Élements

Corentin

Lorsque je m'apprêtai à franchir le seuil de ma maison, je baissai les yeux et j'aperçus une lettre. Je me penchai alors pour la ramasser. Étrange, d'habitude c'était le messager qui remettait les courriers en main propre. Cette mystérieuse lettre était ornée d'un cachet de cire couleur vert pomme, ce qui signifiait qu'elle avait été envoyée par le royaume de Terra. Les six lettres du mot « URGENT » étaient inscrites en gros caractères noirs sur le bas de la lettre. Je soulevai alors le cachet de cire avec le plus grand soin possible, et j'ouvris l'enveloppe. Du parchemin se trouvait à l'intérieur. Le parchemin était devenu un matériel rare et seuls les plus riches pouvaient s'offrir le luxe de s'en procurer pour de grandes occasions. Tout cela était décidément bien étrange. Que pouvait-il avoir de si « urgent » et important pour que le royaume de Terra nous envoi une lettre écrite sur du parchemin ? Nous avions, certes, une relation moins fragile avec le royaume de Terra qu'avec ceux d'Aqua et Ignis, mais cela n'expliquait en rien l'arrivée de cette lettre.

Conscient que j'étais allé trop loin en ouvrant l'enveloppe, et me rendant compte que cela n'était pas mon devoir ni mon droit, je décidai d'apporter la lettre à ma mère.

Une fois arrivé dans la salle du trône, je tendis le parchemin à ma mère, qui figurait debout au centre de la pièce accompagnée de son plus fidèle sujet.

— Mère, nous avons reçu une lettre. Vous devriez la lire, ce qui est inscrit dessus m'a l'air fort important.

Ma mère, la représentante de notre peuple, Ventus, pris la lettre et se mise à lire avec attention.

Ventus est mon pays, le royaume du vent. J'y vis depuis ma plus tendre enfance, et un jour, c'est moi qui le gouvernerai. J'adore mon pays, les gens paraissent tous heureux. Certains des plus anciens disent que le monde était plus beau avant La Séparation, que maintenant les gens sont tous maussades et aigris. Moi je ne suis pas d'accord avec eux. Certes, je n'ai pas connu le temps d'avant, mais maintenant, dans mon royaume, je trouve que mon peuple respire la joie de vivre : les gens s'entraident, s'aiment et sont unies. Ils sont tout simplement heureux. Tout comme moi. Enfin, j'essaye de l'être.

Ma mère m'interpella, elle avait fini de lire la lettre.

— L'as-tu lu, au mois ? m'interrogea-t-elle, le visage tellement neutre que je me demandai si ce qui était inscrit sur le parchemin était une bonne ou une mauvaise nouvelle.

— Non mère.

Elle me tendit la lettre.

— Lis-là.

Mourant d'envie de connaître la raison de l'arrivée de cette lettre, je lui arrachai presque des mains et m'empressai de la lire.

— Impossible... soufflai-je alors une fois que mes yeux se furent posés sur le dernier mot de la dernière ligne.

Je sentis les larmes me monter aux yeux. Non, je ne vais pas craquer. Non Corentin. Non, non, n...

— Tu peux y aller, déclara la gouvernante de Ventus.

— Je...

Je n'en crus pas mes oreilles. Je ne sus pas comment réagir, si je devais sauter de joie, ou au contraire trembler d'effroi. Il fallait que j'aille aider le royaume de Terra pour retrouver Thora, mais si c'était pour la retrouver dans un état pitoyable, voir pire, non merci. Dans tous les cas, je savais que je n'avais pas le choix, et que si ma mère avait décidé que je devais y aller, alors j'irais. C'était la gouvernante après tout. On ne contrait pas ses désirs et ses ordres.

— Voulez-vous vraiment que je parte à sa recherche ? Demandais-je pour avoir sa confirmation.

— Oui, bien sûr, répondit-elle, dois-je te rappeler que nous avons le devoir de venir en aide à ceux qui nous le demandent ? De plus, malgré ce qui a pu ce passe lors de La Séparation, nous ne sommes pas un peuple rancunier. Et puis, Thora était ton amie si je ne m'abuse...

Je n'aimais pas qu'on évoque ce sujet, et ma mère le savait très bien.

— Parfait, alors j'irai, demain, dès l'aube, dis-je d'une voix assurée, qui cachait toutes traces de mon malaise face à cette évocation.

Sur ce, je m'élançai vers ma chambre, laissant ma mère seule derrière moi.