— A notre premier jour ici ! Me dis-je à moi-même, en attrapant mon sac sur mon lit.
Mes yeux scannent doucement ma nouvelle chambre pour l’année à venir. Pas vraiment l’endroit cosy dont je rêvais, pourtant il s’agit là, de mon premier pas vers l’indépendance. Dix mètres carrés sans dessus dessous pour l’instant, de liberté, que je compte aménager à mon image. Simple, fonctionnel, chaleureux. Une nouvelle page de ma vie s’ouvre aujourd’hui. Un passage à l’âge adulte, qu’il me faut apprécier au maximum. Je n’ai jamais été aussi loin de chez moi, seule, pour autant cela ne me déplait pas.
Ma conscience me rappelle tout de même, que ça ne fait que quarante huit heures…
A travers la porte, le brouhaha de la ville me stress un temps soit peu. Cinq cents kilomètres me séparent de la maison, et l’école dans laquelle j’ai décidé de poursuivre mes études. Un établissement prestigieux, censé former les meilleurs architectes de demain. J’ai rarement ressenti cette impression de satisfaction. D’être à ma place. De savoir où je veux aller. Comment je compte m’y rendre. La sensation euphorisante de force.
Dehors, l’air est encore agréable, le vacarme, assourdissant, comparé à mon petit patelin, mais l’atmosphère reste joviale. Je ne suis qu’à quelques centaines de mètres de l’immense bâtisse. Les nombreuses photos sur le site ne rendent absolument pas hommage à cet immense édifice en pierre, classé monument historique. Les yeux rivés sur les voutes succinctes ornées de moulures, accompagnant le périmètre de l’école, je reste sans voix. L’entrée monumentale constellée de sculptures, donne un côté théâtrale et solennelle à notre arrivée. Chacun semble aussi émerveillé que moi, du moins pour ce qui concerne les nouveaux. Le hall gigantesque, donne accès à d’autres issues, formant une véritable ville dans la ville. Ma première réflexion : jamais je ne serais capable de retrouver la sortie. S’en vient l’excitation contagieuse des personnes autour. Certains retrouvent des camarades, des connaissances, certains errent, timides, le regard brillant, quelques-uns prennent des photos, et moi… et bien je reste moi. La solitaire, qui à l’instar de certaines personnes, a créé de toute part ce cocon et s’en contente parfaitement. J’aime être seule la plupart du temps. Chez mes parents, vivre à six ne m’empêchait pas de me réfugier aussi souvent que possible dans ma chambre pour étudier, flâner devant une série, ou simplement m’allonger et rêvasser.
Alors ici, au milieu de centaines d’étudiants, je choisis un coin tranquille pour observer, espérant ne pas devenir l’aimant à pot de colle, l’attire boulets.
Après une heure de spitch en bonne et due forme du directeur, l’heure est venue de regagner nos salles respectives et rencontrer les personnes avec qui je vais devoir m’acclimater, pour les trois prochaines années au moins. Je choisis minutieusement une place au bord de l’allée, ni trop proche, ni trop loin de l’estrade, alors que le bruit s’intensifie. Personne ne se connaît, pourtant je peux voir certains détailler leur futur voisin de table, comme si un indice quelconque pourrait les aider à prendre une décision.
Je murmure entre mes dents un « fous ton cul assis pour l’amour du ciel », mais très vite deux personnes arrivent à ma hauteur. Un jeune homme, la vingtaine, prend place en premier, sans le moindre regard, suivi par une nana qui, par je ne sais quel miracle, ne cherche pas à copiner, et s’installe en silence. Amen !
La tête droite, le regard fixe devant moi, je reste immobile, même si en moi, le stress grimpe en flèche. J’évite soigneusement un rapide tour d’horizon pour découvrir ces nouveaux visages, et bien vite l’enseignant apparaît.
Mr Bohni, à la carrure plutôt impressionnante, se présente. Le silence retombe doucement, pour laisser sa voix grave et rocailleuse, résonner contre les murs clairs. Sur de lui dans un costume foncé, pas une seule mèche de ses cheveux poivre et sel ne retombe. Professeur en théories et pratiques de la conception architecturale urbaine, il sera donc le premier à ouvrir le bal aujourd’hui. Mon stylo gratte le papier, les feuilles se remplissent, rien ne m’échappe.
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S(he) loves me
RomanceLa vie n'a de cesse de nous surprendre. Parfois il suffit simplement de suivre son instinct, ses envies, ses rêves. Mais jusqu'où nous conduiront-ils ? L'enfer peut s'avérer plus proche du paradis qu'on ne le pense. S'appellerait-il Nathanaël ?