Double face

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Sanji se pencha pour attraper sa chemise au fond du panier à linge sale. Tandis qu'il se relevait, un éclair douloureux lui traversa le bas du dos et il grimaça avant de prendre une seconde pour souffler. Finalement, il se baissa à nouveau et rassembla ses habits de manière plus douce. Il avait tendance à oublier sa blessure mais celle-ci était toujours présente malgré ses efforts pour se ménager.

Le cuisinier emporta ses vêtements jusqu'à la machine à laver un peu loin dans la salle de bain du Sunny et entreprit de les trier tout en prenant soin de ne pas faire de geste inutile. Il s'agaçait de constater son état en dépit de ses précautions. Même Zoro avait pris conscience de l'étendue de son atteinte et avait modifié son attitude à son égard en conséquence. En effet, c'était bien le sabreur qui avait finalement stoppé son compagnon le soir de leur petite fête en extérieur quelques jours plus tôt. C'est dire l'image qu'il devait renvoyer...

Ayant déposé tous ses habits foncés dans le tambour de la machine, Sanji attrapa la lessive et l'assouplissant pour en verser la juste dose. Alors qu'il refermait le couvercle et lançait le cycle de lavage, il soupira en se remémorant la scène. Il se rappelait que l'atmosphère était montée d'un cran après que le bretteur l'ait attiré contre le mat et comme prévu, il n'avait pas su résister très longtemps. Ils avaient disparu dans leur chambre en un rien de temps et le cuisinier ne sentait plus les élancements de sa colonne vertébrale, uniquement concentré sur le plaisir de la chaire. Jusqu'à ce que Zoro s'immobilise sur le lit au-dessus de lui et le dévisage, les sourcils froncés.

Sanji l'avait interrogé du regard, clairement surpris, mais l'épéiste s'était contenté de rouler sur le côté pour y rester, le souffle court. Comme le blond avait commencé à s'énerver face à son comportement incompréhensible, Zoro avait seulement posé une main sur son dos lorsque le cuisinier s'était retourné vers lui. Sanji n'avait pu s'empêcher de sursauter à ce contact, reprenant soudainement conscience de la réalité de son corps sous la vague d'adrénaline. Ils étaient alors restés quelques secondes à se fixer puis l'escrimeur l'avait attiré vers lui d'une main sur sa nuque et avait déposé ses lèvres sur sa tempe avant de se relever sans un mot.

Le cuisinier en était resté comme deux ronds de flan et il l'avait regardé s'éloigner puis sortir de la chambre avec ahurissement. Encore aujourd'hui, Sanji ne savait pas comment le sabreur avait compris qu'il souffrait réellement puisque lui-même l'avait occulté. Sans doute Zoro avait-il remarqué les sursauts inconscients et la crispation involontaire de ses muscles sous ses doigts, lui qui était si habitué à être attentif aux éléments physiques et corporels.

La machine à laver commença à tourner et le cuisinier rangea précautionneusement le reste de ses vêtements ainsi que les produits, perdu dans ses souvenirs. Instinctivement ce soir-là, lorsque la porte s'était refermée derrière Zoro, son ego avait flambé de colère à l'idée que ce dernier se sente obligé de le prendre ainsi en pitié. Et puis, sa fierté avait reflué lorsque sa raison avait lentement refait surface. Il avait su qu'il ne s'agissait pas de domination ni de provocation de la part de l'escrimeur. Ils avaient tous deux pris la décision de s'investir totalement dans leur relation et Sanji avait noté l'engagement silencieux mais réel de son compagnon depuis leur réconciliation. Celui-ci s'autorisait plus souvent à s'exprimer sur leur attachement et même s'il ne le faisait pas verbalement, ses regards et ses gestes étaient sans équivoque pour le blond. Zoro le laissait davantage approcher et son attitude cette nuit-là avait été sa manière de signifier au cuisinier qu'il comprenait. C'était sa façon de lui dire qu'il cherchait à prendre soin de lui.

Et Sanji avait eu confirmation de ses suppositions depuis trois jours maintenant. Ainsi, le comportement de l'escrimeur envers lui n'avait pas réellement changé hormis qu'il n'avait pas tenté de reprendre leurs ébats et pourtant, lorsque Zoro se couchait à ses côtés le soir, il se contentait de planter un baiser un peu rude sur ses lèvres, ce qui faisait sourire le cuisinier. Etrangement, c'était une des plus belles preuves de son attachement que le blond aurait pu espérer.

En ÉquilibreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant