La danse de l'amour

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"Allez, viens Lucien, tu ne seras pas déçu !"

Il avait insisté, j'avais fini par céder. Mais j'y allais à contrecoeur. J'avais d'autres choses à faire, comme réviser l'examen de la semaine prochaine. Si je ramenais de mauvais résultats, mes parents en seraient fous. Tate ne le savait que trop bien, lui aussi. Et pourtant, il a insisté pour que je vienne avec lui à cette taverne, en ville. "Tu devrais aussi prendre du bon temps, cela te fera le plus grand bien !", m'avait-il dit. Je m'étais laissé persuadé. On m'a souvent dit que j'étais trop influençable ; on a peut-être raison. Mais, en réalité, n'avais-je tout de même pas un peu envie ?

La musique faisait battre tous les coeurs. On dansait, on chantait, on riait. Les verres à la main, on ne craignait rien. Jamais je n'avais connu telle ambiance. J'étais plutôt accoutumé aux réceptions ennuyeuses, aux tenues formelles, à la musique endormante. Là, tout était si différent. Le décor, la musique, les gens ; tout était si... Je n'ai pas même de mots pour l'exprimer. J'étais assis à la table, Tate à mes côtés frappait en rythme dans ses mains. Il respirait une joie de vivre comme rarement je lui avais connu - l'alcool devait aider, sans aucun doute.

— Alors ? On regrette ?, me demanda-t-il avec un sourire en coin, le regard moqueur. Je lui rendis son sourire.

— Pas le moins du monde !, dis-je avant de boire une autre gorgée d'alcool. Je me sentais bien.

C'est alors que j'entendis quelqu'un dire au loin :

— Allez, danse pour nous !

Je vis approcher une beauté étincelante. Elle se plaça au centre de la salle avec une assurance déconcertante, et elle se mit à danser. Tourbillonner, tel un papillon d'été. Sa robe, ses cheveux ondulaient au rythme de ses pas. Son sourire ; si différent des rictus intéressés qui m'ont entouré depuis toujours. Ce sourire-là était pur, sincère ; je ne le savais possible. Alors que je m'interrogeais sur son nom, la foule me le donna. Frida. Un nom digne d'une fleur, digne d'une étoile. Un nom aussi charmant que la jeune fille qui le portait.

Si je n'étais pas aussi timide, peut-être l'aurais-je approchée. Peut-être même lui aurais-je demandé de danser avec moi ? Ridicule. Pourquoi s'intéresserait-elle à une personne telle que moi ? À l'exception de mon titre, rien ne pourrait l'attirer. Je suis, pour ainsi dire, l'homme le plus banal que la Terre n'ait jamais connu. Je fais des études, je reprendrais le titre de vicomte de mon père, avant de finir ma vie dans mon lit de mort. Rien de très passionnant, sans doute.

Je l'observais danser et servir les verres avec toute sa grâce. J'hésitais tant que la soirée passa en un éclair, sans que j'eus le temps de lui adresser ne serait-ce qu'un "Bonsoir". Elle était demeurée inaccessible. J'étais trop renfermé. La taverne allait fermer ses portes, renvoyant ses clients à une heure déjà avancée de la nuit. Tate a-t-il constaté quelque chose ? Il n'en dit mot, en tout cas. « Tu vois, je t'avais bien dit que tu ne serais pas déçu ! Je parie que tu reviendras bientôt... » fut tout ce qu'il me dit. Je ne pus qu'acquiescer. Bien entendu, je ne comptais pas m'arrêter en si bon chemin. Cette fille, Frida, il fallait que je la revoie. Il fallait que je lui parle. Elle avait piqué ma curiosité, et surtout, elle avait volé mon coeur.

***

NOTE

Cet OS a été écrit à l'occasion de la Rare Pairs Week 2021 sur Twitter. Elle met en scène deux personnages apparaissant dans le chapitre 3 du manga / épisode 5 de l'anime : Lucien Atwood et Frida Macaulay.

Recueil : Moriarty the Patriot 【 OS 】Où les histoires vivent. Découvrez maintenant