Chapitre 8

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Après les événements perturbateurs du début de la journée, la concentration n'est plus vraiment au rendez-vous. En revanche, la tension se fait bien sentir. Sur le piano trône encore un tas de feuilles et Jenifer propose à Amel de rejouer sa mélodie. En l'entendant, elle ne ressent plus la même vibration qu'avant. Elle ose glisser doucement à Amel d'y mettre un peu plus de cœur. "Au moins pour moi" argumente-t-elle. Sur ces dires, Amel reprend ses quelques accords avec plus d'engouement. Elle-même se laisse emporter par les notes qu'elle joue. Alors que Jen s'exprime sur le papier, les deux jeunes femmes lèvent au même moment leurs regards passionnés.

« Je t'inspire ? quémande à son tour la pianiste, ayant totalement oublié ce sur quoi elles se sont mises d'accord.

— T'imagines même pas ! Ça te dit d'aller s'installer dans le canapé plutôt ?

— Je te suis. »

Jenifer tend la main à Amel et la guide dans le salon. Amel reprend sa mélodie en frappant doucement la mesure sur sa cuisse. Elle commence à souffler un air par dessus. Jenifer tient du bout des doigts la feuille de papier sur laquelle avait griffonné un début de paroles. À son tour, elle fredonne quelques mots. Puis elle se met à chanter doucement les lignes qu'elle vient de créer. Amel abandonne le petit air qu'elle chantonnait pour reprendre les mots de Jen en écho. Elles finissent ensemble leur chanson. Leur nouveau titre va devenir une réalité.

Plutôt satisfaites de leur première session de travail, les deux jeunes femmes décident de faire une pause le temps de midi.

L'ambiance est électrique entre les deux. Visiblement le "on oublie" et le "c'était pas voulus" ne sont déjà plus d'actualité. Jenifer et Amel continuent sur la même lancée. Les mêmes petites piques, les mêmes petits messages subliminaux.

De toute évidence, elles partent du principe que ce que personne ne voit n'existe pas...

Dans la cuisine, la cohabitation des deux chanteuses est encore plus fluide que la dernière fois où Amel à préparé à manger chez Jen. Les deux se complètent parfaitement, sans avoir à échanger le moindre mot. Elles slaloment l'une autour de l'autre pour dresser la table. Leurs déplacements semblent encore plus coordonnés qu'une chorégraphie de danse. Et bien évidemment, elles ne manquent pas une occasion de laisser traîner leurs mains respectives sur les épaules de l'autre. Des mains qui approchent chaque fois un peu plus du milieu du dos, puis de la base du cou, puis de l'arrière de la nuque.

Le tout presque dans un silence complet. Elles ne parlent que pour échanger des informations importantes, pour le reste, ça passe par le regard.

Fort heureusement, elles arrivent à reprendre un rythme de conversation normal pendant le repas. Elles ne sont plus seulement obnubilées l'une par l'autre. La discussion tourne évidemment autour de leur futur duo. Si chacune a sa représentation du son final bien définie, elles parviennent tout de même à faire quelques compromis.

En fin d'après-midi, après plusieurs heures à alterner entre voix, piano et écriture, un premier jet prend forme. Conscientes qu'il reste du travail, elles se réjouissent déjà à l'idée de se retrouver à nouveau. Ce contexte, si intime et si personnel, les ravit. C'est comme si elles n'appartenaient plus qu'à l'une et à l'autre. Personne pour se glisser entre elles.

Amel, qui se considère chanceuse de pouvoir partager ces moments en tête à tête avec Jen, reste malgré elle sur la réserve. Cette vague de sentiments qui la submerge ces derniers jours l'effraie et elle a peur de se noyer. Elle a déjà construit quelque chose avec quelqu'un d'autre. Développer des sentiments pour une autre personne lui retourne la tête. Et si tout ça n'était qu'une illusion, simplement son esprit qui se joue d'elle ? Rien ne lui garantit que ce qu'elle ressent est durable. Ou même que ce soit partagé.

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