« Certains préfèrent vivre et voir l'Algérie mourir, alors que d'autres préfèrent mourir et voir l'Algérie vivre. »
Mokhtar ReguiegLe soleil venait à peine de se coucher, assise au côté de ma grand mère, je préparais le repas du soir. Elle m'a tout appris de ce côté là, en même temps je ne pouvais pas compter sur les hommes de ma famille.
En y réfléchissant je n'ai jamais vu mon père cuisiner. Souvent assis dans un coin de la pièce à prier ou dehors à marcher, on ne l'entendais à peine.
« J'ai besoin de quelques pommes de terre ma fille, elles sont dehors devant la porte » m'indiqua Fatiha.
Je pris la route afin de le lui ramener quand je surpris une conversation entre Yûness et Ziad.
« Ils ont besoin de nous là-bas Ziad. »
« Je laisserais pas Akila toute seule ici, tu sais très bien que la guerre évoluera et un jour ce sera à nous de défendre ce village. »
« Alors qu'est-ce que tu vas faire ? Rester ici, fermer les yeux pendant que les français extermine ton peuple. »
« Je refuse de prendre le risque d'y laisser ma vie. Baba ne pourra jamais les protéger tout seul. » dit-il avant de prendre la route vers la maison.
Cacher dans un coin, je retenais ma respiration, sans aucun bruit le temps que Ziad ne rentre.
Je faisais le lien avec la conversation que j'avais entendu quelques jours auparavant. Il m'était inconcevable d'imaginer mes frères combattre contre l'armée française.
Je repris la route et tomba nez à nez avec Yûness qui sans un mot pris le sens inverse et sorti de la maison.
[...]« Ou est ton frère ? » interrogea mon père à Ziad.
Sans réponse de sa part il reprit aussi tôt.
« Ta grand mère et ta soeur passe des heures en cuisine, qu'il prenne le repas à l'heure ou qu'il ne s'étonne pas d'avoir que des cailloux à croquer. »
« Je vais aller le chercher baba » répondît Ziad.
Il se frit un chemin entre nous, prit son manteau et quitta la maison. Mon père quand à lui se leva et changea de pièce afin de prier.
Quant à moi sans réflexion aucune je courrais attrapant mes chaussures dans une main et mon voile dans l'autre.
« Ou vas-tu ma fille? » demanda inquiète ma grand mère.
« Je vais simplement voir Mariam la voisine, elle m'a demandé de passer la voir ce matin. » mentais-je dans l'espoir de me libérer rapidement et de rattraper Ziad sans qu'il ne s'éloigne de trop.
Elle soupira et me demande de ne pas tarder.
[...]Je tentais de suivre la trace de mon frère aîné, lui même à la recherche de Yûness. La nuit était déjà tombé, et je craignais que ma grand mère ou bien que mon père ne s'aperçoivent de mon mensonge.
Je n'avais pas pour habitude de sortir la nuit tombée et ici les femmes ne sortent jamais ou presque sans mahram.
Je voyais au loin se dessiner l'ombre de mon frère, discrète et silencieuse je le suivais.
A son allure et son rythme de marche il semblait savoir où aller, pourtant plus on marchait plus on s'éloignant du village et on s'enfonçait dans le cœur des montagnes.
Quelques minutes plus tard, je vis une maison peu éclairé. Mon frère s'y aventura, quant à moi je restais quelques temps à l'écart afin de m'assurer que personne ne me verrait arriver.
Doucement je me frayais un passage entre les bouts de bois et les feuilles qui pourraient annoncer mon arrivée.
Accroupi sous l'une des fenêtres je compris aux différentes voix que j'entendais que plusieurs hommes se trouvaient à l'intérieur.
« Oh Ziad, tu t'es perdu ? » demanda un des hommes une fois que mon frère s'aventura dans la pièce.
« Tu m'épargneras tes interventions Kamal, je suis venu chercher mon frère.» reprit mon frère.
Plusieurs des hommes se mirent à rire.
« Qu'est-ce que tu fais là ? » je reconnaissais la voix de mon frère Yûness.
« Yûness nous a fait part de ton refus à te joindre à nous. Sais-tu ce qu'ils font de nos femmes là-bas ? Comment ils traitent nos frères dans notre propre pays ? » demanda Kamal.
Il marqua une pause et continua.
« Dis lui Najib, il n'écoute pas son frère peut être que toi il te croira, tu reviens de là-bas, tu as vu ce qu'il se passait ! »
« Ça suffit Kamal. »
Cette voix m'était familière, mais à peine le temps de m'interroger j'entendais des pas s'avancer vers la porte. Je me relevais doucement et fit le tour de la maison afin de m'y cacher.
La porte se claqua.
Je restais recroquevillé derrière ses murs dans le noir me rendant compte que ma grand mère devait sûrement s'inquiéter de mon absence, pourtant je ne savais où aller pour rentrer.
En même temps je ne pouvais prendre le risque de rentrer après mes frères. Alors j'attendais quelques minutes espérant que l'homme qui était sortis ce soit suffisamment éloigné.
Sur la pointe des pieds je marchais vers le retour. Une fois assez loin j'accélère le pas essayant de me rappeler de la route exacte. Je n'étais jamais sorti du village avant.
Plus j'avançais plus je paniquais imaginant la réaction de mon père terriblement déçu.Je m'arrêtais quelques secondes afin de refaire le chemin allée dans ma tête quand j'entendis une voix au dessus de mon épaule.
« Tu es inconsciente ? »
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1962| Résistance Algérienne
Historical FictionDès mon plus jeune âge j'observais l'Algérie se diviser. Un territoire autrefois unis par l'amour de son peuple, se retrouvait de plus en plus détruit par la haine. Cette envie d'indépendance, de liberté a mené des hommes, des femmes ainsi que des e...