Chapitre 4: Une fin d'histoire sans début

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Je viens de sortir du studio, là où je travaille comme apprentie architecte pour une grande boite, dans le 5ème arrondissement. Je suis fatiguée, la semaine a été rude. Ce vendredi est pour une fois calme. Alice et Jules sont partis en week-end chez les parents de ce dernier, tandis que Rachelle a un rendez-vous galant avec le fameux Corentin. Tommy est en déplacement à Londres et en ce qui concerne Enzo, je nai pas spécialement envie de me retrouver seule avec lui. Pas une autre soirée comme celle de la taverne.

Je suis devant mon ordinateur, en train détudier des coupes daménagement urbain. Ma boite travaille avec des urbanistes afin de créer de nouveaux quartiers verts, sur le modèle des villes scandinaves. Alors que mes yeux sont fatigués devant lécran, je regarde des idées denterrement de vie de jeune fille. Je connais très bien Alice et je pense avoir trouver de bonnes idées. Il faut maintenant trouver le financement. Je pense mélanger plusieurs choses parmi les idées proposées sur le site: aller au spa entre filles. Je pourrais dailleurs inviter Lise, la mère dAlice. Puis faire une virée shopping à thème: trouver la robe la plus sexy pour un enterrement de vie de jeune fille. Je pourrais réserver une salle de karaoké et pour loccasion, y inviter des gogo dancers. Je ris toute seule devant ma dernière idée. Jules va faire une drôle de tête en le sachant.

Mon téléphone vibre. Enzo. Enzo?. Il me dit : jai besoin daide. Cest tout à fait Enzo, rester évasif. Je lui réponds: cest urgent?. Je continue à noter mes idées. Je loue une salle karaoké qui offre un service cocktail, je trouve des gogo dancers et enfin, nous, habillées de nos tenues les plus sexy. Je souris encore une fois. Ton idée est géniale, Carlotta.

Enzo: Oui, cest une question de vie ou de mort. Je soupire. Moi: Que puis-je faire pour taider?

Enzo: Tu pourrais commencer par mouvrir, je suis en bas.

Je pose le Bic que je mordille et me dirige vers linterphone. Je lui ouvre et écoute à travers la porte linstant où je vais entendre ses pas se rapprocher de celle-ci. Je les entends. Mon cur sexcite. Cest rien, ce nest quEnzo.

Jouvre la porte avant quil ne toque.

-Médium ou tu mattendais? me dit-il.

-Tu faisais tellement de bruit que ce nétait pas dur de tentendre venir.

Il entre. Enzo est bien trop à laise chez moi. Il pose sa veste sur la chaise habituelle et retire ses chaussures, puis les pose près des miennes. Ensuite, il se promène dans ma pièce à vivre, comme s' il inspectait les moindres recoins. Les mains jointes derrière le dos. Il sarrête ensuite net devant mon ordinateur.

-Je vois que nous sommes sur la même longueur donde.

Comment ça? je lui demande sur un ton faussement agacé.

Il me regarde rieur. Il aime ménager le suspense pour me faire perdre patience.

-Mon urgence Comme tu le sais, je suis le témoin de Jules. Je dois organiser son enterrement de vie de garçon. Je nai aucune idée. Toi tu as lair den avoir trouvé plusieurs. dit-il en riant.

-Tu ne pouvais pas demander à quelquun dautre que moi? Tommy par exemple, il travaille dans lévénementiel.

-Il est à Londres.

-Rachelle?

-En rencard.

-Tu pouvais attendre demain, elle ne sera pas en rencard, demain.

-Non, je voulais my pencher tout de suite. dit-il en continuant de prendre ce ton si agaçant.

-Et si je navais pas été là?

-Tu es là. Cest ce qui compte.

Il ménerve. Il sassoit sur ma chaise de bureau et regarde mes notes.

-Des gogo dancers? Jules va adorer.

-Jai déjà hâte de voir sa tête.

Il sourit puis me dévisage soudainement.

-Javais oublié que tu portais des lunettes quand tu travaillais.

