Courir

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Courir.

Je n'aime pas courir.

Je ne suis pas fort·e.

Je ne le suis plus.

J'ai déjà couru, vite. Accédé à une des marches, parfois.

J'ai arrêté. Je ne sais plus courir.

Je n'aime pas le sport.

Je suis nul·le.

On ne peut pas être un·e génie en tout, quoi que j'en dise.

Pourtant...

J'en ai besoin.

Démarrer le chrono et partir.

Me concentrer sur le temps, les secondes qui défilent.

Puis sur mes muscles.

Sur mes jambes qui avancent inlassablement.

Sur mes bras qui me donnent de la vitesse.

Sur la douleur qui me fait grimacer mais qui est salvatrice.

Sur l'air frais qui glisse sur ma peau.

Sur le vent dans mes cheveux.

Sur les battements de mon cœur, frénétiques.

Sur mon souffle régulier et profond.

Sur le sang qui circule dans mes veines.

Sur ma poitrine qui se gonfle et s'abaisse.

Sur les ondes de choc qui se répercutent dans tout mon être à chaque foulée.

Et c'est là, à ce moment précis, quand je n'en peux plus, quand j'ai mal, quand je veux m'arrêter, quand mes jambes ne me portent plus, quand les chocs deviennent trop forts et ma respiration trop rapide, que je m'envole.

Je m'envole, très haut dans le ciel, très loin dans l'espace. Mon corps continue de courir et de souffrir mais moi, je suis libre.

Libre parce que je ne pense plus à lui, qui m'énerve.

Libre parce que je ne pense plus à ellui, qui va mal et pour qui je ne peux rien faire.

Libre parce que je ne pense plus à elle, qui est si belle et gentille que j'en est mal aux yeux et au cœur.

Libre parce que je ne pense plus à mes problèmes, à mes devoirs, à mes notes, au mégenrage.

Libre parce que je ne pense plus à ma mère, au deadname, au études.

Libre parce que je cours et je m'envole, je fuis aussi loin que possible, aussi haut que je le peux.

Je suis aussi léger·ère qu'un nuage, qu'une plume, qu'une bulle de savon.

Libre comme l'air.

Parce que je peux danser tout en étant enchaîné·e, je peux voler sans ailes, je peux sourire en souffrant. Je le peux, car mon âme s'en va, loin, dans des contrées dont vous n'explorerez jamais la totalité, tout comme moi je n'explorerais pas la totalité des vôtres, qui sont belles et accueillantes, ou hostiles et sombres, à l'image de votre âme, de mon âme, de nos âmes.

Sûrement que je rencontrerais d'autres âmes, peut-être les vôtres, qui sait, peut-être m'arrêterais-je un instant, mais toujours pour repartir, plus haut, plus loin, plus longtemps, là où personne ne peut me dire quoi faire, quoi penser, qui être.

Je cours toujours, et mon âme s'envole, au moins pour un temps, le temps que je finisse le tour, le temps que l'épuisement parte, car tout me retombera dessus, violemment, tout reviendra en ma pensée, je reviendrais sur Terre, dans mon corps, dans cette vie.

Mais je peux m'envoler quand je veux, tant que je veux, aussi loin que je veux, car seul mon corps a des limites, mon imaginations ne connaît aucune frontière, aucune réglementation à part celles que je m'impose, mais je ne le fais que rarement, car pourquoi s'emprisonner alors qu'on peut être libre, à l'insu de tous·tes ?

Alors voilà, je cours à en perdre haleine et je m'envole là où personne ne pourra m'attraper, à moins que je l'y autorise, j'ai mal mais je suis plus léger·ère qu'un papillon, et c'est pour ça que, quoi j'en dise, j'aime un peu le sport : parce qu'il me délivre de mes chaînes et me libère comme un enfant laisse s'enfuir son ballon dans le ciel.

C'est pour tout ça que je cours dès 8h le matin sans trop rechigner, c'est pour ça que je me défoule, de quelque manière que se soit.

Pour être libre de moi même.

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645 mots


Écrit le Jeudi 7 Octobre 2021

Publié le Vendredi 12 Novembre 2021


À l'encre de mes veinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant