café parisien

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Au début du mois d'octobre, on avait plaisanté sur le fait de passer nos vacances à Paris, et le lendemain même, j'avais réservé les billets de trains. Je n'oublierai jamais le sourire qu'elle avait quand je les lui ai tendu. C'était comme s'il éclairait la pièce entière, comme s'il avait fait renaître en moi une sensation de confort partie depuis trop longtemps. Alors, le lendemain du début des vacances, nous avons passé la nuit à faire nos valises, sur le parquet qui craquait, à essayer des tenues et à se donner des avis sans doutes trop honnête.

"Tu es si belle" j'avais murmuré.

Et elle m'avait embrassée. Et nous avons oublié les valises.

On s'était réveillées au petit matin, les bras entrelacés et les cœurs emmêlés, puis quelques heures plus tard nous étions dans le train. Comme dans chaque trajet que nous avons pu faire depuis le lycée, nous avions chacune un écouteur. Mais la seule chose qui avait changé depuis cette époque, c'était peut-être notre playlist. Elle avait beaucoup évoluée avec le temps, changée et rechangée, mais surtout on l'avait écouté des milliards de fois.

Je trouve ça toujours fou de me dire que quelques années en arrière, nous étions placées presque pareil, pour rejoindre sa maison, et que maintenant nous sommes indépendantes, et nous avançons vers un séjour planifié sur un coup de tête. Le meilleur dans tout ça c'est de savoir que même après tout ce temps, mes sentiments n'ont fait que grandir. 100 fois j'ai pensé qu'elle allait me laisser, mais elle est toujours restée. Elle a toujours été là, à plonger ses yeux bruns dans les miens, à me sourire et à me coller son visage quand j'essaye de dormir.

Nous sommes arrivées sur Paris en début d'après-midi, et nous avons directement rejoins notre appartement loué pour la semaine. C'était un petit truc, deux pièces seulement, un peu serré mais chaleureux, qui donnait vu sur une rue de Paris qui n'avait rien de spécial, et pourtant, je m'étais sentie remplie d'une dose d'amour au moment même ou mon pied avait dépassé le paillasson à l'inscription "Hello!". Tellement pleine d'amour que j'avais même un peu apprécié ce tapis monstrueux. Nous avons posé nos sacs sur la table du salon, et sans même se concerter nous avons toutes les deux couru s'étaler sur le canapé-lit. Et les éclats de rire. Son rire n'a jamais changé, il est resté le même depuis le lycée, et même depuis ce moment. Et il me fait toujours le même effet à chaque fois. A vrai dire, tout ce qu'elle peut dire ou faire me fait toujours le même effet. Comme si mon bas-ventre allait exploser, comme si chacune de mes veines se remplissait d'un élixir qui me donnait l'impression que vivre à ses côtés, c'était la plus belle chose au monde. (et ça l'est)

Nous nous étions installées, puis la nuit avait commencé à tomber. Alors nous avons enfilé nos mitaines, enfoncé nos bonnets et nous étions sortis, en refermant l'appartement derrière nous. Nous avons marché pendant environ 30 min, avant d'arriver dans un petit parc, attirées par le bruit d'un ruisseau. Nous nous sommes assises sur un banc, et nous avons regardé les canards avancer dans l'eau. Puis, soudainement, sans prévenir, j'ai senti ses doigts froid se glisser entre les miens, et j'ai cru que mon cœur allait exploser. Mais je commence à avoir l'habitude, ça me fait ça depuis le tout début.

Quand nous nous sommes enfin remises à marcher, nous avons croisé sur notre chemin un petit monsieur qui vendait des fleurs pour se payer à manger. Nous lui avons parlé pendant quelques minutes, et après en avoir appris sur sa vie et son parcours, je lui ai acheté toutes ses fleurs. Pour deux raisons peut-être, déjà, car je voulais l'aider, et aussi parce que je voulais les donner à Maelys. Alors je lui avais tendu un bouquet qui représentait l'équivalent d'une quinzaine de camélias. Elle avait souri jusqu'au oreilles, et après avoir dit au revoir au vendeurs nous sommes rentrées à l'appartement. Là elle m'avait embrassée, directement sur le paillasson, pendant que je cherchais les clés. Nous sommes rentrées à l'intérieur, nous avons refermé la porte en s'embrassant toujours, puis elle avait enlevé mon manteau, l'avait lancé sur le canapé et nous avions fini par nous endormir quelques heures plus tard.

Le lendemain, j'étais partagée entre les regrets et la reconnaissance d'avoir oublié de fermer les volets la veille. Le regret parce que le soleil m'avait brûlé les yeux à la seconde même ou je les avait ouverts, mais la reconnaissance car après m'en être remise ils se sont fixés sur elle, qui me tournait le dos. J'avais embrassé tout doucement son dos nu, pour ne pas la réveiller, et je m'étais levée. J'avais enfilé un pantalon, un pull et mon manteau, puis j'avais filé de l'appartement. Je faisais souvent ça depuis que nous vivions ensemble, je me levais un matin en ayant envie de prendre l'air, de me balader toute seule avec mes pensées. Au début, j'avais du mal à la laisser, à arrêter de la regarder dormir, mais je m'étais habituée et j'avais même commencé a apprécier le sentiment de la trouver toujours endormie à mon retour.

J'étais rentrée seulement une demi-heure plus tard, deux cafés à emporter à la main, et deux croissants. Voilà une chose que j'adorais par dessus tout au monde (sauf elle), c'était me comporter comme un cliché ambulant. Mais j'y peut rien, j'adore ça. 

Je l'avais trouvée endormie, et j'étais venue m'accroupir de son côté du lit. J'avais chuchoté son prénom tout doucement, en replaçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Elle avait ouvert ses yeux, je m'étais plongée dedans, et elle avait souri. Encore. Parce que c'était pour ça que je me levais chaque matin, pour voir ses lèvres s'étirer et ses fossettes apparaître.

Plus tard, nous étions là; debout devant la fenêtre de l'appartement, en sous-vêtement et nos cafés à la main. Peut-être que c'est ce que j'avais le plus aimé dans ce voyage au final, le fait qu'ici personne ne regardait à votre fenêtre, qu'on se sentait puissante. Mais tout ça m'avait surtout donné envie de voyager partout avec elle. C'est elle, mon monde.




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