Il ménerve. Sa présence me rend nerveuse. Je déteste sa façon de flirter. Il est comme ça, cest de nature. Je ne sais même pas s' il se rend compte quil flirte en permanence.

-En quoi puis-je taider, Enzo? je le rappelle à lordre.

-Je veux quon réfléchisse pour faire de cette soirée-là un moment inoubliable. me dit-il les étoiles dans les yeux.

-Tu voudrais quon fasse une soirée commune?

-Oui. Jai même une idée.

Son idée est géniale. Nous allons essayer de la mettre en place.

Il me rejoint sur le canapé avec la télécommande.

-Je te laisse choisir le film. me dit-il avec un sourire malicieux.

-Tu sais bien que je déteste avoir cette responsabilité.

Jappuie sur un film au hasard. Enzo revient avec deux bouteilles de bière.

Alors que le film traînait en longueur, Enzo me dit soudainement:

-Je suis en fait venu pour mexcuser de la dernière fois à la taverne. Tu as raison, tu mérites un mec qui se donne au maximum pour toi. Et ce nest pas moi. Je suis en pleine reconstruction, jessaye doublier Rita, je travaille sur moi et pour y arriver jai besoin de le faire seul. Ce qui me fait peur, cest de perdre mon amie Carl.

-Tu ne me perdras pas, Zozo.

-Je déteste ce surnom.

-Je sais.

Il est parti après le film. Pour la première fois, ce qui na jamais été une histoire, venait de se terminer. Jai cru entendre le bruit de verre que lon brise lorsquil a parlé durant le film. "Ça y est, cest fini. Ce nest pas fini, puisque ça na jamais commencé. Je men veux, dailleurs, de la vivre comme une rupture. Nous navons jamais été ensemble et il me la toujours dit.

Comment réagir alors? Ai-je le droit dêtre triste ? Puis-je me sentir endeuillée dune relation avortée?

Ce qui est difficile, cest que quand je repense aux moments passés ensemble, jai à chaque fois eu limpression quil commençait à mapprécier vraiment. Comment ai-je pu me tromper autant?

Amis alors, nous restons amis. Une forme de considération, comme une autre. Si nous ne nous étions pas connus avant, j'aurais simplement disparu dans les néants des relations qui viennent et qui sen vont. Chacun effacé de la vie de lautre mais nous sommes amis. Alors je suis assise sur mon canapé, la gorge serrée, impossible de pleurer car je narrive pas à men donner lautorisation. Je nai pas le droit de pleurer quelque chose qui na pas eu lieu. Dans cette histoire, je me suis attachée aux projections, aux attentes, à lhistoire que jai imaginé.

Je me souviens dun soir, lorsque nous avions vingt et un ans, Rachelle était revenue en larmes après quune fille, je ne me souviens plus de son nom, lui avait dit quelle nétait finalement pas prête à être en couple. Après avoir passé de longs mois à se voir, à se fréquenter, elle avait finalement décrété quelle nétait pas prête. Rachelle sétait sentie utilisée, comme un objet, on lutilise puis on le jette une fois quon en a fait le tour, cest les mots quelle avait employés. Sur le moment, je lavais trouvé excessive, comme à son habitude, mais désormais jai compris ce quelle voulait dire. Elle ressentait, ce que je ressens, la sensation de ne pas être à la hauteur.

Je me souviens des mots dAlice: pour linstant tu en souffres, parce que tu ty es attachée, cest normal. Ne te prive pas de cette douleur, tu nas rien à te reprocher puisque tes intentions sont sincères. Crois-moi, il vaut mieux quelle parte maintenant, cest la meilleure chose pour toi. Si elle avait continué dans ces conditions, tu naurais pas été auprès de la personne avec laquelle tu devais être, avec une personne prête à taccueillir dans sa vie. Parfois, les portes fermées sont ce qui peut tarriver de mieux.

Rachelle sest sentie mal un temps puis comme on dit, la nature a horreur du vide ça lui est passé.

Ça va me passer.

Amis, Mariage et baratinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant