1-Harry

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Il est 9h30 et je suis en cours de math. C'est chiant à mourir, ce qui change pas des autres cours à vrai dire.

La prof est vieille et a le visage ridée, elle me fait penser à une sorcière. Du genre créature étrange à avoir deux vies, comme si elle avait plusieurs personnalités et que le soir elle retournait tester des expériences qu'elle pourrait bientôt essayer sur un d'entre nous. (𝒐𝒖𝒊 𝒑𝒂𝒓𝒇𝒐𝒊𝒔 𝒋𝒆 𝒅𝒆́𝒍𝒊𝒓𝒆 𝒕𝒐𝒕𝒂𝒍𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒒𝒖𝒂𝒏𝒅 𝒋𝒆 𝒎'𝒆𝒏𝒏𝒖𝒊𝒆)

Une genre de double vie. ça me déplairait pas d'en avoir une d'ailleurs. Tu peux jouer deux rôles, deux différentes personnes, différentes personnalités, différentes versions de toi-même sans que personne ne se doute de rien. Avoir deux vies, deux options, deux choix, si tu rates dans cette âme, tu auras l'autre de secours.

En y pensant, ma situation y ressemble étrangement, pas complétement, mais ma vie a deux facettes c'est sûr, celle que je suis, et celle qu'on m'impose d'être.

Je n'ai pas choisit de jouer le rôle du mec populaire que tout le monde apprécie pour aucune raison d'ailleurs. Même pas parce que je suis plus intéressant, plus passionnant ou plus captivant. Juste parce que les êtres humains suivent les codes et les règles. C'est bien connu.
Je suis dans les critères. Je suis beau, enfin c'est ce qu'on a l'habitude de me dire, j'ai pas de kilos en trop ni de cm en moins, je suis drôle -(quand j'ai pas décidé de tirer la gueule) et un minimum intelligent, pas trop, pas intello, juste assez. En plus de ça, je suis musicien, guitariste précisément, ce qui fait apparement craquer les filles...

Les gens vont s'attacher à une personnalité, un caractère ou un sentiment que fait ressortir la personne.
Mais on ne montre jamais qui l'on est vraiment, et quand on essaye, le résultat n'est jamais bon, tout foire. On nous fait croire qu'il faut être nous même, mais c'est faux.
Tout ça n'est qu'un putain de mensonge. On veut pas que tu sois toi même, mais que tu sois dans le moule, t'as le droit d'avoir ta personnalité, ton style de vêtements, la coiffure que tu veux mais au fond tu dois être identiques aux autres. Pour seul but de t'intégrer dans cette putain de masse.

J'ai une vue d'ensemble de la classe, je me mets toujours au fond pour être tranquille et dans ma bulle. J'ai souvent mes fidèles écouteurs bleus que la prof ne remarque même pas.
J'observe mes camarades qui n'ont pas plus l'air intéressé par son cours. Soit ils sont à moitié endormi, soit il tripote des choses pour lutter contre le sommeil. La prof parle dans le vide, comme d'habitude.

La sonnerie retentit. Enfin.
J'ai cru que j'allais me dissoudre tellement la chaise me fait mal au cul. Il devrait peut être penser à installer quelque chose de plus confortable pour enchainer les cours pendant des heures assis... Bon, c'est pas comme si l'éducation nationale se souciaient de ce genre de chose.

Tout le monde se ru vers la porte pendant que la prof essaye d'annoncer les devoirs, mais elle échoue.

"Bon, je mets tout sur pronote les enfants"

Je commence à ranger mes affaires quand ma mère m'envoie un message pile à ce moment, faut croire qu'elle a peut être appris par cœur mes horaires de cours.
Je suis sûre qu'elle en serait capable.

"J'ai appelé la CPE, tu vas changer de classe. Tu iras dans une classe mieux aménagé pour tes horaires de cours et la guitare. Je veux plus que tu rates autant. Bisous." Elle met aussi un émoji "bonhomme bisous" à la fin, ce qui a le don de m'énerver.

Je réalise. Ma tête se décompose. Je crois rêver. Il manquait plus que ça à cette journée de merde.
Mes heures manquantes m'allait très bien, c'est pas comme si j'en avais quelque chose à faire.

Je la déteste. Je voulais bien changer mes horaires, ce qui m'aurait aussi arranger pour gérer cours et musique. Mais me faire changer de classe en pleins milieu de l'année c'est vraiment ignoble. On en a même pas discuté, on a même pas évoqué cette possibilité. J'ai tous mes potes dans cette classe.

C'est repartie. J'ai l'impression que je vais exploser. J'ai du mal à respirer.
En plus tout le monde me respecte énormément ici, c'est assez bizarre de dire ça mais c'est la vérité, malgré ma perception sur ce concept, ça me va bien à la surface.
C'est mieux que d'être le rejeté du groupe. C'est con mais c'est la vie encore une fois.

Je me sens mal. Pour peut être pas grand chose mais c'est  quelque chose de mon quotidien, mes habitudes qui vont changer, et je déteste ça.
Depuis petit, j'ai besoin d'avoir mes repères, les changements me font peur. Mais encore une fois ma mère ne s'en soucie pas. Je suis à bout. J'ai besoin d'être seul.

Je me dirige vers les toilettes en essayant de marcher à grand pas mais en paraissant naturel.
Je ne veux pas que les gens pensent que je suis bizarre de courir dans les couloirs. Moi-même je trouve bizarre les gens qui font ça.
Quand t'es en retard, t'es en retard. Autant ne pas élever son rythme cardiaque pour rien. Mais là c'est pas une question de retard, mais de vie ou de mort.

J'arrive enfin vers la porte bleue des toilettes. Je me rince immédiatement la tête avec de l'eau. Je suis toujours essoufflé et j'ai toujours chaud mais mon pou commence a diminuer.
Mon angoisse commence petit à petit à redescendre.

Je sens que ce soir va être une mauvaise soirée, on va sûrement s'engueuler pendant le repas et claquer les portes comme d'habitude. Je n'aime pas ça, mais on arrive pas à communiquer. Les relations c'est déjà compliqué alors encore plus avec les personnes qu'on a pas choisit.

Je me regarde dans le miroir. J'ai pas bonne mine. J'arrange mes cheveux quand j'entends quelqu'un rentrer. Il ouvre la porte tellement bruyamment que je crois un instant qu'il pourrait casser la poignée.

"Qu'est-ce que que tu fais ?" lançait-je d'un ton étonné voir même hautain.

"Bah je viens au toilette pour faire de la danse classique" Dit le garçon d'un ton moqueur et agacé.

Je le fixe. Je mets un moment à comprendre son humour, si on peut appeler ça un humour. Je suis un peu perturbé et ailleurs. J'ai surtout peur qu'il voit la panique encore encré sur mon visage.

"Mais non idiot. J'ai juste envie de chier. C'est un peu le but des toilettes non ?"

J'ai à peine le temps de répliquer qu'il a déjà fermer la porte. Il m'a traité d'idiot. D'habitude c'est moi qui le fait. Encore un petit brun m'arrivant au cou qui a pas compris que c'est moi qui traite les gens ici. Et que tes beaux yeux bleus de premier de la classe ne changeront rien à ça.

[...]

Je pense déjà à demain. Et oui, faut dire que ma mère ne perd pas une seule seconde. J'appréhende. De nouvelles têtes à voir tous les jours, de nouveaux profs. Mais surtout une fausse personnalité à se créer. Je vais y arriver.
Tout ira bien Harry, tout ira bien.

[L.S] La clé de ton coeur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant