L'Orage

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Il faisait noir quand on est revenue au chalet. Notre première journée en forêt ne s'était pas très bien passé. Les filles étaient épuisées, moi j'étais déçue de nos prises. Le chalet est près de l'eau, mais pour bien m'imprégner de la nature, j'avais décidé d'aller explorer la forêt derrière. L'île est bien plus grande qu'elle ne le paraissait si bien que nous nous sommes perdus quelques minutes, à moins que ce ne soit quelques heures. Pour nous situer, j'avais décidé de grimper dans un arbre. La vue était imprenable. D'un côté la forêt majestueuse, de l'autre, le lac sans fin. En effet, bien perché sur ma branche, j'avais peine à voir l'autre rive. Il faut dire que la journée était brumeuse. Johanne a tenté de me rejoindre en haut de l'arbre pour apprécier la vue, mais disons qu'à ma hauteur, les branches n'aurait pu supporter autant de poids, alors elle s'est arrêtée un peu plus bas. Maryse, elle, a bien tenté de grimper, mais même avec ses chaussures de randonnées à crampons, elle a dû rester tout en bas. Voyez-vous, j'utilise les termes de Maryse pour décrire ses chaussures, mais en réalité, elle a simplement ajouté des crampons à ses bottes à plate-forme. À peine étions-nous de retour sur la terre ferme que la tempête à éclater. Maryse s'est mise à paniquer, Johanne à pleurer et moi j'en avais plein le cul de les entendre. Mais dans quoi m'étais-je embarquer !? Il n'y avait pas de sentier, la pluie froide ramollissait la terre sous nos pieds. Moi j'avançais lentement, enjambant les obstacles, renfonçant dans la terre boueuse, le tout en transportant à moi seule tout le matériel de pêche sur le dos et la glacière dans les mains. Je rageais plus mes vêtements s'imbibaient d'eau et de sueur, mes chaussures de boue et mes oreilles des brailleries de mes amies. La tempête avait obscurci le ciel plus tôt ce jour-là, si bien que nous en avions perdu la notion du temps. Enfin de retour à l'abri, j'ai laissé tomber tout mon attirail et je me suis écrasé sur le plancher. On était toutes les trois bien heureuse d'être enfin de retour à notre vieille cabane. Johanne se remettait tranquillement de ses émotions en comptant les piqûres de moustiques qu'elle avait sur le corps tandis que Maryse retirait ses plateformes et une partie de ses vêtements mouillés.

- Moi je ne sors plus d'ici ! braillait Johanne.

- On n'est pas venues ici pour passer nos journées enfermées ! lui ai-je répondu, toujours convaincu de notre force intérieure.

La pièce baignait dans une obscurité totale, quand un grand flash lumineux éclaira la scène. Le temps d'une seconde, j'ai cru apercevoir Johanne, culotte descendue, qui se grattait le derrière et Maryse en soutien-gorge qui s'éventait les seins et la seconde suivante, elles figeaient avant de retomber dans le noir.

- C'est quoi c'te lumière là? A demandé Johanne.

Un grand BOUM est alors venu du ciel et trois grands AHHH ont surgit du chalet.

- J'pense que c'était la lumière d'un éclair. A fièrement annoncé Maryse la perspicace.

Johanne s'est remise en mode panique, prête à éclater en sanglots à tout moment, criant « J'vous l'avais dit qu'il ne fallait pas aller trop loin ! Il fait noir et on ne sait même pas où sont nos lampes à huile ! » Je crois l'avoir entendu ventiler avant de reprendre : « Ah et j'pense que j'entends une bibitte, on va encore se faire piquer. »

- Calme-toi, ai-je dit à Johanne, on a une lampe sur la table, il s'agit de la trouver.

Elle a fait quelques pas, puis s'est cogné contre une chaise et est tombé à quatre pattes au sol.

- Ouch ! Ayoye maudit!

Et la revoilà en larmes. C'est décidé, le lendemain j'allais imposer une sieste en après-midi pour Johanne. Ce n'est pas vrai que je passerais ma semaine à entendre brailler comme ça.

- J'vois pu rien là ! Chiala-t-elle encore.

- Calme-toi, on va en trouver, une lumière. La rassurai-je.

BOUM! Un autre éclair, trois cris, des vraies poules pas de tête, moi y compris.

