L'Archer Maudit, 1 - La Fille d'Ombre et de Lumière

CHAPITRE 2 : Les guerriers du nord

Les Anciens disaient la vérité. La Vallée Oubliée était vraiment le lieu le plus dangereux et effrayant de la Contrée Oubliée. Une bataille avait bien eu lieu ici, mille ans plus tôt, et certaines âmes errantes y rôdaient encore. Mais les morts n'étaient pas la seule menace. Loin de là. Et je l'appris à mes dépends.

Je pensais que les ténèbres de la grotte m'aspireraient. Fort heureusement, j'ai eu tort.

Des petites plantes lumineuses poussent sur les parois et projettent dans la galerie des lueurs verdâtres. Elles suffisent à m'éclairer. Je m'avance, peu rassurée. J'essaye de ne pas écouter les battements de mon cœur, qui témoignent de la force de ma peur.

Sous mes bottes rouges, le sol est tantôt solide, de la roche, tantôt moue, de la boue. La voie descend en pente douce. Quelques passages sont assez délicats. Je dois me mettre de profil pour avancer, ou carrément progresser à quatre pattes. J'ai les mains couvertes de boue. Elles glissent sur le bois de mon arc.

— Je sens que ça va être pratique pour s'en servir...

Ma voix résonne contre les parois. J'y vois des champignons blancs et quelques insectes qui grouillent autour d'eux. Je frémis.

Un autre pilier vert se dresse sur ma droite, comme pour servir de balise.

Puis, un peu plus bas, encore un autre.

Ma curiosité prend le dessus sur ma peur. J'ai envie de savoir ce qui se cache au fond de cette grotte.

À pas lents, je parcours une distance incalculable dans cette grotte. La faim et la soif commencent à me tenailler le ventre. Ma gorge devient sèche. J'aurais peut-être dû rentrer à Naywë. Après un virage, j'aperçois une roche plate qui contient de l'eau cristalline. Je me hâte d'aller vers ce bassin naturel et me penche. Ne voyant rien de suspect, je décide de boire. Plusieurs goulées. La fraîcheur du liquide me fait du bien. Je me redresse et m'essuie la bouche.

C'est alors que j'entends des voix s'élever, sans comprendre ce qu'elles disent. Je me rapproche dans le silence le plus parfait et me fonds dans les ténèbres de la galerie, qui s'élargit. Une étrange excitation naît en moi : je vais enfin savoir ce qu'il se passe. Mon cœur bat de plus en plus vite au fur et à mesure que je perçois plus nettement les voix. Je suis saisie par l'appréhension. Je reconnais deux voix différentes. Des voix graves, masculines.

— J'ai patrouillé le secteur ouest, mon prince. Il y avait un aigle. Je voulais le tuer, mais je n'ai pas réussi.

Je frémis : ils s'expriment en Vrrijskan, la langue des Drothan !

Pourquoi suis-je capable de la comprendre ?

Cette question attendra. Je ne suis pas en sécurité. Ces ennemis ont osé s'aventurer sur nos terres ! Le devoir de chaque elfe consiste à éliminer tout représentant de ce peuple.

Mais j'ai deux problèmes : je n'ai qu'une flèche. Et... suis-je vraiment prête à tuer ?

— Pourquoi ?

— Une jeune elfe est intervenue. Elle avait les cheveux noir et blanc.

— Une hybride..., comprend le prince. C'est impossible, Rhagar. Aucun membre de notre noble race ne se mélangerait à ces sales envahisseurs du sud ! C'est un blasphème !

— Je vous dis ce que j'ai vu, mon prince.

— Je te crois, mon ami. Je vais rester pour vérifier si les Ombres des Morts sont prêtes à se déchaîner. Trouve-moi cette hybride, Rhagar. Amène-la moi.

— A vos ordres.

Je comprends alors que je suis en danger. Je suis peut-être cachée par un rocher, mais si l'un de ces deux personnages s'approche, il me verra forcément.