Chapitre 3

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         Je pense encore à mon rêve de cette nuit, quand on vient m'annoncer que mon camarade de chambre viendra s'installer aujourd'hui. Je me demande à quoi il ressemblera.
          Par réflexe, je commence à penser qu'il sera un peu comme moi, mais en plus athlétique, plus sûr de lui et plus adroit... Et en garçon.
        Une seconde, on est dans un hôpital, et il s'installe pour un moment, ça signifie qu'il a besoin de soins réguliers. Je vois alors un ado chétif et très maigre, à la peau blanche et maladive, presque verdâtre, et aux cheveux gras et mal entretenus.
         Je me donne une claque intérieurement. Qu'est ce que c'est que ces clichés !?
          Puis je réalise : il n'aura pas forcément le même âge que moi ! Peut être que je tomberai sur un gars deux fois plus âgé que moi, ou pire, un gosse de quatre ans ! L'enfer !

         La porte s'ouvre, et j'ouvre grands les yeux, inquiète. C'est un infirmier en blouse blanche qui entre le premier - le blond, celui que je n'aime pas -, suivi d'un jeune ado qui a l'air d'avoir à peu près mon âge - je soupire de soulagement -, il est grand, les cheveux d'un roux très prononcé, des tâches de rousseur lui éclaboussant les joues, le nez et... Tout le visage finalement. Il a les yeux gris-vert, et un regard fuyant, plutôt hésitant. Quand ses yeux rencontrent les miens, il a un mouvement de recul, il sent immédiatement que je le juge et ça le met mal à l'aise. Tant mieux, ainsi le rapport de force est déjà défini et ce n'est pas moi qui aurai à me faire accepter. J'ai conscience que ce n'est pas la manière la plus saine de commencer une relation, quelle qu'elle soit, surtout qu'on va passer beaucoup de temps ensemble à partir de maintenant, mais je refuse de prendre le moindre risque.
          Je me redonne une claque intérieurement. On est pas en guerre !
          J'essaye d'afficher un air plus avenant en décontractant mon visage et en souriant un peu, mais je ne parviens pas à cesser de le fixer, alors ça doit être encore pire.

      Il a le regard encore plus fuyant qu'avant, ses gestes sont hésitants, et il n'arrête pas de se gratter la nuque. Il transpire même un peu, il est vraiment stressé, j'y suis allée un peu fort et maintenant c'est impossible à rattraper ! Le garçon a croisé ses jambes - debout -, et je vois qu'il commence à s'avancer. J'esquisse un geste de la main
- Atten-
        Il s'étale par terre. Le boulet.
        Cette gaffe a au moins le mérite de nous faire rire tous les deux, et de rétablir une ambiance légère, après la pression écrasante qui régnait jusque là.

         Ca a aussi l'avantage de chasser le médecin, qui s'éclipse avec un sourire. Mon nouveau camarade se tourne vers moi. 

- Tant qu'on y est, autant faire les présentations, me propose-t-il alors, un sourire flottant encore sur ses lèvres. Moi c'est Noham, et toi ?

- Je sais pas. 

- Euh, hein ? il est de nouveau déstabilisé, il recommence à se gratter la nuque. Je décide de m'efforcer de me faire comprendre, quitte à y passer la nuit - je rappelle qu'on est le matin. 

- Je suis amnésique, c'est-à -dire que je ne me souviens de rien avant... Je ne sais pas vraiment avant quoi, en fait. Peut-être avant que je ne me réveille ?

Noham jure entre ses dents. Comme si il s'y attendait. Ce qui est potentiellement le cas. Je prends conscience qu'il n'était pas mal à l'aise à cause de moi, il n'était en rien déstabilisé, au contraire, il savait exactement ce que j'allais dire, et c'est ça qu'il craignait. 

- Tu ne te souviendrais pas par hasard d'une voix, une vague voix qui te disait quelque chose ? il me demande, son regard cherchant le mien.
          Je me souviens bien de quelque chose, mais je ne pense pas qu'on parle de la même voix. Je me contente de plisser les yeux. Lui décide de poursuivre.

- Comme une voix qui chuchotait quelque chose, une voix d'adolescent, qui soufflait quelque chose comme : "Ça va aller, je vais te ramener à l'hôpital, tiens bon" ou quelque chose comme ça. Tu n'en as aucun souvenir ?

           Il va vraiment finir par me faire douter. Je réfléchis pour lui faire plaisir, je cherche dans ma mémoire, mais c'est difficile. Cependant, il a raison sur un point, j'ai le sentiment qu'il me reste quelque chose d'avant mon réveil ici. Je me frappe la tête de toutes mes forces du plat de la main, qui sait peut être que ça m'aidera à me souvenir.
          Miracle, ça a marché.

NDA : les enfants ne faites pas ça chez vous, ça ne marche pas et au mieux vous aurez un bleu et des neurones en moins.

          Un souvenir très net, presque trop pour être réel, me revient à l'esprit.

          "Je suis allongée sur une plage de galets. Je ne sais pas ce que je fais là, je sais juste que je suis épuisée, que j'ai mal partout et que je lutte depuis des heures pour ne pas m'évanouir. Mes oreilles sifflent et des tâches noires m'obscurcissent la vue. Le ciel est bleu, les oiseaux chantent, la rivière à côté de moi poursuit son cours calmement et le léger froufroutement des feuilles m'incite à m'endormir. Non, je dois tenir bon ! Mais, qu'est ce que j'attends, au juste ? Je n'attends rien, je n'ai même pas vraiment peur de m'endormir, j'ai peur de ne pas me réveiller.
           J'entends qu'on m'interpelle. Sauvée, je suis sauvée. Je tente de relever la tête, mais de toutes manières je ne verrais rien. On m'attrape sous les bras, en m'encourageant à avancer. Je n'entends pas bien, mes oreilles sifflent de plus en plus fort, mais je m'efforce de mettre un pied devant l'autre. Je me sens de plus en plus lourde. L'autre continue de me parler, même si je ne comprends rien de ce qu'il me dit. Je m'oblige à fonctionner comme un automate, si je me concentre je vais perdre connaissance.
             Je ne sais pas depuis combien de temps on marche, mais je me sens incapable de continuer. Je commence à relâcher la pression de mes jambes, en m'appuyant de tout mon poids sur la personne qui m'a sauvée. Cette dernière jure entre ses dents, plusieurs fois, me crie quelque chose que je ne comprends pas et, même si je sais ce qu'elle me demande, j'en suis incapable. Tout autour de moi devient noir.''

- Je m'en souviens vaguement. C'était toi ? je souffle pour lui faire plaisir, et aussi parce que c'était évident. Ça fonctionne, il me sourit de toutes ses dents.

- Oui ! Oui, c'était moi. Tu t'en souviens !

          Il continue de s'extasier comme ça pendant plusieurs minutes, avant de commencer à fatiguer. Il faut le comprendre, c'est épuisant d'être de bonne humeur quand la personne en face sourit à peine à vos blagues.
          Voyant je je réagis peu, il sort un livre et va s'installer sur la petite chaise dans un coin de la pièce, et son visage se ferme comme une huître. On dirait qu'il n'est même plus là.

          On m'a collé un ado immature avec des sautes d'humeur, parfait. Ça risque pas d'être reposant.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 07, 2022 ⏰

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