Le pari

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Marie-Moche se pressait dans les allées du grand centre commercial, « la forêt de Sherwood », les bras remplis de paquets. Il était déjà tard et elle travaillait le lendemain, elle était donc plutôt pressée de rentrer. Dans son empressement, elle ne fit pas attention à l’homme qui sortait en trombe du magasin de mode masculine et le percuta de plein fouet.

-Aouch ! Ça fait mal ! Vous ne pouvez pas regarder où vous allez ? s’exclama-t-il.
-Oh, toutes mes excuses monsieur, c’est entièrement ma faute, répondit-elle en baissant les yeux.

Sa réaction calma un peu la colère de son interlocuteur. Il commença à se relever et à partir mais, voyant que Marie peinait à ramasser toutes ses affaires, décida de l’aider. Il attrapa un sac à moitié vide et y remis ce qui s’en était échappé (des pâtes, du jambon, des carottes…). Il le tendit à Marie.

-Tenez. Ça ira plus vite.
-Oh ! Merci monsieur !

Marie saisi le sac. Ce faisant, elle frôla la main de l’autre et là…

Le monde s’illumina de milles feux. La terre s’arrêta de tourner et tous les oiseaux de la planète se mirent à chanter en même temps. D’un seul coup, la forêt de Sherwood se retrouva vidée de sa foule habituelle, de ses vendeurs encombrants, de ses paquets abandonnés et de ses clochards poivrots venant cuver à l’abris. L’univers tout entier n’était composé que de Marie-Moche et de…

-Quel est votre nom ? souffla-t-elle.
-Fer-dit-nan, lui répondit-il sur le même ton.
Ils se fixèrent droit dans les yeux pendant encore plusieurs minutes avant que Fer-dit-nan reprenne la parole.

-... Et vous ?
-Oh, bien sûr, je suis désolée…
-Ne le soyez pas.
-Mon nom est Marie-Moche.
Il y eu un instant de flottement.
-Marie… Moche ?
-Ou-oui, bégaya Marie en rougissant.

Elle n’avait jamais été fière de son nom mais là, c’était le pompon !

-Ça n’aurait pas pu vous aller moins, la rassura Fer-dit-nan. Puis-je vous inviter à diner ?
-Avec plaisir ! s’exclama Marie, oubliant soudain son travail et son manque de temps.

Fer-dit-nan sourit et lui présenta sa main. Elle la prit en rougissant. Ils se dirigèrent vers le restaurant en discutant de tout et de rien. Marie apprit que Fer-dit-nan était un avocat débutant qui vivait seul avec son chat et son lapin. Elle fut également ravie de constater qu’il partageait son amour pour les films alien et la musique. C’était un homme raffiné et intelligent. Plus elle en apprenait sur lui, plus elle tombait sous son charme.

Depuis un certain temps déjà, ils marchaient à côté d’un couple âgé et de ce que Marie supposait être leur petite fille. Ils étaient assez pénibles, la vielle stoppant tout le monde tous les dix mètres pour dire :

-Oh, regarde ça, c’est joli ! Oh, regarde il y a des réductions sur les robes ! Oh, et si tu essayais ça ma grande. Ça t’irait bien, non ?

La jeune fille ne semblait pas vraiment intéressée, quant au grand père il était sur le point d’exploser.  La dame s’arrêta encore devant un magasin de chaussure en s’écriant :

-Oh, les belles chaussures ! Tu veux les essayer ? En plus ils font des réductions, tu ne penses pas…
-Oh regarde ! l’interrompit alors le viel homme en imitant sa femme. Ils font des réductions sur les matelas ! Ils ont l’air vraiment confortables, allez venez les filles, on va essayer les matelas !

La vielle le fusilla du regard, mais au moins le stratagème fonctionna et elle ne perturba plus le mouvement. La petite gloussa et suivit ses grands parents dans leur marche. Ils disparurent tous les trois en direction du cinéma.

-J’aspire à ce genre de stabilité à leur âge, déclara alors fer-dit-nan. Quatre-vingts ans et toutes mes dents ! C’est le niveau de durabilité que j’aspire à atteindre.

