La Purge - Partie 3

5 0 0
                                    

— Par ici, fit John qui était déjà sur une piste.

Paul s'accroupit à côté de lui et regarda ce qu'il pointait du doigt : des empreintes de pas. Le lac avait réchauffé le sol gelé qui s'était transformé en boue.

— Il se dirige vers le nord, affirma John.

Les soldats reprirent le chemin par lequel ils étaient venus, passant la grande roue qui barbotait encore dans l'eau tiède.

Soudain, l'air sembla devenir plus épais, comme si Paul avait traversé un mur invisible. Ses tympans sonnèrent lourdement. Il tenta de rétablir la pression en pinçant son nez, comme en plongée, mais le désagrément demeura. Il voulut ensuite parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il examina ses camarades... la même chose. Leurs lèvres s'animaient sans produire aucun bruit. Paul et son escouade ne pouvaient plus communiquer.

Encore un tour du mage, pensa Paul. S'il espère nous arrêter avec ça...

Paul utilisa des signes de main pour transmettre ses instructions. L'unité se remit en formation et continua son chemin vers le nord, laissant la grande roue dans leur dos. Paul était en tête de file. La sensation de ne plus percevoir aucun son était étrange, il ne s'entendait même pas respirer.

Les derniers mois avec l'OCIM lui paraissaient avoir duré des années. Le combat contre les mages l'éreintait, tant physiquement que mentalement. Les pertes s'amoncelaient et ne faisaient qu'augmenter le lourd poids de sa tache. Il n'avait jamais autant écrit de lettres de condoléances en si peu de temps. Et il en ajouterait bientôt une de plus pour Mygale.

On lui tapa soudain l'épaule puis il vit John courir à toute allure devant lui. Paul pensa d'abord que John avait repéré le mage et se ruait vers lui, mais lorsque le traqueur se tourna pour jeter un œil derrière lui, la panique avait envahi son visage. Paul se retourna et prit conscience de l'immense forme de la grande roue qui avançait vers eux tel un bulldozer. Elle avait jailli de ses gongs et roulait dans un fracas de métal pourtant inaudible. C'était comme regarder du cinéma muet.

Paul et ses hommes se mirent tous à courir. La roue avançait sur eux et le chemin était trop étroit pour l'éviter. S'ils avaient réagi quelques secondes plus tôt, ils auraient pu se mettre à l'abri, mais ils étaient maintenant piégés entre le lac et la forêt. Le métal des nacelles tombait tout autour d'eux. Ed et Ciaran, qui avait pu voir la roue une fraction de seconde avant Paul, le devançaient de plusieurs mètres. Il leva la tête et vit l'ossature en acier le surplomber. Il n'avait aucune chance de l'éviter. Dans un instant de pure lucidité, il bondit en avant, se jeta au sol et se mit en position fœtale. Il n'entendait toujours rien, mais ne put s'empêcher de fermer les yeux, se laissant totalement submerger par l'obscurité. Les prochaines secondes furent les plus longues de son existence.

Il lorgna du coin de l'œil et observa la roue se frayer un chemin à travers la forêt, en n'y laissant que des troncs déracinés. Elle alla finir sa course dans le fleuve, en plein sur leur point d'extraction. Le son revint tout à coup et Paul put entendre le fracas du métal qui s'effondrait sur leur embarcation.

On ne repartira pas par là, pensa Paul.

Tout autour de lui s'étalait l'empreinte de la lourde structure métallique. Il était passé entre les mailles du filet, mais ses hommes n'avaient pas eu la même chance. Devant lui, le corps de Ciaran était coupé en deux au niveau des hanches. Ed se trouvait un peu plus loin... mais la tête lui manquait.

John avait été plus chanceux, mais semblait blessé. Paul se releva et courut vers lui tout en prenant soin d'observer les alentours à la recherche du mage. Il s'accroupit près de son camarade et constata les dommages. Son pied avait été broyé et laissait un moignon sanglant au niveau de la cheville. Il était en état de choc, le visage complètement figé.

La PurgeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant