CHAPITRE UN

39 7 8
                                    

Je ne suis pas la plus belle. Je ne suis pas la plus intelligente. Je ne suis pas la plus riche. Je suis moi. Je suis Charlaine. Charlie, pour les intimes. J'ai trente-deux ans. Je suis caissière. Je vis dans un appartement miteux de Denver. Des projets, j'en ai, comme tout le monde. Malheureusement, je n'ai pas encore réussi à les concrétiser. Un jour, ça viendra, je le sais. 

J'efface la biographie que je viens de rédiger sur le tas. C'est à chier. Pourquoi je fais ça déjà ? 

— Parce que j'ai trente-deux ans et que j'ai encore rien fait de ma putain de vie. Bordel...

Quand mon téléphone sonne et que je vois le prénom de ma meilleure-amie apparaître sur l'écran, je m'empresse de décrocher et d'activer le haut-parleur.

— Quoi de neuf, Joan ? 

— J'ai deux heures de libre, ce midi, on déjeune ensemble ?

— Avec grand plaisir !

— Rendez-vous chez Gino à une heure.

— Ça va, dis-je en raccrochant.

Généralement, nous profitons de nos jours de repos pour sortir déjeuner ou dîner à l'extérieur. Disons que ça casse la routine.

J'abandonne l'idée de trouver l'amour sur un site de rencontre. À peine inscrite, que j'appuie déjà sur le bouton "SUPPRIMER LE PROFIL". De toute façon, si je décroche une date, je ne m'y rendrais pas. Je suis trop froussarde. 

— Je sais, Romie, maman va certainement finir vieille fille...

Romie, c'est ma chatte. Un amour aux longs poils d'un blanc immaculé. Je l'ai adoptée dans un refuge quand elle était à peine sevrée. 

Connectée sur internet, je fais le tour de mes réseaux sociaux, je réponds à mes messages, je fouine un peu, je consulte mes mails et j'ouvre mon logiciel d'écriture. Je rêve de devenir écrivain. J'ai la fibre pour, je le sais. Je manque juste cruellement de temps et de volonté pour y arriver. J'ai commencé à écrire mon histoire quand le premier confinement a été instauré. Ça date. Je n'en suis même pas à la moitié de mon premier jet. D'après ce que je sais sur le sujet, la réécriture d'un roman prend trois fois plus de temps.  Peut-être que dans dix ans, je vais parvenir à quelque chose... J'ai le syndrome de la page blanche. Mes doigts posés sur le clavier, je n'arrive pas à écrire ne serait-ce qu'un traître mot. 

— Fais chier...

J'abandonne, comme toujours. Joan serait là, elle me collerait un taquet derrière les oreilles. Elle connaît mes rêves et elle sait que je suis capable de les accomplir. Elle me transmet de la bienveillance au travers de ses discours moralisateurs. J'approuve et je lui promet monts et merveilles à chaque fois, mais une fois seule, je n'arrive à rien. Je l'entends déjà me sermonner avec son légendaire : "Si tu veux finir caissière toute ta vie, que grand bien te fasse." S'en suit ma réponse type : "Advienne que pourra.".

— T'es en retard, j'en suis à mon deuxième Chardonnay, Charlie...

Je me penche pour embrasser sa tempe et je m'assois en face d'elle. Un serveur déboule dans la seconde pour prendre ma commande.

— Un Mimosa, s'il vous plaît, commandé-je poliment. Je suis désolée, Joan, j'ai été prise d'un élan d'inspiration.

— Comment ça ? demande-t-elle en arquant un sourcil.

— J'ai eu mon légendaire syndrome de la page blanche. J'ai repensé à tout ce que t'as pu me dire auparavant et j'ai décidé de me mettre un coup de pied au cul. J'ai écris deux chapitres ! 

Je suis assez fière de cette prouesse, quand je sais que ce n'était pas gagné d'avance. 

— Bravo ! Je te l'avais dit ! Parfois, il suffit de forcer un peu le truc pour obtenir des résultats !

A WEDDING IN WHITEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant