Journal Intime

Le Pianiste

Il a joué Comptine d'un autre été. Ses doigts fins virevoltant sur le piano, ses ongles clapotant les notes, me faisaient chavirer en même temps que la mélodie. Sous le mince rayon de lumière qui passait à travers la salle, nous étions sereins. L'ambiance y portait.
Chacun de nos regards se dirigeaient vers le côté droit : lui regardait sa main, qui jouait l'aiguë avec merveillosité, tandis que son pied droit jouait le métronome, moi regardait l'instrument, assise sur la table en ayant l'impression de flotter. Parfois, je regardais ma montre à gousset, dont les aiguilles suivaient le même mouvement droitier. "Sinistra", la gauche nous faisait fuir, son ombre n'était pas accueillante. Il était plus simple de ne se fixer que sur un endroit unique.
C'est alors que j'ai eu l'impression que le temps, l'espace n'existaient plus, nous étions dans une pièce intemporelle, invisible, dont seules l'âme et la mélodie pouvaient s'évader. Je me suis demandée ce que le joueur ressentait, lorsqu'il jouait. Il ne se passait en lui peut être pas autant d'affaires qu'en moi ? Lui faisait son travail, me démontrait son talent, était concentré sur la réalité. Cette pensée me fit retourner dans l'univers duquel nous venions.
Soudainement, à sa gauche, derrière moi, les ténèbres firent surface. Le bruit sourd d'une porte claquée nous réveilla, et les coups de talons qui se dirigeaient vers nous fit monter mon adrénaline. Nous échangions un regard entre nous alors qu'une professeur vint nous parler. "Je suis désolée, tu joue vraiment bien, pour une fois il n'y a pas seulement des gens qui font n'importe quoi. Mais il va falloir partir, de plus, cette salle est interdite aux élèves. Désolée encore.". Elle repartie.
Nous sortions de la salle en nous dirigeant vers la lumière, mais cela n'avait plus rien de poétique.