𝗪𝗮𝘁𝘁𝗮𝗰𝘁𝘂 𝗻°6 - Février 𝟮𝟬𝟮𝟮 | Vᴏᴛʀᴇ ᴍᴀɢᴀᴢɪɴᴇ Wᴀᴛᴛᴘᴀᴅ
L'équipe a le plaisir de vous présenter le sixième numéro de wattactu, celui de février 2022. Vous pourrez y retrouver plusieurs articles parlant de livres, un éditorial abordant le...
Dans cet article il sera question de l'arrivé des « Triggers Warnings" dans la littérature.
Le terme anglais « Trigger Warning » est une déclaration comprenant un avertissement qu'un contenu (article, vidéo, film, livre, chanson, etc.) comprend des éléments qui peuvent déclencher un traumatisme psychologique chez certaines personnes. En français, il n'existe pas de terme utilisé unanimement pour désigner ceci. Dans ce texte, nous utiliserons le terme traumavertissement pour traduire les mots « Trigger Warning».
Les traumavertissements font peu à peu leur entrée dans le monde du livre et cela suscite certaines réactions. Certains les cherchent avant chaque lecture et d'autres s'y opposent catégoriquement.
Mais les traumavertissements dans l'univers des livres ça ressemble à quoi, concrètement?
Premièrement, il y a les traumavertissements qui ont été imprimés dans le livre et qui ont été choisis par l'auteur et la maison d'édition. Voici quelques exemples:
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Deuxièmement, il y a les mentions de traumavertissement créés par des lecteurs que nous pouvons retrouver sur des plateformes telles que StoryGraph (qui malheureusement est en anglais uniquement). Voici un exemple:
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
StoryGraph permet également à l'auteur de publier une liste de traumavertissement.
Pourquoi serait-ce une bonne chose?
Certains pensent que la lecture ne devrait pas être une activité traumatisante et rester un environnement sécuritaire pour le lecteur. Pour eux les traumavertissement sont à but préventif, ayant l'objectif de protéger les personnes qui en ressentent le besoin.
J'ai eu la chance d'échanger avec quelqu'un, qui souhaite rester anonyme, qui m'a expliqué pourquoi elle est pour les traumavertissements dans le monde du livre : « Je suis quelqu'un qui a vécu de la violence domestique pendant des années, et encore aujourd'hui j'en garde des séquelles psychologiques et physiques. Il y a quelques années, j'ai voulu lire un livre recommandé par un magazine que j'adore. J'ai commencé ma lecture et tout allait bien jusqu'à un certain passage où je me suis tout simplement mis à pleurer. Je tremblais, j'avais de la difficulté à respirer. Je n'arrivais pas à arrêter. Heureusement, j'ai été capable de prendre mon téléphone et appelé une amie... Je n'ai jamais terminé ma lecture de ce livre, j'en étais tout simplement incapable. Peut-être que c'était ma faute, que j'aurais dû me renseigner un peu plus sur le livre, mais ce qui est sûre c'est que si sur la première page du livre il avait une petite phrase aussi simple que "ce livre aborde le sujet de la violence domestique" je n'aurais jamais jamais lus ce livre. Maintenant, avant de lire un livre j'épluche internet à la recherche des Triggers Warnings parce que je n'ai tout simplement pas envie de revivre cette expérience, alors que la lecture est, pour moi, supposé être un hobby qui me permet de relaxer ». Il existe plusieurs personnes qui ont vécu une expérience similaire, on peut facilement trouver des témoignages semblables sur les réseaux sociaux ou sur des blogs.
D'autres soulignent le fait que l'on parle beaucoup des effets des traumavertissements chez les personne souffrant d'un syndrome post traumatique, mais ils rappellent que ces avertissements peuvent aussi avoir des impacts chez des personnes qui ont tout simplement une phobie. Par exemple, si quelqu'un qui a extrêmement peur du sang, il ne veut peut-être pas lire un livre qui contient des description de scènes sanglantes à chaque deux pages.
Pourquoi serait-ce une mauvaise idée?
Certains sont de l'avis que les traumavertissements peuvent divulgâcher le livre en dévoilant l'intrigue ou d'autres éléments importants de l'histoire.
D'autres craignent que les lecteurs commencent à éviter de consommer des livres qui traitent de sujets plus « controversés » et qu'ils manquent d'ouverture d'esprit, menant peu à peu à une société où les gens ne sortent plus de leur zone de confort.