- Batince! J'ai perdu un verre de contact. Lança Johanne.

Je me suis rappelé que Johanne portait des lunettes en fin de soirée, lorsqu'elle retirait ses lentilles. J'ai passé la main sur la table et je les ai trouvés. C'est Maryse qui, la première, a mis la main sur une lampe. Elle était tellement fière. Aussitôt qu'elle l'eût allumé, son visage s'est éclairé, puis se fût un fou rire instantané pour Johanne et moi. Maryse, sans chemise, nous regardait trempée, le maquillage coulé et les cheveux aplatis par la pluie, se demandant ce qu'y pouvait bien nous faire rire ainsi.

- Si tu te voyais ! Lui répondit Johanne.

Maryse couru vers le miroir de la salle de bain pendant que Johanne et moi profitions de la lueur de sa lampe pour trouver et allumer les autres. Elle revint vers nous en riant :

- J'ai l'impression d'être en facetime avec un filtre du Joker!

On a recommencé à rire, puis Maryse s'est arrêtée en pointant Johanne.

- Qu'est-ce qu'y a !? s'est inquiété Johanne.

Je pense que toutes les tensions de la journée sont retombées quand on a vu, d'abord la face de Maryse, puis maintenant celle de Johanne avec ses lunettes, qui étaient en fait celles de Guy, grosses, rondes et avec le verre droit de brisé.

- Ça tombe bien. J'ai encore mon verre de contact de ce côté-là. A dit Johanne avant de rire avec nous.

Tout allait bien, on reprenait tous le moral quand Maryse est allée à sa chambre pour en ressortir aussitôt, l'air effrayée.

- Hey les filles ... On dirait qu'y a quelqu'un qui s'est couché dans mon lit !

On a figé, observant la pièce, puis Johanne a ajouté : « Hey ... on dirait qu'y a quelqu'un qui a fait tomber la chaise. »

Mais quand Maryse a dit que quelqu'un était venu manger dans nos affaires, je me suis dit qu'on était dans une mauvaise version de l'ours et les trois Boucles d'or. Quelqu'un était entré pendant notre absence. Est-ce que cette personne était toujours là ? Est-ce que quelqu'un nous observait ? L'île est grande, serait-il possible qu'il y ait une autre cabane quelque part ? Peut-être nos hommes étaient restés pour assister au spectacle, espérant nous voir pleurer sous nos couvertures... Le claquement de la porte m'a soudainement sorti de mes pensées. Les filles se sont mises à hurler. Maryse a pris une chaise qu'elle a placé devant elle pour se protéger, tandis que Johanne, c'est la table qui lui a servi de bouclier. J'ai saisi un balai et me suis dirigé lentement vers la porte. J'étais prête à y aller, sortir et frapper de toutes mes forces. Je n'allais certainement pas mourir ici. Si quelqu'un devait mourir ce soir, ce ne serait pas moi. J'allais frapper aveuglement, peu importe qui, il regretterait d'avoir croisé mon chemin ce soir-là. J'étais même prête à courir le risque de frapper Mario, s'il avait voulu me faire peur, il l'avait mérité. J'ai pris une profonde respiration et je suis sorti. J'ai foncé droit sur lui en hurlant, le balai en l'air, puis j'ai frappé. Il a ralenti sa course alors j'ai frappé à nouveau. Chaque coup était pour moi une libération. Je frappais avec toute ma rage. Je revoyais le visage du gros colon qui nous croyait impuissante, celui de Mario jouant à superman, bombant le torse chaque fois qu'une demoiselle semblait en détresse. Je revoyais la journée, l'orage, les filles qui chiâlaient. Quand le tonnerre s'est fait entendre, j'ai réalisé que c'était terminé, je l'avais tué. Je suis retourné à l'intérieur, les filles étaient sous la table. Je me vois encore dans l'embrasure de la porte, les éclairs derrière moi éclairant ma silhouette, je devais avoir l'air de Jason Voorhees , mais au lieu d'une machette, j'avais un balai et dans l'autre main, ma victime, un raton laveur. J'ai lancé ma prise sur la table et fièrement, j'ai dit :

- Les gars reviennent bientôt, on pourra leur dire qu'on est allées à la chasse !!!!

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 18, 2021 ⏰

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