Deuxième chapitre

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10 février. -Hier j’étais tellement énervé. Hervé n’a pas arrêté d’appeler, de texter, tout le long de la journée. Et pourtant je lui ai fait comprendre qu’entre nous ça ne fonctionnera pas. Lui avec ses réflexes rétrogrades complètement aux antipodes, et moi avec mes idées avant-gardistes, féministes, la mayonnaise n’allait pas prendre. Il n’a rien voulu entendre. J’ai fini par le bloquer.


11 février.  -Maman a pété un câble. Carrément ! -Qu’est-ce que tu veux, Gracia ? Qu’est-ce que tu veux ? Me criait-elle dessus. Apparemment, Hervé est passé à la maison, et lui a tout raconté. Quel bigre celui-là. Je n’ai jamais vu maman dans cet état ; énervée, exaspérée, exacerbée, hors d’haleine, because  j’ai rabroué le fils de son amie. Même quand Zaina, ma grande-sœur, était tombée enceinte, maman n’avait pas piqué pareille crise. Là, elle a crié, hurlé, envoyé des jurons, menacé de me maudire en frappant le sol avec son pagne si jamais je ne revenais pas à la raison. À sa raison. Elle était comme possédée par quelques esprits malveillants.

-Tu refuses un garçon instruit, bien éduqué, et médecin de surcroît pourquoi ? Pour continuer à flâner, à perdre du temps, à perdre ton temps avec ton petit voyou-là ? Tu veux me ramener, toi aussi, une grossesse ? C’est ça ?M’a-t-elle lancé dans un accès de colère, le visage tout rouge, les yeux exorbités. Par la suite elle m’a traité d’ingrate avant de ramener à la surface sa douleur de l’enfantement. Sa douleur de mon enfantement. Après elle a fondu en larmes. Elle a pleuré comme une fontaine.

Ma mère, un sacré numéro. Donc elle est au courant pour Junior ? Je m’en doutais un peu. Elle le traite de voyou parce qu’il joue au basket, ses survêts sont, la plus part de temps, en dessous de ses fesses, et il a une oreille percée ? Sûrement ! M-a-t-elle vu avec ou c’est encore un préjugé de plus basé sur les ouï-dire ?
Et tout ce raffut, toute cette pression pour que je puisse me marier, convoler en justes noces avec Hervé, c’est à cause de Zaina ! J’aurais dû m’en douter. Elle, elle est d’abord tombée enceinte, mes parents l’ont repoussé, rejeté, chassé. Puis son homme est venu doter par la suite, non sans lui faire un deuxième gosse. Maman a vécu cette situation comme une terrible humiliation et ne veut sûrement pas que le même scénario ne se reproduise. Je la comprends.

Mais je ne suis pas Zaina, moi !


12 février. Une journée tout en douceur, tranquille, radieuse, de paix heureuse et béate. Une des plus belles de ma vie. Pour échapper au grand haro de maman, je me suis réfugié chez Junior. Ce dernier a même cuisiné pour moi. Un amour.

Je me rappelle encore, ma tête sur sa poitrine, sa voix  grave me berçant avec des mots doux, suaves. Les heures se sont écoulées, le temps a filé. De fil en aiguille, l’étincelle entre nous et qui flirtait toujours avec l’amitié est rapidement devenue une flamme dévorante, un grand soleil versant une pluie de feu. Je me suis laissé emporté. Je me suis donné à lui. J’ai jeté ma gourme tel un prince héritier loin de ses terres, comme pour défier ma mère. Une sorte de quenelle à la société, aux mœurs, aux us et coutumes. Après tout, je suis une femme libre. Je suis libre de disposer de mon corps à ma guise.

Tous les détails de cette folle et agréable journée sont encore vifs en ma mémoire. Je me revois, face à ses assauts répétés avec hardiesse et souplesse, ses chevauchées, mon cœur frémissait, bondissait, défaillait, aimait. Et lui, me voyant haleter, s’arrêtait, puis recommençait. Ainsi, il m’a fait faire le tour du bonheur, d’un bonheur insoupçonné jusqu’alors. J’aurais passé la nuit chez lui si maman, encore elle, n’avait pas assiégé mon téléphone avec ses appels.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 17, 2022 ⏰

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