Marie gloussa à sa remarque. Ils s’échangèrent un regard tendre. Ils arrivèrent finalement au restaurant et s’assirent à une table pour deux. Un serveur à l’hygiène buccodentaire douteuse vint prendre leur commande. Ils choisirent une raclette à partager car quoi de plus sexy que du bon gros fromage fondu pour un premier rendez-vous ?
En attendant leur plat, ils se remirent à discuter.

-Et vous, reprit Fer-dit-nan, que faites-vous dans la vie ?
-Je suis éditrice.
-Vraiment ? Vous devez en connaitre un rayon en lecture alors. Est-ce un métier agréable ?
-Plutôt, oui. Tenez, récemment j’ai reçu un bouquin sur l’affaire de Jack l’éventreur, c’était…
-HAUT LES MAINS, CECI EST UN HOLD UP !!!
-Quoi ?

Marie se retourna vers l’entrée du magasin où trois hommes armés venaient d’apparaitre. Ils étaient grands et portaient tous des masques vénitiens, chacun d’une couleur différente.

-LES MAINS EN L’AIR. TOUS ! ET METTEZ VOUS EN CERCLE !

Marie regarda Fer-dit-nan, interloquée. Il lui fit signe qu’il ne comprenait pas non plus. Comme personne ne bougeait, l’agresseur au masque vert hurla :

-MAINTENANT !!!

Tous les clients se levèrent et allèrent se placer en cercle au centre de la pièce, les mains en l’air. Vert sourit, satisfait. Il aboya au masque bleu d’aller chercher les cuisiniers et de les mettre avec les autres. Bleu s’exécuta :
Il disparu dans la cuisine avant de revenir quelques secondes plus tard en poussant deux femmes en tablier. L’une criait hystérique :

-À L’AIDE ! AU SECOURS ! C’EST UNE VRAIE PRISE D’OTAGES !
-Une prise d’otages ? s’exclama un petit garçon dans la foule. Oh, trop bien ! Des vrais prise-d’otageurs !
-prise-d’otageurs !?
-C’est lui qu’a dit !
-Qui ?
-Lancelot !
-Menteur, sycophante !
-KAMOULOX !
-SILEEEEEENNNNCCCCEEEEE !!! éclata Vert. SILENCE OU JE VOUS TUE TOUS !!!
Plus personne ne parla.
-Bien, recommença Vert, plus calme. Maintenant que vous avez compris vous allez pouvoir…
-POLICE ! LÂCHEZ VOS ARMES ET HAUT LES MAINS !

Vert sursauta en entendant ses mots. Il lâcha son pistolet et fit volte-face pour apercevoir une véritable horde de policier prendre d’assaut la petite brasserie. Il n’eu pas d’autre choix que de se rendre, la tête basse. Une fois les preneurs d’otages derrière les barreaux, la sérénité revint dans le restaurant. Ou plutôt, la confusion. Car une seule pensée dominait les esprits.

Mais qu’est-ce qu’il vient de se passer !?

Un agent expliqua qu’il s’agissait du gang des Plumés. Des braqueurs multirécidivistes qui s’en prenaient aux petits commerces dans le but de se faire de l’argent facile. Ils menaçaient leurs victimes mais tiraient rarement.

-Flippant, marmonna Marie.
-N’est-ce-pas ! Bon. Après tout ça, je t’avoue que j’ai moyennement envie de manger au restaurant. Je pense que je vais rentrer. A plus tard ? demanda Fer-dit-nan, l’air plein d’espoir.
-En fait, répondit Marie, j’ai quelques soucis avec ma chaudière. Il fait atrocement froid chez moi en ce moment…

Elle fixa Fer-dit-nan d’un regard suggestif. Il mit son temps à comprendre.

-Ah ! Si ce n’est que ça, je peux peut-être… Vous réchauffer ?
-Avec plaisir.

Ils quittèrent la forêt de Sherwood main dans la main. Marie conduit Fer-dit-nan jusqu’à son auto et ils décollèrent en direction de son appartement. Le trajet aurait dû être rapide mais le ciel se prouva réellement contre eux. Leur pneu creva et ils tombèrent en panne. Sur une distance de six kilomètres. Ils furent heureusement sauvés par la paranoïa de Marie qui la poussait à toujours avoirs sur elle une roue de secours et un bidon d’essence.

Ils finirent miraculeusement par arriver chez Marie, où le radiateur marchait très bien, et passèrent la nuit à se « réchauffer ».

Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 15, 2021 ⏰

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