A WEDDING IN WHITE

CHAPITRE DEUX

Debout derrière ma caisse, je scanne des articles depuis des heures. J'ai eu une seule et unique pause et je n'ai pas pu en profiter parce que j'ai reçu un appel de ma banque. Mon compte en banque est de plus en plus maigre et ça inquiète ma banquière, malgré la rentrée prochaine de mon salaire. Pour ne pas mentir, ce qui l'inquiète encore plus, c'est l'achat compulsif que j'ai fait chez Chanel. Je me suis offert le sac à main de mes rêves pour la modique somme de sept mille trois cent sept dollars et six cents. Autant dire, des années d'économies...

— Bonne journée et merci d'avoir fait vos achats chez Walmart, salué-je, comme un automate.

— Tiens, tiens, le monde est petit.

Je lève les yeux vers cette voix masculine à la tonalité grave et sensuelle que je ne connais pas.

— Bon... bonjour, murmuré-je d'une voix inaudible.

Je n'ai pas seulement chaud. Je vais prendre feu. Je me retrouve nez à nez avec l'homme qui m'a offert un verre chez Gino, l'autre jour. Je scanne ces quelques articles. Il a un sourire plaqué sur les lèvres. Je découvre des dents blanches et parfaitement alignées. Ses yeux sont d'un bleu couleur océan. Ce sont deux détails que je n'avais pas forcément pu observer, avec la distance, la première fois.

— T'as quelque chose de prévu après ton service, ma belle ?

Il me drague ouvertement, j'ai l'impression. Si l'autre fois, il est parti sans réclamer son dû, il n'a pas l'air de vouloir en faire de même aujourd'hui. Et moi, j'ai tellement peur, que j'ai les mains moites et le palpitant.

— Douze dollars et dix cents, s'il vous plaît...

Il arque un sourcil. Je n'ose même pas le regarder dans les yeux. À l'occasion, c'est un psychopathe et il me suit. Deux fois en peu de temps, ça fait beaucoup quand même. Il me tends un billet de vingt dollars et il m'effleure les doigts quand je le récupère pour l'encaisser.

— Garde la monnaie, Charlaine, dit-il en insistant sur mon prénom.

Il me tutoie, il m'appelle par mon prénom. Nous avons élevé les porcs ensembles, lui et moi ? Et d'ailleurs, comment connaît-il mon prénom ? Mes doigts viennent instinctivement palper mon badge. Ceci explique cela. Je transpire. Je sens quelques gouttes de sueur naître sur mon front. Je ne récite pas mon discours habituel. Il m'a ôté les mots de la bouche pour de bon, en sa présence. Cela dit, mes yeux suivent la silhouette de ce grand blond charismatique.

— S'il vous plaît, madame... râle mon client suivant.

— Excusez-moi, répond-je en sortant de ma torpeur. Bienvenue chez Walmart.

Réunion de crise, Joannie !

Ces quelques mots envoyés depuis mon iPhone vont faire l'effet d'une bombe auprès de ma meilleure amie. Nous avons un code. SOS quand il y a une urgence grave que ce soit pour nous, pour son mari ou pour les enfants et réunion de crise pour le reste.

Je finis mon service à 8:00, je te rejoins chez toi.

Je ne peux pas rester là à me tourner les pouces, installée sur mon canapé, sous mon gros plaid préféré. Je dois réfléchir et faire quelque chose en attendant l'arrivée de Joan. Je peux débouchonner une bouteille de vin et me lamenter sur mon sort en chialant toutes les larmes de mon corps parce que je suis une pauvre fille ou me servir un verre de vin et réfléchir à mon avenir.

— Allez, Charlie, bouge-toi le cul !

Je me lève et j'ouvre une bouteille de vin rouge. Un cadeau du mari de Joan qui est caviste, pour l'un de mes anniversaires. C'est le genre de cru que je réserve pour une occasion exceptionnelle. Je vais commencer à le déguster devant mon oeuvre d'art. Assise au sol, au niveau de la table basse, sur le tapis à poils longs, j'attrape une fiche cartonnée blanche, des feutres fins et je créé une To Do List. Pour qu'elle attire mon regard, sur mon frigidaire, où elle aura sa place, je me dois de la rendre attractive visuellement. J'utilise des tons que j'aime : des couleurs automnales. Je dessine des feuilles, une citrouille, une tarte... Quand je suis satisfaite du résultat visuel, j'attrape mon stylo plume et je commence à noter mes objectifs.