De plus, certains pensent que l'évitement de certains sujets peut aider à court terme, mais à long terme, il peut aggraver la peur. Il est utile de s'exposer et d'apprendre au fil du temps que ces choses n'ont pas le pouvoir de vous faire du mal.
Certains craignent que les traumavertissements dégénèrent et qu'ils soient utilisés comme argument pour bannir un livre.
D'autres personnes sont pour une certaine forme d'avertissement, mais sont contre les traumavertissements.
Nous avons eu la chance de recevoir le témoignage de quelqu'un ayant cet opinion, le voici :
« J'ai beau être qualifié·e de « militant·e » par les gens tout simplement parce que je me bats pour le respect des droits humains, celui de l'environnement, que j'ai un esprit critique et que je réfléchis beaucoup sur divers sujets sociétaux, je trouve le concept de trigger warning complètement stupide. Ou du moins, l'utilisation qui en est faite. L'idée de base, protéger les gens sensibles à certains sujets en les avertissant au préalable, je conçois complètement. C'est ce qu'on appelle un Content Warning (avertissement de contenu), et je suis pour lorsque certains sujets non-adaptés aux plus jeunes ou à des personnes sensibles à ces dits sujets sont abordée, tels que les violences sexuelles, la torture... en bref, les sujets ayant atteint un certain degré de violence et qui ne sont pas adaptés à tous·tes. Mais les trigger warning, c'est déjà le pas de trop. Parce que l'utilisation qui en est faite dans le milieu militant est complètement inutile. Dès que je vois les deux petites lettres TW, je sais déjà que c'est pour une raison stupide. J'ai pu observer deux cas de figure : premièrement, sur des posts instagram de comptes militants par exemple. Par exemple, je suis tombé·e sur un post où l'intitulé était « TW : viol », et le texte « [prénom] a été condamné à [peine] pour viol ». Dans ce cas de figure-là, le TW est complètement inutile. Si on pense qu'un simple mot va réveiller des traumas chez certaines personnes, alors qu'on le met déjà dans l'intitulé du trigger warning, c'est complètement stupide. Ici, il n'a jamais été donné de détail sur le manière dont s'est déroulé ce dit viol, il n'y a donc aucune raison de prévenir les spectateur·ice·s. Ou sinon, c'est quoi, la suite ? En mettre de partout, pour tous les mots, chaque suite de lettre que chaque personne demandera ? Autant vivre dans une grotte si on n'est pas capable de lire des titres de journaux !
[...] On ne peut pas considérer chaque sujet un petit peu violent comme possible déclencheur de traumas, parce que les personnes incapables de supporter de voir ne serait-ce qu'une réalité atténuée le font vraiment exprès. La phrase « des insultes homophobes ont été taguées sur les murs d'un bar de telle ville » ne PEUT PAS déclencher de traumatismes chez quelqu'un·e. On ne peut pas masquer la réalité pour une poignée personnes qui devraient allez voir un psy parce qu'ils ont vécu des évènements traumatisants. J'ai également observé que certaines personnes s'inventaient complètement des traumatismes, demandant qu'on avertisse pour mentionner certains mots au hasard, certaines paroles de chansons, lorsqu'on parle de ce qu'on a mangé... et je trouve que c'est une grave entrave à la liberté d'expression. Comme beaucoup de choses, le concept de content warning est une bonne idée. Mais il y a des extrémistes partout, que ce soit à l'extrême droite, dans le militantisme féministe ou pour les droits de la commu' LGBTQ+, et l'appropriation qui a été faite du concept de trigger warning dans le milieu militant pour les droits humains est complètement stupide. »
Qu'en est-il des traumavertissements sur Wattpad?
Certains auteurs, décident d'inclure dans leur liste de mot clé des termes comme #Trigger #TriggerWarnings #Warning suivit des sujets qu'ils croient potentiellement « dangereux ».
D'autres auteurs écrivent à la fin du livre les initiales TW, suivis des sujets sensible. Par exemple : TW Cette histoire aborde le sujet du suicide et comprend des scènes de mutilations.
Selon vous, les traumavertissements ont-ils leur place dans l'univers de la littérature ?
Merci aux personnes qui nous ont aidé à la rédaction de cet article en témoignant.
