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Un oiseau gazouille gaiement, perché sur la branche d'un sapin majestueux, chantant avec entrain une mélodie digne de la journée douce et ensoleillée qui est en train de s'écouler. Un sourire vient fleurir mon visage, tandis que je dévisage l'oiseau avec un regard tendre, sensible aux notes produites par sa petite gorge. Je ferme les yeux un instant, me laissant bercer au rythme du chant, lorsqu'une voix familière résonne à mon oreille, me tirant doucement de ma transe. Une main grande et chaude se glisse dans la mienne, et je tourne la tête avec douceur vers le possesseur de cette main. Ce dernier me sourit avec tendresse et me vole furtivement un baiser, avant de m'entraîner à sa suite, nous faisant ainsi marcher doucement, main dans la main, au rythme de notre discussion, nous enfermant ainsi dans un cocon paisible, rien que nous deux.
J'ai comme l'impression d'être dans un rêve, que ce moment de bonheur pur ne peut m'être permis, qu'il va m'être retirer à tout instant. Alors je serre sa main, comme pour me prouver que tout cela est bien réel. Un baiser sur mon front vient calmer mes peurs, et je souris avec tendresse. C'est si bon de pouvoir se détendre, d'oublier le stress, les crises d'angoisse, les pleurs...
Nous finissons par nous assoir au pied d'un arbre, précisément un platane, et je me glisse dans ses bras, ma main se faufilant sur son torse, tandis que la sienne vient trouver refuge au creux de mes reins. Son souffle me chatouille le haut du crâne, faisant voler les petites mèches courtes de mes cheveux continuellement emmêlés.
Un rayon de soleil passe les barrières du feuillage de l'arbre pour venir s'échouer sur nos deux corps entrelacés, faisant ressortir l'éclat magnifique de ses si beaux yeux.
Une voix résonne de plus loin, faisant éclater notre bulle amoureuse, et un groupe de 4 jeunes nous rejoignent en souriant, s'installant avec nous, formant ainsi un petit cercle au pied de l'arbre. Nous discutons tous avec entrain, heureux de pouvoir passer un peu de temps avec nos amis, sans aucune pression quelconque, ni contrainte.
Je ferme un instant les yeux, profitant pleinement de ce moment, frissonnant au contact doux de la main de mon aimé sur mon cou. Son autre main vient retrouver la mienne, et nous entrelaçons nos doigts avec douceur.
Le soleil décline progressivement, et aussi vite qu'il n'en faut pour dire "bonjour", le chaos prend alors place tout autour de moi, sans que je ne comprenne quoi que se soit. Des cris, des pleurs, la chaleur des flammes, l'angoisse de perdre un proche, le sentiment pressant de sauver le plus de personne possible. Je me muni d'un grand bâton, en guise de précaution, et je me mets à courir, hurlant le nom de mes amis, de mes camarades.. hurlant son nom à lui. Les poumons en feux à cause de la fumée et de ma course, les jambes tremblantes à cause du stress, je m'arrête en plein milieu, tournant sur moi-même afin d'élargir mon champ de visibilité.
Alors je le vois.
Cherchant une sortie dans le mur de flammes qui nous séparent. Je hurle son prénom, mon désespoir augmentant le volume de ma voix. Je m'apprête à le rejoindre quand quelque chose, ou plutôt quelqu'un me percute de plein fouet. Je roule au sol, et me retrouve coincé sous un ami, qui me regarde avec peur et tristesse.

- Tu peux pas.. Tu peux pas le rejoindre. Il faut qu'on se barre.

- Pas sans lui !!! Je me débats frénétiquement sous lui, retenant à grand peine mes larmes.

- Il est coincé ! Je suis sincèrement désolé, mais on.. on peut rien faire...

Je vois très bien qu'il lui en coûte de me dire ses mots, que lui aussi doit souffrir énormément à l'heure actuelle, et que jamais il ne me dirait ça si il y avait un moyen de le sauver. Jamais. Mais je refuse d'y croire. Je ne repartirai jamais sans lui.
Je m'apprête à retenter une approche, mais le brasier déjà incandescent s'enflamme davantage, me forçant à reculer malgré moi.
Alors son regard accroche le mien. Je plonge mes iris dans les siennes, me noyant dans l'océan de peur, d'amour et de regret que me renvoient ses yeux. Des larmes ruissellent sur son visage, et je sens les miennes couler à flots sur mes joues rougies par la douleur et la chaleur. Je le regarde longuement, refusant de lâcher ses beaux yeux, sachant pertinemment que ce serait la dernière fois que je les verrai. À travers ce dernier échange, il me transmet tous ses sentiments envers moi, tous ses regrets de ne pas pouvoir finir sa vie avec moi comme on l'avait si souvent rêvé, toute la culpabilité de me laisser "seul" dans ce monde morose et empli de haine.
Mon cœur pleure. Il saigne, déchiré de part et d'autres. Mon âme hurle, mais mes lèvres restent scellées. Aucun mot ne peut égaler le poison qui s'infiltre sinueusement dans mes veines. Aucune parole ne peut exprimer ne serait-ce qu'un dixième de ce que je ressens. Alors je ne lâche pas son regard, et je lui transmets ainsi tout ce que je ne peux lui dire.
Je murmure son nom, comme une promesse, la promesse de toujours l'aimer et de ne jamais l'oublier. Je vois ses lèvres murmurer mon nom en retour, et mes larmes redoublent. Je reste aussi longtemps à contempler ses yeux, avant de fermer les miens, comme pour fuir le cauchemar qui se tient devant moi.

Mes yeux maintenant vides s'ouvrent sur le plafond immaculé de ma chambre, tandis que mes larmes traces de nouveaux sillons sur mes joues. Je me redresse et mon regard se pose automatiquement sur la photo posée sur ma table de chevet. Sa photo. Une semaine avant l'incendie. Une semaine avant que ma vie ne bascule.
Je me lève, et comme chaque matin je pars faire ma toilette, avec les mêmes gestes quotidiens. Cela fait maintenant 5 ans.
Je remonte difficilement mais sûrement la pente grâce à mes amis, je redécouvre le goût de la joie, du rire, mais malgré ça je ne cesserai jamais de l'aimer, tout comme il n'a jamais cessé, et je ne cesserai jamais de ressentir ce vide en moi. Je me tourne vers mes deux oiseaux, l'un blanc, l'autre bleu, qui gazouillent joyeusement entre eux. Ils n'ont jamais cessé de chanter, même si leurs chants sont devenus mélancoliques, ils continuent de chanter, pour moi, pour lui, pour nous. Et moi je souris avec douceur en les écoutant, pour moi, pour lui, pour nous. Pour toujours.

Publié le : 09/01/2022
~G~

OS beaucoup moins joyeux, je le conçois mais j'espère qu'il vous plaira quand même !♡

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