revoir, quai numéro 5, à celui qu'un jour j'ai aimé.

En-VIEWhere stories live. Discover now