Chapitre 7

165 31 0
                                    

Apparemment, certains s'accrochent à la vie

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Apparemment, certains s'accrochent à la vie. Moi je crois plutôt que c'est la vie qui nous sélectionne, c'est elle qui nous étreint ou qui décide de nous jeter. La mort est une question que je laisse à la Providence. On ne peut pas s'accrocher à la vie.

Je me débattais sous l'eau, ma tête frappant le plafond de glace. Je ne retrouvais plus la sortie, peut-être que le courant m'avait emportée. Je n'avais pas le droit de relâcher mes efforts. Non pas parce que ma potentielle survie en dépendait proportionnellement mais parce que si la vie voulait de moi, je trouverais une issue.

Je tentais de casser la couche au-dessus de moi mais mes bras devenaient faibles. Je voulais inspirer, mes poumons me pressaient de l'intérieur. Il fallait que je crie mais si j'ouvrais la bouche je savais que mes réflexes me feraient avaler l'eau.

L'eau glacée m'immobilisait, mes bras ne bougeaient que peu alors que je tentais de retourner en direction du lieu où j'avais chuté. Je fermais les yeux malgré moi. Quelque chose en moi me hurlait d'abandonner. Je vis un point de lumière, plus loin, et une brume blanche vaporeuse. Toute petite.

Je tentai de me diriger vers ces couleurs. Je ne savais plus où j'étais. Mes gestes étaient vains. J'avais peur. Je ne l'avais pas dit dans cette rue quand Gabriel avait tremblé de froid dans mes bras. Je l'avais senti mourir. Je n'avais jamais dit que j'avais peur. Est-ce que j'avais eu vraiment peur pour les autres ? La peur était-elle un sentiment égoïste ?

Est-ce que toutes ces fois où j'avais craint de perdre mon deuxième frère, avant de le perdre véritablement, je n'avais fait que penser à ma future solitude ? Je ne voulais pas vivre avec moi-même, mon individualisme et mon propre sentiment de survie.

Une masse me frappa. Je me sentis projetée en arrière. Je coulais. Quelque chose me souleva. J'étais légère. Je ne me souviens que de ma première respiration, de la chaleur piégeuse du feu, ses ordres qu'il hurlait dans un téléphone et qui me paraissaient être un murmure.

Je me réveillai peu après sur un canapé. Une femme m'assura que tout allait bien, que je devais me réchauffer. Elle était médecin. Ma jambe avait été blessée par un morceau de glace : superficiellement entaillée du bas de la cuisse à la cheville et déjà soignée. Mon collant était ouvert sur cette longueur.

« Comment est-ce que je m'en suis sortie ?

Ma gorge était sèche.

— Il a été rapide et intelligent. Il a créé un feu avec ce qu'il pouvait pour retrouver la sortie et il a eu le courage de venir vous chercher.

Je regardai autour de moi.

— Où est-ce qu'on est ?

— Chez lui. Monsieur vous attend d'ailleurs dans son bureau quand vous serez rétablie. Si vous le désirez, bien sûr... »

Je hochai la tête et me levai. Mes vêtements humides étaient lourds et entravaient mes gestes. On me montra la bonne porte et mes pieds nus rencontrèrent une moquette beige, réchauffée par le feu qui brûlait dans l'âtre.

Montmarcy leva le nez de son bureau. J'avais oublié de toquer. Il se leva, pressé, ses mains pleines d'encre.

« Judith, vous vous sentez bien ? Vous voulez des vêtements secs ? Quelque chose à manger ? »

Je hochai négativement la tête. À vrai dire, je voulais ôter mes vêtements poisseux mais je ne voulais rien accepter de sa part.

Il s'empara d'une couverture en laine d'écosse et me la tendit, « prenez au moins ça », et il me pointa du doigt un fauteuil près du feu. Je tremblai un moment.

Il était assis à son bureau. Il semblait chercher ses mots. Je le voyais peiner. Mon silence lui fit comprendre que le sien ne me dérangeait pas. Il baissa la tête sur son bureau, écrivant des courriers au stylo à plume, signant papiers après papiers.

Il ne levait pas la tête dans ma direction car il sentait mon regard peser sur lui. Je ne le lâchais pas. Ses boucles étaient encore humides, il était vêtu d'une autre chemise et d'un autre gilet marron. Ses lèvres se pinçaient quand il lisait certains mots, révélant la grâce véritable de son menton — si fin et créant un profil si harmonieux.

Il finit par se lever pour ouvrir une petite armoire et en sortit deux verres à liqueur. Il les remplit d'un liquide orangé. Il s'approcha, j'inclinai la tête pour mieux le voir, comme audacieuse après la presque-mort. Milan Montmarcy fit glisser un verre sur la table adjacente à mon fauteuil.

« Ça ne vous fera pas de mal »

Et il retourna à son bureau, bouteille à la main, buvant son verre à lui en une unique gorgée.

« Qu'est-ce que c'est ? demandai-je.

— Liqueur d'abricot. C'est un de mes rares plaisirs.

— Vous aimez l'abricot ?

— J'aimais, corrigea-t-il. J'aime beaucoup ça quand je peux en manger. »

Il se tut, sembla se reconcentrer. Mais je ne touchai pas à mon verre. 

La chaleur du feu commençait à percer la couverture, l'humidité de mes vêtements me collait à la peau et me donnait l'impression d'avoir de la fièvre. Je frissonnais. J'écartai légèrement les couvertures. Je savais que cette position révélait ce ventre que j'avais tant voulu dissimuler. Surtout à lui.

Il n'osa pas vérifier ma présence tout de suite. J'entendis son expiration, surprise, quand il m'aperçut. Doucement, sans me lâcher du regard, il se leva. Ses pas étaient précautionneux, comme s'il craignait que je m'échappe. Comme si j'en étais capable.

Sa moue n'était pas peinée. Il semblait... préoccupé. Si j'avais été proche de lui, j'aurais répété son prénom jusqu'à ce qu'il me dise ce qu'il pensait tout bas. Mais je ne le connaissais pas et je devais me contenter de son silence. Milan.

Ses genoux tombèrent à terre. Ses pupilles étaient pleines, elle me renvoyaient mon reflet. Ses doigts, tremblants, tentèrent de défaire les boutons qui fermaient ma robe dans toute sa longueur. Il n'y arrivait pas et finit par y arriver, libérant ce morceau de moi à l'étroit. Ce morceau d'un autre ? Ses doigts chauds se faufilèrent sous la robe, contre la chemise en coton usé que je portais en-dessous.

Ce regard avait quelque chose de suppliant. Il se hissa au-dessus de moi sans que ses mains ne cessent d'enfermer mon ventre, conquérant. Son parfum m'étourdissait, pénétrant par ma bouche haletante pour me donner la nausée.

Ses épaules étouffaient la moindre source de lumière, je fermais les yeux. Une de ses mains glissa le long de ma robe, grattant les reliefs du velours pour atteindre l'ouverture du collant. Ses doigts furent en contact avec ma peau froide, déchirèrent davantage le tissu pour atteindre ma cuisse. Il s'arrêta là.

Ses lèvres entrouvertes et bouillantes touchèrent le rebord des miennes, je goûtai la liqueur d'abricot. Il attendait que je confirme son geste, que je sois celle qui presserait mes lèvres pour l'embrasser.

 Il attendait que je confirme son geste, que je sois celle qui presserait mes lèvres pour l'embrasser

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
JUDITH ⎢Gagnante concours Mythes Modernes sur FyctiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant