Honolulu (YEON JUN)

Chapitre 10

22.08.21

Je soupire pour la énième fois en attendant que l'eau boue. Il est presque deux heures du matin et je n'arrive pas à dormir. Après l'incident du Samba, le trajet s'est fait dans un silence religieux et chacun est retourné dans sa chambre sans demander son reste. Sa Ra a tenté de me parler mais je lui ai gentiment fait comprendre que je préférerai attendre le lendemain pour discuter de ce qu'il s'est passé, et elle a accepté. Si elle s'est vite endormie, ce n'est pas mon cas et après une heure à me tourner dans tous les sens, j'ai préféré me lever.

Le sifflement de la bouilloire me fait sursauter et je l'attrape pour remplir ma tasse.

- Noona ?

Je me fige en entendant la voix de Yeon Jun dans mon dos. Il est bien la dernière personne que j'ai envie de voir à cet instant. Comme il ne bouge pas, je finis par me retourner et remarque qu'il est adossé au chambranle de la porte, habillé d'un tee-shirt large et d'un short de basket.

- Tu ne crois pas qu'on devrait parler ? me demande-t-il doucement en s'approchant de moi.

- Je...

- S'il te plait ?

- ... d'accord...

Je le suis au salon et nous nous asseyons sur le canapé. Je sens son regard sur moi alors que je fixe un point invisible au-dessus de la télévision. Il soupire et passe sa main dans ses cheveux décoiffés.

- Je n'ai rien dit à Huening, lâche-t-il au bout d'un moment, me faisant tourner la tête vers lui. Ni à propos de ce qu'il s'est passé au Samba, ni à propos de Tomas. Tu n'es pas obligée de me croire, mais je te dis la vérité.

Je sonde son regard. J'ai envie de le croire mais personne à part lui n'aurait pu raconter cette histoire à mon frère. Pourtant, je ne lis que de la sincérité dans ses yeux.

- Mais alors, qui aurait pu lui dire ? Mes grands-parents sont morts, Antonio n'a pas parlé à Kai depuis au moins quatre ans et Mandela est sur un autre continent.

- Je ne sais pas. Peut-être est-il au courant depuis plus longtemps que tu ne le penses.

- Impossible...

Malgré tout, une partie de moi sait que cette hypothèse existe.

- Comment je vais faire pour le regarder en face maintenant ?

- Ce n'était pas de ta faute...

- Si Yeon Jun-ah, j'aurais dû mettre de la distance entre nous tant qu'il en était encore temps...

Son regard s'accroche au mien et je m'y perds un instant.

- Comme pour nous ?

Je mets quelques secondes avant de réaliser ce qu'il vient de dire. Je détourne alors le regard et bois une gorgée de mon thé.

- Ça n'a rien à voir, je réponds doucement en soufflant sur ma tasse. Tu m'as promis que tu ne me verrais jamais autrement que comme une amie.

- Et toi ? Tu es capable de me voir seulement comme ça ?

- Ça va la confiance ? Tu es l'un des meilleurs amis de mon frère, tu as trois ans de moins que moi et tu habites de l'autre côté de la planète, comment veux-tu que je te voie ?

Nous rions doucement et le silence retombe. Je laisse ma tête se poser sur son épaule et il passe son bras autour des miennes.

- Merci, pour tout à l'heure, je murmure encore mal à l'aise avec ce qu'il s'est passé.

- Je t'ai dit que je te protègerai. Et à partir de maintenant, je veux que tu nous écoute Huening et moi quand on te dit que tu ne dois pas fréquenter Antonio. Ce type est un bouffon, à cause de lui, tu as failli finir violée dans les toilettes de ce bar miteux.