Mon crâne est lourd, ma bouche pâteuse, mon corps douloureux. J'ai passé la nuit entre conscience et inconscience. Dès que je pensais plonger dans le sommeil, quelqu'un venait me réveiller, me posait des questions et repartait, m'abandonnant dans le brouillard.
Ma langue se faufile entre mes lèvres sèches. Il me faut de l'eau. Avec lenteur, je tourne la tête sur le côté et c'est là que je la vois. Manue. Elle est assise sur un fauteuil à l'apparence inconfortable et semble dormir à poings fermés. Ses longs cheveux bruns à peine coiffés tombent en cascade sur ses épaules, sa bouche, légèrement entrouverte, laisse échapper un doux ronflement et sa main droite, posée sur son ventre arrondi, se soulève au rythme de sa respiration.
Malgré la situation catastrophique dans laquelle je me trouve, cette vision me tire un sourire. Manue est la beauté et la gentillesse incarnées. Avec un fichu caractère bien trempé que j'ai expérimenté de nombreuses fois. Solal aussi, d'ailleurs.
Solal. Où est-il ? Est-il encore en vie ? Si seulement quelqu'un pouvait me dire ce qui nous est arrivé et où est mon compagnon !
— Manue ?
Ma voix est rauque, cassée, enrouée par les vomissements et le besoin d'eau. Pourtant, cela suffit pour que mon amie se réveille. En sursaut.
— Hey, souffle-t-elle en se levant. Tu es enfin là ?
— J'ai soif.
Manue regarde autour d'elle puis repose ses yeux sur moi.
— Je vais demander ce qu'il faut. Je reviens vite.
Elle embrasse mon front, s'y attardant quelques secondes de plus que nécessaire, et quitte la chambre. Mes paupières se ferment de nouveau. Je n'ai jamais ressenti une fatigue aussi intense, même quand je passais des nuits entières avec Solal, à parler et faire l'amour, avant de me lever pour aller bosser. Un poids s'invite sur mes épaules, mon torse, mon ventre. Des larmes perlent au coin de mes yeux et coulent sur mes tempes pour venir ensuite s'écraser sur les draps. Je tente de me concentrer sur les bruits qui me proviennent du couloir, pour ne pas penser aux mains ou aux lèvres de mon homme, que je ne sentirai sans doute plus sur ma peau.
— Voilà de l'eau. Oh, Tris !
Manue s'assied sur le bord du lit, juste à côté de moi. Sa paume passe de mon front à mes cheveux dans un geste maternel. Lorsque j'ouvre enfin les yeux, elle me présente une petite bouteille, de laquelle s'échappe une paille. Je me redresse un peu afin d'ingurgiter plusieurs gorgées, puis repose la tête sur mon oreiller, les iris fixés sur mon amie.
— Où est Solal ? demandé-je, la voix tremblante.
Manue prend une longue inspiration. Un instant qui me paraît une heure de torture.
— Il est en chirurgie, répond-elle d'un ton doux. Augustin est allé prendre de ses nouvelles.
— Il est vivant ?
— Oui, il est en vie. Vous allez vous remettre tous les deux.
Mes prunelles glissent sur son ventre. Soudain, je m'en veux. Elle devrait être chez elle, en train de se reposer plutôt que traîner dans un hôpital où elle pourrait choper des maladies.
— Comment tu as su que j'étais là ?
Ses sourcils se froncent.
— Tu m'as appelée dans la nuit.
Devant ma mine surprise, elle continue ses explications :
— Je n'ai eu ton message que ce matin. On est venus tout de suite.
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Se souvenir de l'essentiel
RomanceLa vie tient à peu de choses : Tristan et Solal viennent d'en faire la douloureuse expérience. Lorsque Tristan se réveille, seul, à l'hôpital, après un accident de voiture, il sait d'emblée que leur existence a basculé et que rien ne sera plus jamai...