Chapitre 1 : Naruto Uzumaki

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Paris, 17h40



- J'espère bien que c'est une blague ! S'écria un jeune homme blond en descendant des escaliers.

Au même moment son parrain décrocha ses yeux de la télévision un air embêté. Il laissa tomber sa tête contre le cousin du canapé de manière à voir son neveu sans trop faire d'effort. Celui-ci ne semblait pas emprunt à plaisanter, ni même à esquisser un sourire d'ailleurs. Il tenait si fermement son téléphone qu'on aurait dit qu'il souhaiter l'écraser dans sa main.

- Tu peux m'expliquer pourquoi je reçois aujourd'hui un mail de « Jusqu'au bout du monde » ? Je cite, « Naruto Uzumaki nous avons le plaisir de vous annoncer que votre candidature a été retenu et nous aimeront beaucoup que vous fassiez parti de la cession 2021 »

Le parrain en question se retint de rire, si bien qu'il préféra se goinfrer de chips pour éviter apparemment le sujet. Cependant le blond s'impatienta et récupéra aussitôt le paquet, se plantant au passage devant lui.

- Jiraya répond ! S'exclama-t-il complètement paumé. Dis moi que tu ne m'as pas inscris... Je t'en supplie, dis moi que c'est une connerie.

Cette fois-ci, l'homme se releva du canapé un air un peu plus sérieux.

- Et bah je crois que si, répondait-il finalement un peu penaud.

Un silence pris place entre les deux hommes, jusqu'à ce que Jiraya s'empresse d'y mettre fin voyant le beau visage de son neveu se rider un peu plus sous la colère.

- J'ai pensé bien faire ! Tu as besoin d'argent, et si tu gagnes c'est 100 000 euros c'est le jackpot ! Continua l'homme aux cheveux blancs. En plus j'ai fais ça pour rire, je pensais pas qu'ils te prendraient ! T'as besoin de souffler, ton travail te rend dingue, t'es même pas capable de t'en rendre compte. Tu passes ton temps sur ton ordinateur ! Même la nuit!

Si c'était censé rassurer le blond, ces mots l'angoissèrent encore plus. Il ne comptait pas mettre les pieds là-bas, rien que l'idée d'être filmé comme une bête de foire, réussissait à le dégoûter profondément. Ils n'avaient jamais compris ces abrutis qui se donnaient en spectacle devant des caméras et qui étaient payés à faire ca. Et jamais il ne comprendrait d'ailleurs.

- C'est stupide, je ne participerais pas. Marmonna-t-il en se servant un verre de jus d'orange histoire de se remettre de ses émotions.

- Pourquoi ? Après tout ça peut être une expérience formidable, tu sais bien que cette émission est particulière... Il est question de survie, de sport, de courage... Tu es le meilleur même si t'es un peu bête. On va pas te juger sur ta personnalité mais sur tes compétences, et les autres... Bah faudra juste les accepter.

- Justement j'ai pas envie, j'ai pas envie d'être paumé sur une île pendant 12 jours avec des étrangers et ne pas manger. C'est débile pour se recentrer sur soi, t'avais qu'à me payer un voyage en Laponie si tu voulais me faire souffler.

Ils s'affrontèrent du regard pendant une seconde, et Naruto ne comptait pas céder. Son parrain avait dépassé les bords. D'accord il s'inquiétait, c'était normal, quoique un peu énervant car finalement le blond menait une vie banalement normale. Il se levait, choisissez toujours les mêmes chemises, prenait toujours le même metro avec les mêmes regards vides, les mêmes visages crispés. Il s'arrêtait toujours à Art et métiers, et ne voyait plus le reste de la ligne. Il marchait un peu, suffisamment pour râler devant un passage piéton qui l'arrête mais pas assez pour se dégourdir les jambes. Alors une fois arriver dans son service, il saluait ses collègues toujours avec le même air ravis qui signifiait « je vais me mettre un arrêt maladie. » La secrétaire lui faisait de l'œil et son fidèle ami, tentait la même blague au sujet d'une personne qu'il avait choisi pour être la tête de turc. Enfin il classait, triait, rappelait, négociait, ne prenait pas de pause ou bien un café et une cigarette. Mais le plus compliqué dans tous ça, c'était de se dire qu'il n'avait pas d'autre option.

C'était ça sa vie maintenant, et il ne s'y faisait jamais. Le soir en se couchant, parfois il imaginait une petite chose qui briserait son quotidien, qui mettrait fin à cette boucle interminable. Le métro tout entier en panne, un éclair sur son toit, un astéroïde qui percuterait son entreprise... Bref quelque chose d'amusant et d'impossible.

Alors quand il regarda les yeux de son parrain, peut-être que pour la première fois, il saisit son inquiétude déplacée -d'abord légitime- qui l'avait poussé à l'inscrire.

- Qu'est ce que t'as à perdre ? Le questionna Jiraya d'un fin sourire. T'as à peine 21 ans qu'on dirait que t'en a 102.

- Sympas merci, railla le blond d'une moue déguisée.

Il préféra s'asseoir de son côté volant au passage une cigarette qui traînait là (mais qui ne lui appartenait pas pour autant). Sous les yeux frustré de son parrain, il l'alluma et se laissa tomber au fond du canapé en cuir.

- T'as raison, j'ai une vie de vieux putain, conclut-il alors qu'une fumée épaisse avait recouvert sa silhouette. Tu vois, je sais pourquoi je fais tout ça, pour gagner des tunes. Mais parfois j'me dis, est ce que c'est vraiment ce que je souhaite ?

Jiraya l'observait un instant, un peu attendris par toute cette solitude dont il connaissait les origines. Il cacha pourtant la pointe qui serra son cœur à cette vision et se pencha vers le blond imaginant qu'il faille bien plus que quelque mots pour le rassurer.

- Va vivre ta vie gamin... Même si c'est une émission pourrie, avec peut-être des gens pourries et de la bouffe pourrie... Va reprendre confiance en toi t'en as besoin.

Un déclic, ou la claque qu'il fallait pour ouvrir les yeux, Naruto écrasa sa cigarette dans le cendrier. Il regarda son parrain qui avait ce visage tiré par les rides, pas ces espèces de traits aigres et creux, mais ces marques fines et désorganisées. A l'image de la vie qu'il avait eu, délicieuse et chargée de souvenirs. Il lui sourit finalement de toutes ses dents et récupéra son téléphone.

- De toute façon tu vas pas lâcher l'affaire hein ? Répliqua le blond avec suspicion.

Il offrit comme réponse le même sourire malicieux et repris son émission bidon. Enfin, pour lui elle ne l'était certainement pas, mais ça Naruto s'en fichait car son parrain ne changerait jamais. C'était un homme comme on n'en faisait plus. Il était tout bêtement de ces gens qui aimaient leur vie non pas par nécessité mais par passion.
Comme Jiraya et Paul Éluard aimait le dire, après tout, il n'y a pas de hasard dans la vie. Seulement des rendez-vous. Si attendre que la vie change toute seule était un souhait facile et romantique, la vérité était tout autre.

C'est pourquoi Naruto répondît à ce mail aussi stupide qu'il soit à ses yeux. Après tout sa vie était trop courte pour qu'il la gâche à tous les arrêts de métro.

Jusqu'au bout du monde |  NarusasuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant