𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐈𝐓𝐄 𝐀 𝐇𝐈𝐒𝐓𝐎𝐈𝐑𝐄𝐒

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   Le plan était simple : cet après-midi, Jean devait se rendre au centre-ville acheter un cadeau pour Mikasa, en espérant qu'il lui permettrait d'enfin avoir une chance avec elle. Marco n'était pas fan de cette obsession assez étrange, qui pour lui ne résonnait pas comme de réels sentiments, mais plutôt comme un refus de voir son égo piétiné par la charismatique jeune femme. Malgré sa réticence, il ne lui en tenait pas rigueur, acceptant sans rechigner de l'aider dans sa recherche du présent parfait. Enfin ça, c'est ce que le châtain croyait jusqu'à ce qu'il soit trainé de force dans l'antre brulante du démon. Ce lieu maudit rempli de pages noircies par des introvertis qui n'ont personne à qui raconter leur journée, là où l'on sent la présence glaçante des âmes égarées qui écrivent des suites de mots sans queue ni tête, là où sont stockés les instruments de tortures préférés des profs de français ou ce que Jean appelait plus communément « les fictions du pauvre », celles où il n'y a pas de musiques et d'effets spéciaux, bref, Marco l'avait traîné dans une librairie sous prétexte qu'elle les protégerait du blizzard qui se formait à l'extérieur, mais surtout parce qu'il y cherchait un livre pour son cours de géopolitique, du genre Le journal d'Anne Franck ou Si C'est un Homme de Primo Levi.

    — Et Mein Kampf ça ne t'intéresse pas ? Interrogea Jean qui ne savait même pas de quoi il parlait.

   — Non ça ira, ce n'est pas vraiment le bon point de vue...

   Se sentant inutile et détestant attendre, Jean soupira tapotant du pied et jetant quelques coups d'œil aux rangées de livres historiques comme si l'un d'eux allait lui expliquer, sans qu'il ne prenne la peine de lire la quatrième de couverture, s'il convenait aux recherches de Marco ou non. Il en avait marre d'être ici, même s'il n'avouerait jamais que ça lui permettait de respirer un peu : les autres boutiques beaucoup plus exigües étaient étouffantes, notamment à cause de la quantité de clients qui s'y prenaient une semaine avant les fêtes.

   Marco sortit victorieux un livre de son étagère, Jean compris à son regard qu'il hésitait à en prendre un second, mais l'air suppliant de ce dernier le poussa à se lever — parce qu'il était jusque-là assis par terre au milieu du passage — pour quitter la boutique. Malheureusement, il comprit que la loi de Murphy n'était pas de leur côté, lorsqu'ils remarquèrent que la porte d'entrée était obstruée par la neige et que la tempête ne faiblissait pas. Un vigile tentait tant bien que mal de rassurer les quelques claustrophobes, et de calmer les esprits échauffés qui étaient retardés sur leur planning. Jean était de ceux-ci, mais compris, malgré sa tendance à s'emporter pour peu, que ce n'était pas de son ressort et qu'il n'avait pas d'intérêt à lui prendre la tête.

   — Vous n'avez qu'à lire ce qu'il vous plaît ça vous occupera, bafouilla-t-il, s'accrochant à l'espoir que les clients se contenteraient de cette proposition pour s'apaiser.

   — Comme si tout le monde ne le faisait pas déjà, grogna le jeune homme pour lui-même.

   Il est vrai qu'il avait souvent vu, notamment dans le rayon jeunesse et manga, des livres être dévorés sans la moindre honte, comme si ce n'était qu'une simple bibliothèque. Si Jean appréciait lire il aurait fait de même : pourquoi payer si l'on peut avoir accès à l'histoire gratuitement en librairie ?

   — Ce n'est pas vraiment ton genre, se moqua gentiment Marco, tu n'as qu'à lire un Shojo ça te donnera peut-être une idée de cadeau à faire à Mikasa.

   Son interlocuteur lui répondit avec son majeur, mais le suivit tout de même jusqu'au rayon historique, s'asseyant de nouveau au milieu du passage.

   — Tu comptes vraiment lire maintenant ? S'insurgea le châtain, qui espérait un peu de compagnie au milieu de tous ces regards accusateurs, — parce que oui, les livres ont des regards terribles envers les lecteurs peu assidus, traduisant un mépris profond pour ceux qui se contentent de feuilleter ou de regarder les images — mais surtout de l'aide pour trouver une idée.

𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐈𝐓𝐄 𝐀 𝐇𝐈𝐒𝐓𝐎𝐈𝐑𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant